Discussion: [JDR] Sombre
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Vieux 23/03/2016, 12h00
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4 animations au Microlycée 94 – janvier et février 2016






L'année dernière, un gars me contacte par Internet. Pour préserver son anonymat, je l'appellerai Mathieu. Il a lu certains de mes comptes rendus sur les forums rôlistes et Sombre a éveillé son intérêt. Il voudrait m'acheter les zines pour se rendre compte en vrai. OK que je lui dis, donne-moi ton adresse et je t'envoie ça. Stupeur ! Il habite à deux rues de chez moi. Sa réaction : « Ah oui donc, c'était bien Johan Scipion le mec au bandana que je voyais déambuler entre la boulangerie, Carrouf Market et la Poste ». Ouais, j'ai des aventures de taré dans mon quartier. Des fois, j'achète des yaourts. Truc de malade.

Tout de suite, je me sens un peu gêné de lui faire payer des frais de port pour lui envoyer son petit tas de zines. La Poste pour une livraison à moins de cent mètres de ma porte, ce serait quand même du n'importe quoi en barre. Donc je lui propose de les lui apporter en mains propres. Terres Etranges, c'est un peu le luxe extrême de l'édition : les auteurs viennent eux-mêmes te livrer leurs œuvres dans ton salon. C'est pas chez Gallimard qu'ils feraient ça, hein.

On en profite pour discuter un peu le bout de gras. Il s'avère que Mathieu est un gars over sympa, rôliste curieux et passionné. Pile-poil le genre de personne avec qui je m'entends bien en général. Vu qu'on est voisins, je l'invite à ma table pour quelques playtests. Le courant passe, on est effectivement ludico-compatibles. Une chose en entraînant une autre, il finit par me proposer d'animer un atelier de découverte du jeu de rôle dans le lycée où il travaille. Car Mathieu est prof. Vous avez remarqué comme la moitié des rôlistes bossent à l'Éducation Nationale, pendant que l'autre moitié turbine dans l'informatique ? Y'a un pattern, moi je dis.

Mathieu m'explique que son établissement est particulier. Il s'agit d'un tout petit lycée (d'où le « micro » dans le titre de ce compte rendu, suivez un peu siouplait sinon on va pas s'en sortir). 90 élèves en décrochage qu'une équipe pédagogique mo-ti-vée s'efforce de remettre dans le circuit scolaire. Des jeunes qui, pour des raisons diverses et variées, ont pris un, deux ou trois ans dans la vue et qu'on essaie de réacclimater aux études. Dans leur emploi du temps, à côté des cours ordinaires, des activités culturelles et sportives. Dont le JdR évidemment, ce sport de l'extrême.

Moi, ça m'intéresse carrément bien. Parce que des interventions en milieu scolaire, je n'en ai jamais fait. Je bosse régulièrement avec des enfants, des préados, des ados et/ou des jeunes adultes, mais c'est en contexte rôliste (les convs), chez des particuliers, en ludothèque ou en centre de loisirs. Dans une école, cela ne m'est pas encore arrivé. Donc forcément, je suis curieux. Et puis, c'est payé. De l'animation qui rapporte des sous, je ne vais carrément pas cracher dessus. Hé, j'ai un petit bizness à faire tourner et la thune ne pousse pas sous les sabots des chwals.

Quand même, je m'informe un peu plus. En particulier, je demande à Mathieu si ces ateliers ont une quelconque ambition pédagogique. Le plan serait-il d'apprendre des trucs aux élèves par le biais du jeu de rôle ? Non, me répond-t-il, il s'agit uniquement de faire découvrir l'activité. Tout de suite, je respire. Pas que j'aie quoi que ce soit contre le JdR qui cherche à te faire réfléchir sur la vie, la mort, l'Histoire, les grands problèmes de société ou le prix des tomates cerises, mais ce n'est pas mon créneau. Moi mon truc, c'est de découper des gens. Des petits films d'horreur imaginaires autour de la table. Des bons, si possible.

De la flippe et du fun, sans alibi pédagogique ou culturel. Parce que, très sincèrement, je ne pense pas que le jeu de rôle en ait besoin. C'est un média puissant et riche, qui tient bien debout tout seul. Il mérite d'être apprécié pour ses qualités propres, au même titre que le cinéma, la littérature, la peinture ou la bande dessinée. Il n'est pas nécessaire qu'il soit le vecteur de quelque connaissance ou grande idée que ce soit. Il peut l'être bien sûr, comme tout média narratif, mais ce n'est pas une condition sine qua non, ni même une condition tout court. De mon point de vue, le divertissement suffit amplement à justifier la pratique. L'éclate, m'voyez. Y compris à l'école. Oui, parfaitement. J'ai pas de limites.



Première séance

Voilà donc qu'à la rentrée de janvier, Johan vient poser du Sombre au Microlycée. Du fait de ses particularités, l'établissement a des règles de fonctionnement différentes d'un bahut ordinaire. Mathieu m'a prévenu, je ne saurai jamais à l'avance combien j'aurai d'élèves dans mon atelier. Y'a douze inscrits, mais c'est carrément pas sûr qu'il y ait douze présents. En toute probabilité, ils seront moins, voire beaucoup moins. Et de fait, ils sont cinq.

Pour une première expérience en milieu scolaire, ça me va bien. Un petit comité, c'est cool. C'est d'autant plus cool que la plupart de mes casts de prétirés proposent de 4 à 6 personnages. Je vais donc pouvoir faire jouer tout le monde à ma table sans être contraint de recourir à quelque expédient. Pas de spectateurs, pas de jeu en rotation, pas non plus besoin de débaucher Mathieu pour qu'il fasse deuxième meneur. Pratique.

Allez, deux petites minutes de présentation et on se met à jouer. Cinq joueurs, trois hommes, deux femmes. Des profils assez divers en termes d'origines sociales, ethniques et culturelles. Ma banlieue, quoi Juste un point commun : de purs noobs. « C'est quoi un jeu drôle ? ». Okaaay, on part de loin. Du coup, j'amorce avec un Camlann. Petit tour de chauffe, juste pour briser la glace, présenter le concept rôliste et le système sur une base proche du jeu de société classique. Partie cool, qui se termine (c'est assez rare) sur un match nul.

Profitant que tout le monde est chaud, j'enchaîne bite à cul avec un Overlord, un petit cran au-dessus en terme de rôle. Ça passe plutôt bien. Durant la mise en place, l'un des joueurs me refait le fameux coup du « Je veux jouer un Allemand ». Prévisible. J'en avais d'ailleurs touché deux mots à Mathieu durant notre réunion préparatoire. Deuxième partie cool. Trois survivants parce que je ne mets pas trop la pression sur la fin et que les joueurs ont le bon réflexe, celui de la fuite.

Il nous reste une petite demi-heure. En faisant le forcing, je pourrais caser une troisième partie, mais je profite que rien ne me presse pour nous offrir un vrai débriefing. L'atelier est prévu en quatre séances de deux heures et je n'en suis qu'à la première. Y'a pas de rush. Putain, ça me change du rythme des convs, où j'enchaîne comme un taré. Là, je peux y aller tranquille et c'est super agréable. Je prends le temps de répondre de façon détaillée aux questions que me posent les élèves. On cause de Sombre, du cinéma d'horreur, de narratologie aussi (ce n'est pas sale). Trèèès sympa.



Deuxième séance

Aujourd'hui, affluence : neuf élèves, dont trois que j'avais vus la semaine dernière, soit six nouveaux. Ajoutés aux cinq de la fois précédente, on arrive à onze, c'est-à-dire presque l'intégralité de l'effectif. Et c'est cool, parce qu'on ne peut pas continuer à enchaîner les séances d'initiation. À un moment, va falloir passer la seconde.

Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, on repart sur la présentation du hobby. Je confie les trois vétérans à Mathieu, qui s'isole dans une salle voisine pour leur mener un Deep space gore. Très bonne partie semble-t-il. Première maîtrise Sombre pour Mathieu, qui en revient enchanté. Ça fait plaisir. De mon côté, je lance un Overlord à six joueurs avec les novices. Et ça dépote.

En deuxième heure, je réunis tout le monde, Mathieu compris, pour un Dracula à dix. Parce que ouais, j'ai peur de rien. Et même, je m'autorise un petit poil de playtest car j'ai toujours mes soucis d'équilibrage. Suite à mes dernières démos, j'avais gonflé les vampires, qui me semblaient un poil faibles. Oulaaah, j'ai été trop généreux ! Over costauds, ils sont devenus. Je m'en vais les brider, y'a besoin. Heureusement, cela ne nous a pas gêné. La partie fut cool et tout s'est terminé au finish. Très sympa.

J'avoue, cette séance m'a plongé dans des abîmes de perplexité. Les élèves sont plutôt cool et raisonnablement intéressés par l'activité. Certains plus que d'autres bien sûr, mais en moyenne, Sombre suscite l'intérêt. Ça fait plaisir. Par contre, je me trouve à gérer des trucs dont je n'ai pas l'habitude. D'abord, il y a cette question d'effectif à géométrie variable, qui m'empêche de planifier. Mon idée est d'emmener les élèves vers un quickshot en quatrième séance, mais comme je ne sais jamais ni qui ni combien seront présents, je n'ai pas moyen de bien doser la progression. Je bricole mon programme sur place et ce n'est pas idéal.

La taille du groupe n'est par contre pas un souci. Avec Mathieu qui mène en parallèle, ça le fait bien. Évidemment, ça reste sportif quand tout le monde joue ensemble, mais je ne prévois pas de rééditer l'exploit. Alors que je pourrais, hein, y'aurait moyen que je sorte un Dozen de mon slip. En PvP, il tourne à douze joueurs. Sauf que jusque là, on n'a fait que du Zéro. Je n'ai pas envie d'embrouiller le truc en présentant un autre système. J'ai mon matos Max dans mon sac à chaque séance, mais ne le dégainerai qu'en cas d'urgence.

Nan, le vrai truc qui me cause souci, c'est l'hétérogénéité des profils ludiques. Pas que je n'y sois pas habitué. Avec le nombre de démos que j'ai au compteur, il n'y a plus grand-chose qui me surprend de ce côté. Je pense avoir vu à ma table tous les types de joueurs possibles et imaginables. J'ai même mené pour un groupe de trisomiques, ce qui se pose là en terme d'expérience rôliste extrême. Sauf qu'au Microlycée, les conditions sont particulières. J'explique.

En conv, je fais avec ce qui vient. Les gens s'assoient à ma table, plus ou moins aware du JdR, plus ou moins gamers, plus ou moins actifs, plus ou moins éveillés. Au sens propre comme au figuré : y'a des gens un peu lents, d'autres un peu (beaucoup) fatigués, surtout après deux jours de festoche. Et puis, y'a aussi ceux qui sont un peu éméchés. Ah bin oui, dans les bars, on boit de la bière (et pas que). Du coup, passé 22h, tout le monde n'a plus tout à fait les yeux en face des trous. Au final, certains percutent vite, d'autres moins vite, d'autres pas du tout vite.

En début de démo, je fais un tour de table rapide pour évaluer rapido le degré d'awareness de chacun, choisis celui de mes scénars qui me semble le mieux adapté et avanti. Durant la partie, je joue avec ceux qui le veulent/peuvent : les plus motivés, les plus concentrés, les plus impliqués, les plus actifs, les plus sobres. S'ils sont deux ou trois, ça tire le reste de la table et fait de bonnes démos. Parfois, la mayonnaise monte moins bien, certains joueurs passent, pour tout un tas de raisons différentes, plus ou moins à côté de la partie. Ce n'est pas un drame. Au pire du pire, s'ils se sont emmerdés, elle n'aura duré qu'un quart d'heure. Y'a pas mort d'homme.

Dix minutes plus tard, parfois moins lorsque y'a un gros flux de joueurs, je repars pour une autre démo avec un autre groupe. Assez souvent, les gens qui ont apprécié l'expérience finissent par se repointer à ma table, un peu plus tard dans la conv ou à un autre event. Ceux qui se sont fait chier l'évitent désormais. Rien que de très normal. Le quotidien de n'importe quel démonstrateur.

Sauf qu'au Microlycée, ça ne marche pas comme ça. Les élèves se sont inscrits pour quatre fois deux heures de Sombre et même si on ne leur tape pas sur les doigts lorsqu'ils sèchent, ils sont censés tenir leur engagement, c'est-à-dire assister à toutes les séances. En pratique, une (toute) petite minorité fera les huit heures. Après la deuxième séance, seuls trois élèves peuvent prétendre au grand chelem. L'effectif global n'en demeure pas moins constant. Douze inscrits, toujours les mêmes, ce dont je n'ai pas l'habitude. En huit heures de conv, j'assois *beaucoup* plus de douze joueurs à ma table.

Au Microlycée, je ne peux pas me dire que les gens un peu à la traîne (ceux qui ont moins d'aptitudes et/ou moins d'expérience parce qu'ils ont séché certaines séances) vont prendre leur mal en patience pendant quinze minutes et iront ensuite faire un tour du côté de l'arène GN, du concours de cosplay ou du karaoké de génériques de séries animées. Nan, ils vont rester à ma table au moins deux heures, peut-être plus. Faut donc que je trouve le moyen de les mettre à niveau. Parce qu'à côté d'eux, y'en a d'autres qui percutent vite et avec lesquels je suis vachement tenté de faire des trucs plus exigeants. De l'impro, notamment.

En clair, j'ai le problème de n'importe quel prof : dans ma classe, y'a une tête et une queue. Je ne peux pas trop ralentir la tête parce que sinon, je risque la démotivation et par voie de conséquence, l'absentéisme. En même temps, faut que je tire grâââve la queue pour essayer de réduire l'écart. L'objectif est que d'ici deux séances, je sois en mesure d'improviser un quickshot qui tienne à peu près la route. Voire s'il y a assez d'affluence, qu'on puisse, Mathieu et moi, le faire chacun de notre côté. Y'a du challenge.



Troisième séance

Tandis que je patiente en salle commune, j'apprends que Sombre a fait le buzz dans l'établissement. On a parlé du Dracula de la semaine dernière, me dit une prof de français, rapport aux vampires lesbiennes. Je lui explique que j'ai pillé Le Fanu. Là où y'a de la gêne, y'a pas de plaisir. Peu après, Mathieu me briefe : « Aujourd'hui, on risque de n'avoir que cinq ou six élèves ». Tout ce bel optimisme fait plaisir à voir, parce qu'en fait, ils ne sont que trois !

La faute à des perturbations sur le RER dans la matinée... alors que l'ateliers se déroule en fin d'après-midi. L'effectif du Microlycée est tellement volatile que dès que y'a un piti truc qui déconne, ça produit de l'absentéisme pour toute la journée. « Tu touches du doigt la difficulté de notre métier », me dit Mathieu. Ah oui, tout à fait. Et même que j'y mets la main jusqu'au coude. Je m'en étais déjà un peu rendu compte sur les deux premières séances. Là, ça me saute à la gorge des yeux. 5 présents il y a quinze jours, 9 la semaine dernière, 3 aujourd'hui. Putain, c'est les montagnes russes ! Et jamais les mêmes personnes, en plus. Ah si, il y a *un* assidu. S'il vient à la quatrième séance, il aura fait le grand chelem, mais ce sera bien le seul. Quel suspense, mes amis, quel suspense.

Clairement, ce public à géométrie (très) variable me complique le boulot. Pas la maîtrise en elle-même. Il y a quelques années, ça m'aurait mis salement dans la merde. Aujourd'hui, j'ai assez de matos de démo pour gérer à peu près n'importe quelle configuration de jeu, de trois à onze joueurs. Hé, c'est que j'ai gratté du pEx au fil des convs. Il n'existe pas de génération spontanée du scénar. J'ai bossé dur pour développer les outils rôlistes dont j'ai besoin pour être efficace dans un maximum de configurations de démo.

Que les élèves se pointent à trois, huit ou douze, pas de souci : je vais pouvoir les occuper. Mais cela me semble un peu faible dans le cadre d'un atelier de découverte. Je veux dire, on ne me paie pas à faire le babysitter. Je ne viens pas simplement divertir, comme je peux le faire lorsqu'on loue mes services pour un anniversaire. Avec mes quatre fois deux heures d'atelier, je m'inscris dans une démarche d'apprentissage du hobby. Le format m'autorise à être plus ambitieux que pour une animation standard. J'ai la possibilité de pousser un peu l'initiation, ce serait ballot de ne pas en profiter.

Sauf que pour le faire bien, il faudrait que je puisse établir un programme et m'y tenir. Or ce n'est pas possible si je ne sais pas d'une séance sur l'autre combien j'aurai de présents. En l'état actuel des choses, j'en suis réduit à du bricolage au jour le jour et c'est un peu frustrant. Les conditions de jeu sont super (j'ai une salle de cours pour moi tout seul, deux si je veux), le nombre d'heures plus que confortable, mais l'intendance ne suit pas. Rhâââ, ça me criiiispe ! Et encore, je ne viens que pour poser du jeu de rôle dans le cadre d'un atelier de découverte. Zéro enjeu scolaire. Mathieu, lui, prépare ses élèves au Bac. Je ne l'envie pas, putain.

En cas d'affluence, j'avais prévu de le mobiliser en tant que second meneur, mais vu qu'on est en petit comité, je réduis la voilure et m'en tiens à mon programme perso : un Not another slasher movie à quatre joueurs, les trois élèves + Mathieu. L'idée est de dépasser le flash pour se lancer dans le court (une seule partie sur toute la séance, cette fois). Les séances précédentes ayant été plutôt orientées jeu, je voudrais aussi appuyer un peu le côté rôle. En clair, il s'agirait de dépasser le stade de l'initiation pure pour passer level 2.

Allez, trêve de bavardages, on s'y met. Je briefe et on joue. Partie super sympa ! Comme il y a bien longtemps que je n'ai mené NASM, j'ai de la fraîcheur. Par ailleurs, c'est la seconde (et pour l'un d'entre eux, la troisième) fois que ces trois joueurs s'assoient à ma table. Du coup, je cerne mieux leur profil ludique. Y'a de fortes disparités d'ailleurs, avec un effet tête et queue assez marqué. Avec quatre joueurs seulement à table, j'ai le temps de travailler à réduire (un peu) le delta. Je m'appuie autant que possible sur Mathieu, vieux routard qui montre l'exemple, et la mayonnaise prend bien. On gratte même un petit quart d'heure en fin de séance, après la sonnerie, pour boucler le climax, preuve que les joueurs accrochent. Clairement, la meilleure parties que j'aie menée jusque là au Microlycée. Le challenge maintenant, c'est de faire au moins aussi bien la prochaine fois, dans quinze jours. Vu que ce sera un quickshot, y'a du boulot.

En sortant, comme on est le troisième mardi du moi, j'enchaîne avec une Rencontre opalienne aux Caves Alliées. Deux démos dans des conditions un poil difficiles (pas mal de monde, beaucoup de brouhaha). Un Overlord très très cool, suivi d'un Dracula un chouïa plus rock'n'roll. Huit joueurs aux Caves, ce n'est jamais très raisonnable. Une grosse mais bonne journée.



Quatrième séance

« Alors aujourd'hui, on invente un exercice, on le fait et on le corrige ! ». Enfin, en théorie. Mon idée depuis le départ, c'est-à-dire depuis avant la première séance, est de terminer mon atelier rôliste sur un petit quickshot Zéro en deux heures. C'est très gérable. En playtest dans ma cuisine, je les boucle en soixante minutes, voire quarante-cinq. Sauf que je ne suis pas en playtest, mais en animation, pas dans ma cuisine, mais dans un lycée, pas avec la dream team, mais avec des noobs. Ça change un peu tout.

Et faut être honnête, là comme ça, le quickshot, je ne le sens pas. Aujourd'hui, il y a cinq joueurs, dont une majorité d'habitués. Loïs a fait le grand chelem, il était présent à toutes les séances et c'est le seul. Spéciale dédicace, gars. Victoria et Clémence en sont à leur troisième. Céline et Mehdi à leur seconde seulement. Et là, clairement, ce n'est pas assez : il leur faudrait un peu plus de bouteille pour brainstormer efficace. Sans compter qu'il y a de tout à cette table, du gros déconneur doucement relou à la pure timide. Vache de vache, c'est le grand écart. Comme d'hab, en fait.

Rhâââ.
Gnééé.
Chiotte.
Ça se goupille mal.

OK, laisse béton le quickshot. J'avais l'intention de sortir mon plan Paradise lake, je le remets dans mon slip. À la place, un Patchwork, scénar tout nouveau tout beau, qui a l'intérêt d'être proche du format quickshot. La partie s'ouvre par un brainstorming, mais dans un cadre assez précis. Pas de la vraie impro, mais ça y ressemble pas mal. Un ersatz, on va dire, qui a l'avantage d'être plus accessible qu'un quickshot pur. Pour moi, ça reste un petit peu casse-gueule parce que 1/ il ne s'agit que de ma deuxième partie (la troisième en fait car je l'ai écrit à partir d'un quickshot) et 2/ je ne l'ai jamais mené à plus de quatre joueurs. Or là, avec Mathieu que je ne veux pas laisser spectateur (c'est toujours moins cool que de jouer, et puis ça m'arrange d'avoir un joueur expérimenté dans le cast), j'en ai six. C'pas grave, je me lance. Faut savoir mener dangereusement.

Je ne vais faire de compte rendu détaillé. Pour être exact, je l'ai écrit pour garder la trace de la fiction, mais comme pour mes deux parties précédentes, ne le publierai pas de suite. Je veux éviter de spoiler ce scénar car je vais sans doute le mener en convention dans le courant de l'année. Je dirais simplement que la partie fut plutôt cool, malgré que six joueurs (dont cinq noobs), c'était un peu beaucoup. Quand même, on a eu du fun. Ah bon sang, ce scénario est barré juste comme j'aime !

Allez, petit bilan de cette première expérience en milieu scolaire. Comme je le disais à Mathieu lorsque nous en avons parlé après notre dernière partie, j'ai trouvé ça hyper intéressant parce qu'assez ardu. J'ai l'habitude des contraintes de maîtrise. Pas qu'on me mette le couteau sous la gorge, mais mener aux Caves Alliées, à Geekopolis ou à la Japan n'est pas toujours simple. La combo brouhaha + noobs + alcool (parfois) est loin d'être idéale, pour dire le moins. Or là, et c'est ce que je trouve intéressant, je découvre de nouvelles contraintes, liées à la structure qui m'accueille. Je mets de côté la question de la volatilité de l'effectif, énôôôrme contrainte dont j'ai déjà causé en long en large et en travers.

Comme je l'ai expliqué en introduction, je n'avais d'autre objectif que de montrer ce qu'était un JdR, en l'occurrence le mien. Je ne l'utilisais pas comme support d'apprentissage et ne donnais pas non plus de notes. On jouait pour jouer et c'est top. N'empêche qu'on reste dans le cadre de l'école, assez différent de celui des convs. En conv, tu trouves facilement à remplir ta table avec des gens venus pour jouer et qui aiment beaucoup ça. Au Microlycée, c'était loin d'être le cas. Bon, ce n'était pas une nouveauté pour moi, vu que je mène dans des bars est des events transmédia. Le public, très mélangé, n'y est pas forcément plus réceptif. Sauf qu'aux Caves Alliées, au Dernier Bar ou à Cidre & Dragon, les gens sont en mode détente. Y'a bien que les tabergistes, les orgas et les démonstrateurs tels que moi qui bossent. Les autres sont là pour prendre du bon temps avec leurs amis.

Au Microlycée, j'ai mené dans une salle de classe, durant les horaires des cours, dans le cadre d'une activité encadrée et (semi) contrainte, qui plus est avec un prof à ma table. Qu'on le veuille ou non, ça ne pose pas le jeu sur les mêmes bases. Du coup, j'ai appris plein de trucs. Pas du tout sûr que j'aie été significativement meilleur à la quatrième séance qu'à la première (j'étais plus détendu en tout cas), mais j'ai gratté du pEx. Il va me falloir un certain temps pour décanter tout ça et en tirer les leçons qui s'imposent. Par contre, je peux d'ores et déjà affirmer que je suis partant pour une deuxième saison. En dehors de toute question financière, j'entends. C'est une évidence que je n'ai pas les moyens de cracher sur des animes rémunérées, mais y'a pas que ça.

Je découvre des conditions de jeu et un public spécifiques. Comme toujours, ça m'interpelle. Durant ces quatre séances, je ne pense pas avoir démérité. J'ai tenu mes huit heures sans plantage, ce qui est déjà cool, mais je vois bien que j'ai une marge de progression. Y'a du challenge et ça me stimule. Je sens mes neurones qui bougent dans tous les sens, ça me fait des guilis rigolos dans le dedans de mon cerveau. C'est tout plein festif. Comme le dit Annie Cordy, cette immense poétesse des temps modernes, « Moi, j'aime ça quand ça fait ding ding ding di-gue-ding comme une samba ».



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