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Vieux 07/08/2009, 07h10
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The Mighty Charentais
 
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Thoor change la caisse du Fauve
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GOLDENMASK II

Je flotte. De toute éternité, je flotte. Pas de lumière, pas de son, je ne perçoit rien d’autre qu’un néant infini et éternel. Je suis au repos. Complet. Repos de corps et d’esprit. Je flotte dans le noir, je ne suis personne, Je ne suis rien. Je suis bien.

L’eau froide l’enserre de sa main glacée. Goldenmask s’en moque. Au contraire même, il apprécie cette gifle qui le réveille de l’état quasi hypnotique dans lequel il s’était plongé. La descente au coeur du lac ne dure pas, et bien avant que ses poumons ne protestent contre l’accumulation d’air vicié, il arrive vers les restes d’un manoir englouti.
Une bâtisse encore en bon état malgré son immersion depuis plus de cinquante ans. De solides murs de pierres soutiennent encore une toiture compliquée faite de croupes, de noues et de tourelles. Un étage, une vingtaine de pièces, un endroit où il faisait bon vivre, engloutit. Il s’en souvient encore même si à l’époque il n’avait que quatre ou cinq ans. L’engloutissement de la demeure lors de la création du lac artificiel avait été un déchirement pour toute la famille.
Les images d’une fête donnée dans les jardins, d’un merveilleux noël où il avait reçut un jeu de construction métallique, lui remonte à la mémoire, période joyeuse et insouciante de l’enfance. Il refuse de se laisser aller à la nostalgie. Il se dirige vers une brèche dans la toiture, slalome dans l’enchevêtrement de bois qu’est la charpente. Il dérange à peine quelques algues lorsqu’il descend l’escalier de granit qui le conduit rapidement dans la cave.
La pièce ressemble à une église avec ses voûtes de pierre et ses arcs boutants massifs. Un peu de boue masque le sol de grés, composé de larges dalles carrées formant un damier qui l’impressionnait tant quand il était enfant. De grands fûts de chêne, qui contenaient de fameux vins millésimés, s’alignent de chaque coté de la cave, Gardien silencieux semblant reprocher à l’intrus de provoquer des remous qui menace leur fragile équilibre.

Avançant jusqu’au murs du fond, Goldenmask empoigne un casier à bouteilles et le fait pivoter. De la vase s’élève doucement alors qu’une porte dérobée s’ouvre. Le bras vengeur de Wondercity s’engouffre dans le passage, la porte secrète se referme derrière lui. L’obscurité se fait plus profonde, mais le héros n’hésite pas. Grâce à sa vision nocturne que lui confère son Trim’Baki, il y voit relativement bien. Le tunnel qui prolonge le passage remonte en pente douce. En quelques instants, Goldenmask se retrouve au dessus du niveau de l’eau. Cette partie du trajet n’ayant durée qu’une poignée de minutes, il n’a aucune peine à reprendre son souffle. Le boyau est visiblement l’agrandissement d’une cavité naturelle. Des traces d’impacts d’outil côtoient des stalactites calcaires. Goldenmask marche rapidement. L’écho de ses pas résonnent lugubrement.

Je flotte. J’ignore complètement si je tombe ou si je vole. Est-ce que je me déplace seulement ? De toute façon je m’en moque. Je ne pense pas. Je ne rêve même pas, Je me contente d’être. Je suis bien.

Après une galerie de quelques cinquante mètres, la fierté de Wondercity arrive devant une large porte métallique. Il pose délicatement sa main sur les glyphes incrustés dans le parement en tentant, comme à chaque fois qu’il vient ici, d’imaginer ce qu’ils signifient. Il y en a trois, d’environ vingt cinq centimètres, alignés de bas en haut sur la moitié haute de l’ouvrant. Elles rappellent un peu des idéogrammes chinois, bien que personnes ne puissent les traduire, ni même en déterminer l’origine. Le héros, d’un mouvement las presse sa paume sur celui du milieu. Le sigle s’illumine d’un bref éclat lumineux rouge et la porte pivote dans un chuintement huileux.
Malgré son poids considérable, d’astucieux mécanismes dissimulés referment doucement la porte derrière lui. Une série d’ampoules nues s’éclairent alors. Attendant que ses yeux s’habituent à la lumière fluctuante, il regarde l’ensemble de la pièce. Bien qu’il ait une totale confiance en l’ingénierie déployée par son grand père pour créer ce repaire, il recherche tout de même des indices d’usures ou de fuites dans le plafond rocheux. Les murs sont recouverts de panneaux métalliques ou il retrouve le même genre de glyphe que sur la porte d’entrée. De nombreuses tables supportent d’innombrables appareils aux usages plus ou moins identifiables. Son examen finit, Goldenmask s’approche du centre de la pièce.
Ce dernier est occupé par une machine, d’où partent des câbles et des tuyaux qui s’animent dans des palpitations quasi vivantes. Un ensemble ovoïdale trône à la jonction de toute la tuyauterie. Une vitre translucide laisse deviner une forme humaine à l’intérieur de cet œuf artificiel.

Il y a un changement. Une fulgurante douleur me déchire. J’ai le cerveau en feu. Mon corps est plongé dans de l’azote liquide. Chacune de mes terminaisons nerveuses s’affolent. Je vois. Une douce lumière verdâtre envahit mon champ de vision. J’AI MAL. Elle se rapproche et me traverse. QUE CELA CESSE. Un filet luminescent joue autour de moi. Chacun de ses contacts éveille une partie de mon corps. LAISSE MOI ICI. Je me redécouvre. Des sensations oubliées resurgissent. Des flashs traversent ma mémoire. Je me souviens de tout. Je suis Joachim Leplomb.

Les lumières blafardes des néons rendent mes yeux douloureux……. lorsque je tente de les ouvrir. Une voix d’homme, me souffle quelques mots de réconfort que je ne comprends qu’a moitié. J’ai mal partout. Je …… m’éveille…. par vagues successives. A chaque phase d’éveil je me sens de plus en plus fort. Je reconnais la voix de mon père…… Il me berce comme lorsque j’était petit…….. La douleur s’estompe……. Sauf celle qui me vrille le bas de la colonne vertébrale…… Mon père est penché sur moi. Dans son regard j’y lis le soulagement, l’amour qu’il me porte, la fatigue aussi. Je devine les longues heures passées devant des machines qui dépassaient sa compréhension. Je sens dans le lien qui nous unis, ses doutes, ses peurs, et le temps qui a passé. Beaucoup de temps. Je veux savoir combien, mais je n’arrive qu’à produire un coassement ridicule. Un petit silence s’installe et nous nous mettons à rire ensemble. Un rire sec nerveux pour lui, entrecoupé de quintes de toux pour moi, mais un rire salutaire qui nous délivre l’un comme l’autre. Notre rire s’élève, résonne entre les murs d’acier, nous revient et déclenche un nouveau fou rire. Nous rions ainsi jusqu'à ce qu’une quinte de toux me plis en deux. Mon père s’arrête instantanément de rire. D’un œil inquiet il analyse les différents moniteurs qui m’auscultent depuis des heures. Pendant ce temps je m’endors, terrassé, enfin paisible.

Goldenmask regarde son fils endormit. Il a réussit ! Après des heures d’acharnement, de lutte, son fils vit. Pour le moment, il ignore encore beaucoup de chose, mais le principal est fait. La fatigue lui tombe dessus d’un seul coup. Il s’endort à son tour, bercé par le ronronnement des machines qui effectuent inlassablement leurs taches.

Toute la salle semble s’être s’assoupie, L’éclairage se tamise automatiquement, seuls quelques tuyaux bougent en un rythme biologique. De petits bruits mécaniques ponctuent régulièrement l’apparition d’un voyant lumineux, ou une information sur un moniteur de contrôle.
Les heures s’étirent, dehors, Wondercity commence à s’assoupir.
Une pâle lueur forme alors un halo autour de Goldenmask. Timidement, l’aura verte croit et baigne la salle d’une douce lumière. Le Trim’baki se lève est quitte son hôte. L’être d’énergie regarde autour de lui. La surface réfléchissante d’un écran lui permet de se voir. L’être semble se jauger. Il voir un humanoïde filiforme, une créature qui paraît composé de lumière verte. Avec des mouvements amples et gracieux, il se tâte le visage, cherchant là un nez, ici une bouche. Il ramène ses bras le long de son corps. Une sensation de tristesse, de nostalgie émane de lui, laissant les machines indifférentes. Il déambule autour des appareillages, effleure des ses doigts sans consistance une console, s’attarde devant une porte menant aux autres installations. Il gonfle son maigre torse d’un air imaginaire et pousse un long soupir fatigué. Sa main frôle le jeune corps allongé sur la table d’éveil. Il tente de peigner la crinière rebelle, oubliant un instant sa condition d’ectoplasme. Sa main traverse le corps assoupi du jeune homme sans faire bouger le moindre cheveu. Le Trim’baki détourne son regard vide et va reprendre sa place dans le corps de Goldenmask. Sa décision est prise.

Je m’éveille lentement, par pallier. Que c’est bon de se réveiller. D’entendre des bruits, de respirer de l’air, même aussi peu chargé d’odeur que celui de cette pièce. J’ouvre enfin les yeux. Je vois mon père. Il dort encore. Je le vois, je sais que c’est bien lui et pourtant il me semble bizarre. Il porte le costume de Goldenmask. Ce doit être cela qui me gène. Où est Grand Père ? Cette simple question éveille quelque chose en moi. Une douleur. Je me concentre dessus mais le souvenir m’échappe. Il y a autre chose qui m chiffonne à propos de mon père : depuis quand a-t-il autant de cheveux blanc et toutes ces rides. Je prend pleinement conscience du temps qui a coulé depuis……Depuis quoi ? Ce souvenir, aussi, m’échappe. J’en grogne de frustration. Cette petite manie réveille mon père. Il semble un instant perdu avant de poser son regard sur moi.
Il se détend. Il se lève et je tente d’en faire autant.
_Non ! dit il dans un souffle. N’essaie pas de te lever.
Il me prends dans ses bras et me berce comme lorsque j’était petit. Pendant que je panique.
Je ne sens pas mes jambes. Ni mes pieds. Je n’arrive pas à les bouger.
_NOOON ! Mon cri résonne dans le laboratoire et cette fois je ne ris pas. Je pleure. Je suis paraplégique. Et le choc fait remonter les souvenirs qui se dérobaient. Ils défilent devant mes yeux me forçant à revivre le cauchemar.

Une fête, dans une grande salle de réception. Il y a beaucoup de monde, des personnalités de Wondercity, une actrice, des industriels. Ma mère reçoit chacun d’un mot gentil malgré son accouchement récent. J’ai du mal à croire que j’ai une petite sœur. Je me tiens à coté de mon père. Il me présente à tout le monde, bientôt je vais travailler avec lui à la tête de Leplomb Inc. La fête bat son plein, tout le monde est content malgré un temps épouvantable. La pluie tombe sans cesse depuis le matin.
Un portable sonne. Mon père répond et change de couleur. Il me demande de l’emmener chez grand père. Ma voiture de sport et ma conduite rapide devant nous permettre d’y être en un temps record.
La route est glissante, mais je maîtrise bien mon bolide. Soudain un éclair frappe la route devant nous. Il est vert. Aveuglé je donne un coup de frein. Je sens la voiture partir en tête à queue. Un choc très violent, et le trou noir duquel je viens juste de me réveiller.

La nuit est maintenant bien avancée. Nous avons discuté pendant des heures. Mon père a tenté de me faire rattraper huit ans d’absence. J’en suis groggy, tellement de choses se sont passés. Grand père est décédé cette fameuse nuit de l’accident. Ma mère dirige Leplomb Inc. Ma sœur a été tuée par un déséquilibré. Ce dernier ayant été battu a mort par un Goldenmask fou de douleur. Il va me falloir du temps pour réaliser pleinement la situation. Je suis fatigué et pourtant j’ai peur de m’endormir. Mon père guette chacun de mes gestes d’un regard anxieux. Il craint visiblement que je sois tenté de replonger dans le coma pour échapper à tous ça.
Les silences entre nous se font de plus en plus long, il va falloir partir. Mon père se lève. Je tourne la tête, il va devoir me porter comme un bébé. Une larme de rage et d’impuissance menace. Je refuse de pleurer à nouveau. Je serre les dents.
Une lumière verte baigne soudain la pièce. Je regarde mon père. Je le vois en double. Il est là devant moi. Son Trim’Baki l’enveloppe en un double de lui.
Sa voix dans nos têtes semble bourdonner.
« Le temps est venu pour moi de changer d’hôte. Abraham, la colère t’habite, les derniers jours ne t’ont que trop bouleversés. Je ne t’en veux pas. Tu es humain. Mais cette fureur qui t’anime est comme du poison pour moi. Ton fils fera un bon Goldenmask. »
Je cris :
_ Non ! C’est lui le héro, pas moi. Je ne suis qu’un infirme….
Un sanglot s’étrangle dans ma voix.
L’être de lumière tend ses bras vers moi.
« Ne me refuse pas. Tu es plus fort que tu ne le crois, quand à ton infirmité, je pourrai y remédier….avec du temps. » Sa voix est douce, un peu triste. « Je suis lié à ta famille depuis longtemps, je ne peu m’acquitter de ma dette que de cette façon, ne t’inquiète pas, tout ira bien »

Je tends ma main vers le Trim’Baki, paume contre paume, nous nous fondons l’un dans l’autre. J’entends mon père accepter la séparation, alors qu’une douce chaleur m’envahit lentement. Le visage de la créature se modifie pour finir par ressembler au mien. Dans ce miroir vivant, je me découvre vieilli, maigre à faire peur. Qu’importe ! Nous ne nous quittons pas des yeux. Le Trim’baki s’avance et je le sens se fondre en moi. Chacune de mes cellules s’embrase dans un déluge de sensations. J’ai tout en même temps chaud et froids, je sens l’humidité de l’air comme si je nageais dans de l’eau, j’entend les plic-ploc des gouttes d’eaux qui s’écrasent sur leurs stalagmites millénaires. Ma vision passe par divers stade depuis une vision infrarouge à une vision tellement détaillée que je pourrai compter les grains de sables qui jonchent le sol. Une énergie sauvage m’embrase. Je me mets à trembler violemment. J’ai la sensation qu’une scie rouillée torture le bas de ma colonne vertébrale. Un million d’aiguilles me transpercent les jambes. Je me lève. Je cris. Je pleure.

J’ai du m’évanouir une fois de plus. Je suis recroquevillé sur le froid métal du sol de la caverne de Goldenmask. Mon père se trouve juste devant moi, il respire péniblement. Il est si pâle. Ses joue se sont creusées, des rides profondes lui entourent les yeux, elle n’étaient pas à mon précédant réveil. Le Trim’baki me parle dans le secret de mon cerveaux « Ne le laisse pas là, il a besoin de soins ».
Alarmé, je me lève. Je remarque que je porte le costume de Goldenmask. Je n’ai pas le temps de m’occuper de ça maintenant. Je prends mon père dans mes bras, il ne pèse guère. Il ouvre un peu les yeux, sourit faiblement en me voyant. Je lui murmure :
_Tiens bon papa, je vais te porter à l’hôpital.
Il opine de la tête son accord. Nous remontons rapidement le tunnel de sortie. La lourde porte qui condamne l’accès s’efface devant moi. Nous arrivons au niveau de l’eau du lac. Abraham comprend qu’il va lui falloir retenir sa respiration. Il inspire autant qu’il peut, nous plongeons dans les eaux noires.
Mon hôte me dit d’accélérer. Je lui obéis et nous atteignons une vitesse vertigineuse. Autour de moi les parois de la grotte sont floues. A peine un battement de cœur plus tard, nous traversons le manoir Leplomb. J’attaque la remonter à la verticale tout en accélérant encore. Nous crevons la surface du lac, nous nous élevons d’une trentaine de mètres, suivit d’un geyser d’eau. Un soleil radieux nous accueille. Les promeneurs du Parc Grant Truddy se tournent vers nous, certain nous invectivent, d’autres nous applaudissent, tous interpellent leur idole.
Je les survole rapidement. Bien que Wondercity est beaucoup changée, l’hôpital se trouve toujours vers le centre ville, visible de loin avec son immense croix rouge qui couvre sa façade de pierre blanche.
Mon père aura bientôt tous les soins nécessaires. Bientôt, je pourrai retrouver ma mère. Bien assez tôt, je pourrai m’interroger sur mon avenir. Demain j’aurai bien des choix à faire…
Voila voila

Bonne lecture a tous
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L'amour pour épée, l'humour pour bouclier ! (B WERBER)

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