Discussion: Quelques textes
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Vieux 17/10/2021, 12h11
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Ben Wawe Ben Wawe est déconnecté
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Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
Bonjour.

Cela fait fort longtemps que je n'ai pas posté ici, car cela fait fort longtemps que je n'ai rien écrit.
Des événements personnels m'ont coupé toute inspiration, toute envie de créer ainsi.
Mais... le temps peut faire son oeuvre.

Plus de trois ans après ma dernière nouvelle, j'ai eu envie hier de bricoler quelque chose.
Ce n'est sûrement pas aussi bon ou fluide que je l'espérais, mais je suis simplement content de l'avoir écrit.
Et j'ose le publier, ce qui me semblait encore impossible il y a quelques temps.

Bonne lecture pour les courageux.

Le règne

La tête roule sur le sol. Elle est décapitée, d'un coup.
Un fracas assourdissant l'accompagne, semblable au tonnerre quand il brise le silence d'une nuit chaude et tendue.
Le corps ne tarde pas à suivre. Le soldat chute. Le soldat a cédé, sous la puissance.
Sous la colère. Du Roi.
Le Roi avance, sans s'y intéresser. Le Roi ne s'occupe pas de ce soldat tombé. Ni du prochain. Ni de celui d'après.
Ils tombent. L'un après l'autre. Les uns après les autres.
Ils tomberont, qu'importe leur nombre. Sous sa force. Sous sa rage.

Elle permet au Roi d'avancer.
Il frappe. Il attaque. Il abat ses adversaires, ses victimes. Ses propres troupes l'accompagnent, et anéantissent les survivants. Ou les blessés. Nul n'est épargné.
Sa fureur est infinie. Sa souffrance est absolue. Le cœur du Roi s'est fermé*; gelé.
Car son fils n'est plus.

Le Roi connaissait les risques. Il avait déjà entendu les histoires, les bilans. Les diagnostics.
Son fils...
On le lui a dit. On le lui a répété. On n'a cessé de le prévenir.
Son fils ne pouvait pas survivre, grandir. Son fils ne pouvait pas être à ses côtés.
Alors qu'il était sa perle, son offrande au monde. Si beau. Si fier. Si puissant, et si doux à la fois.
Avec la légèreté et le sourire de la Reine*; et un rire aussi long et joyeux qu'une nuit d'été qui ne s'arrête jamais. Avec la force et l'intransigeance du Roi*; et un regard aussi dur qu'une gelée d'hiver.

Son fils n'est plus. Il s'est évaporé, l'a quitté. On le lui a pris.
Pour que le Roi puisse vivre, lui a-t-on dit. Pour que son règne perdure.
Il le savait.
Il ne l'a pas accepté. Il ne l'accepte toujours pas.
Il s'acharne, alors. Il englobe son royaume puis le monde de son voile. Ses forces se dispersent. Sur toutes les terres. Dans tous les villages.
Les griffes acérées de ses sbires se plantent dans les bois, les lacs*; les chairs. Dans la chaleur des foyers, soudain bien plus froids et secs. Rendant la vie illusoire, la survie difficile.
Il n'en a cure.

Le Roi souffre. Le monde, alors, doit en payer le prix – et elle, aussi. Elle, surtout.
Elle qui est absente, alors que leur fils n'est plus.
Celle à qui il a cédé, qui a su ouvrir les pans de ce manteau si dur, si froid glissé autour de son âme.
La Reine. Qu'il a aimée, qu'il aime. Car elle est si lointaine, si différente. Si légère. Si rieuse. Si chaude. Si joyeuse. Si détendue.

Lui n'est que force, froideur, dureté*; en apparence. Mais aussi poésie rude, sous la chape de plomb qu'il impose aux autres, et ne laisse jamais sortir – car il a une tâche, une fonction dans ce monde.
Il brise. Il détruit. Il recouvre de son ombre, car il le faut. Les jours sont plus courts. Les nuits sont plus longues, et froides.
La vie se raréfie, s'use à cause de lui. Par lui.

Ils n'auraient jamais dû s'unir – et pourtant. Ils n'auraient même jamais dû se rencontrer – et pourtant. L'impossible eût lieu.
Et leur fils... est né. Pour faire leur fierté.
Ils ne pouvaient le voir, l'avoir ensemble*; les différences sont trop profondes, leurs temps trop éloignés. Mais leur fils était le lien. Et leur bonheur.
Il n'est plus.

Alors le Roi s'emporte, s'enferme, s'abandonne. Le temps passe.
Et les semaines, les mois. Les forces du Roi se consolident. Son règne est total, tyrannique, violent. Absolu. Le monde est froid. Le monde est vide. Le monde se meurt.
Son cœur s'est fermé. Il fait tomber les quelques résistants. Il anéantit les survivants. Ils chutent, tous, devant lui.

Le monde est froid. Le monde est vide. Le monde se meurt.
Son temps est plus loin qu'il ne le faut. Le Roi ne s'en préoccupe plus.
Sa place est différente. Ses aspirations sont différentes.
Son fils lui a été pris. Qu'importe le reste. Qu'importe le monde. Qu'importe le grand axe des temps.
Seule sa souffrance compte – et l'étendre à tous est sa seule façon d'accepter encore une respiration de plus.

Mais un jour.
Les gardes l'alertent. La terre tremble. Ses forces, sa puissance, le manteau lourd qu'il impose au monde se fissure*; s'évapore. La forteresse de froid et de ruines tangue.
Le Roi se lève de ce trône où le gel et le deuil l'ont figé, pour comprendre la raison de ce trouble – et il voit.
Il voit ses sbires s'effondrer. Les invincibles, indestructibles, éternels... disparaissent.
Il voit son influence s'éclipser, son contrôle se briser. Il voit ses soldats tomber*; tous.

Devant elle, qui s'avance.
D'une démarche aussi lourde qu'un brouillard en janvier. D'un pas aussi éclatant qu'un soleil de midi en plein août.
Elle se fige devant lui, s'arrête. Elle lève ses yeux vers lui, et porte toute la rage d'un monde qui refuse son influence, son règne, sa puissance*; et son deuil.
C'en est assez. Le temps a passé. Lui aussi le doit.

Le Roi pourrait agir. Lever son épée, et l'abattre. Lancer ses forces même déclinantes dans la bataille. Tonner, hurler, faire souffler le vent et briser les murs sous la froideur de son ombre.
Le Roi pourrait. Mais...
Le Roi voit.
Celle venue briser son règne, anéantir sa puissance*; évaporer son deuil. Et le Roi... cède, alors.

Le Roi abandonne.S'écroule sur son trône. Cesse.
Le Roi s'effondre, s'émiette, s'évapore... et laisse la place.
Les vaincus ressuscitent. Les soumis relèvent la tête. Les soldats ravivent leurs racines et déploient leurs branches alors, que l'ombre blanche est effacée par la renaissance verte.
Son temps est passé.

Il a voulu soigner la peine, le deuil par la fureur d'un temps, d'une saison qui a été la plus dure de toutes. Tout cela par la tristesse d'avoir perdu son fils.
Le Prince d'Automne.
Une tristesse qui n'a pu, hélas, bénéficier du réconfort, de la chaleur que la Reine aurait pu lui donner. Mais le Roi s'est refermé dans la solitude.
Car la Reine d'Eté est trop loin, toujours.

Mais elle, devant lui, alors que son esprit s'éclipse devant sa majesté... elle a réussi.
Et il ne peut que former un sourire doux et triste, devant une beauté éclatante digne de la Reine, et une intransigeance digne du Roi.
Elle a vaincu. La Princesse a vaincu.
La Princesse du Printemps.

Qui, sur le trône désormais libre, s'installe. Sur les ruines du Roi de l'Hiver.
Après avoir conquis son temps, sa saison ; et son règne.
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