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Vieux 04/08/2010, 14h43
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Ben Wawe Ben Wawe est déconnecté
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Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
Dernièrement, j’ai lu Mystic River de Dennis Lehane. On me l’a offert parce que j’avais lu après cadeau Shutter Island et si j’avais apprécié l’atmosphère du livre et le « jeu » mis en scène par Lehane, j’avais été déçu par le « nœud du mystère », car j’avais compris le retournement de situation final une centaine de pages avant celui-ci. Or, je craignais un peu la même chose pour Mystic River, à savoir une bonne implantation mais un livre reposant sur une révélation qui se devine. Mes craintes se réalisèrent mais finalement ça en fit une force supplémentaire à l’histoire.

Cent cinquante pages environ avant la fin, j’étais certain d’avoir trouvé la résolution du mystère du meurtre de la fille d’un des trois personnages principaux, et mon esprit put encore flatter mon égo lors de la « résolution finale ». Mais je fus très heureux de découvrir que finalement je m’en fichais et que là n’était pas l’intérêt fondamental de cette histoire – bien au contraire (ce qui me fait penser que je devrais relire Shutter Island pour revoir mon avis dessus).
En effet, Lehane est parvenu à faire passer le « mystère » en intrigue secondaire alors qu’il la traite comme le nœud de son livre. En réalité, je me suis rendu compte que l’intérêt fondamental de Mystic River est la vie des trois personnages principaux, qui ont chacun géré un drame fondateur dans leur enfance de façon différente pour les mener à cette situation.

Le tour de force de Lehane est de montrer une lente évolution née dans cette enfance et dans le drame subit par l’un d’entre eux et qui se répercute sur les autres. Dès la première partie du livre, les dés sont déjà jetés, le destin de chacun est écrit par leurs réactions après ce drame. Il est terrible de les voir tenter de se dépasser, de gérer ça et d’être meilleurs sans forcément y arriver ou sans forcément arriver là où ils le voulaient.
Déterminés par un événement vieux de vingt-cinq années, les trois personnages sont restés coincés dans leurs résolutions et attentes apparues juste après le drame. Comme si ce dernier avait arrêté le Temps autour d’eux et les empêchait d’avancer, comme s’ils n’étaient jamais parvenus à dépasser leur culpabilité et leur souffrance. Comme s’ils étaient toujours des Petits Garçons face aux Loups (ceux qui ont lu, lisent ou liront comprendront).

Mystic River est aussi une chronique sociale de la classe moyenne et de la classe pauvre américaine, aux frontières si tenues par moments, dans une ville qui change peu à peu, qui subit l’invasion des « riches » pour faire fuir les autres, avec des personnages qui, eux, n’ont pas changé depuis vingt-cinq ans. En arrière-plan, Lehane dresse un portrait sombre d’individus « moyens » qui naviguent à vue dans un monde en mouvement, incapables de le comprendre et essayer de se raccrocher à des fondamentaux (famille, travail, amis) qui chacun deviennent ou sont déjà des déceptions en phase d’aggravation. Les personnages ont voulu un socle solide pour avancer, mais à mesure que l’histoire avance, l’évidence éclate : ce socle n’a jamais été aussi solide qu’ils le voulaient à cause des conséquences de ce drame originel, et ils n’ont donc jamais pu (ou voulu ?) avancer.
Véritable miroir d’un pan de la société américaine, Mystic River compte plus sur l’excellence de sa gestion des personnages que sur son « mystère », finalement empreint d’un pathos un peu lourd.

J’ai dévoré ce livre non pas parce que je voulais connaître qui avait tué Katie Marcus mais parce que je voulais savoir dans quel état Jimmy Marcus, Sean Devine et Dave Boyle seraient après ce deuxième drame fondateur dans leur existence.
Alors que l’action se déroule en 2000, clin d’œil appuyé sur le symbolisme du changement de millénaire pour un changement de destinée, un constat s’impose : si le premier a événement dicté l’absence d’évolution de Jimmy, Sean et Dave jusqu’au second, celui-ci modifie leurs perceptions du monde et de leurs destins. Comme si un deuxième drame les faisait réagir et prendre conscience de ces vingt-cinq années perdues à rester au fond les enfants qu’ils étaient ; comme si l’acceptation de ce meurtre faisait rentrer dans la vie d’adulte les Petits Garçons qui deviennent des Loups pour aller enfin de l’avant et dépasser les drames, certains s’acceptant enfin et d’autres trouvant la force de dire enfin le mot le plus difficile pour un adulte : « pardon ».
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