[gillesC]

[CENTER][B]II[/B][/CENTER]

Guillaume se considérait comme profondément moyen, mais en toutes choses, et pensait que cela faisait de lui un être exceptionnel. Un simple coup d'oeil vers Eléa le confortait hélas dans ce jugement acerbe, fruit d'années de sombre réflexion. La personne d’Eléa était l’improbable résultante de formidables décalages et déséquilibres, qui devaient sûrement la rendre cohérente en quelque royaume fort ignoré de Guillaume. Lequel était néanmoins forcé de reconnaître que sa compagne prenait hélas elle aussi part dans les rangs des êtres d’exception.
Allongée en travers du lit qui faisait bien ses quatre mètres carrés, elle parvenait à en occuper près de soixante-quinze pour cent de la surface disponible. Cela avait jusqu’ici contraint Guillaume à passer une nuit à la limite du pénible, mais de l’autre coté de la limite. Puisqu’Eléa ne supportait pas de dormir la fenêtre fermée –ni même de songer à cette possibilité, il s’était au fil des heures rhabillé en douce, des chaussettes jusqu’à la chemise, car elle avait bien entendu enroulé drap et couverture autour de son mince corps. Comment ce qui, à la faible lueur des réverbères, semblait une fine poupée Barbie sans formes et d’à peine cinquante kilos, pouvait être à ce point dérangeante…
C’était Elea, ce qui suffisait à clore toute question, discussion, ou espoir.

Ses voûtes plantaires commençaient à trouver le temps long et froid. Il mit donc ses pantoufles, qu’ils avait cachées sous le lit, sa compagne étant capable de se moquer de n’importe quel objet qu’elle n’avait pas elle-même acheté, voire –horreur- fabriqué. Guillaume décida de lui voler une cigarette et d’aller la faire disparaître sur le balcon. Parce que. Il était quand même chez lui. Il chercha brièvement dans le sac à main bleu qui portait un affreux coquillage accroché à la fermeture-éclair (il avait l’habitude d’y fouiller [I]à la recherche du Tampax perdu[/I] lorsqu’Eléa le lui ordonnait).