Afficher un message
  #2173  
Vieux 09/01/2017, 14h47
Avatar de gillesC
gillesC gillesC est déconnecté
Kennedy outillé
 
Date d'inscription: octobre 2003
Localisation: Son Pellier.
Messages: 33 010
gillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le Tireur
"Vous comprendrez aisément que l'auteur de ce texte veuille rester anonyme", ou "apocalypse nationale".

.... Je ne serais pas élu professeur de l’année. Pour la simple et bonne raison que j’ai du mal à me décrire comme professeur. Je fais fonction de. Ca arrange bien du monde. On ne m’a pas forcé : j’ai postulé. Cependant, mes débuts ont ressemblé à une caricature : candidature à 10h le mercredi, avis positif pour le recrutement obtenu à 16h, contact avec le collège à 15h le jeudi, rencontre avec le principal puis le principal adjoint le vendredi à 10h, début des cours le lundi à 9h. En moins de 4 jours, je suis censé être passé de chômeur de longue durée à professeur de physique-chimie en collège. Comment ? Par la magie d’une signature de contrat. Car au cours de ce processus de recrutement express, on m’a demandé une photocopie de mon diplôme le plus élevé (bac plus cinq, succès validé) en même temps que mon Relevé d’Identité Bancaire le jeudi alors que je n’avais pas encore contacté le collège.

A vrai dire, je savais que je serai recruté : j’ai un diplôme d’ingénieur, et le manque de professeurs dans la matière est ancien. Je voulais essayer. Et en terme de période d’essai, l’Education Nationale sait y faire : on te pousse devant une classe sans préavis, avec un vague conseil que tu ne peux comprendre qu’après avoir raté tes premières heures de cours, avant de te reprocher de ne pas avoir deviné ce qu’on avait pas pris la peine de t’avoir expliqué.

Alors oui, Monsieur le Principal, Monsieur le Principal adjoint, Monsieur l’Inspecteur, excusez moi, j’étais bon élève. Oui, je vous demande pardon, j’étais dans un collège calme d’une banlieue plutôt bourgeoise, et mes souvenirs déformés peuvent altérer ma perception des élèves d’aujourd’hui. Cependant, et bien qu’étant sans doute peu légitime pour les faire, j’ai quelques observations.

1/ Avant de commencer, j’ai détesté votre tirade, Monsieur l’Inspecteur, sur le devoir de l’institution que vous représentez, de veiller à offrir à tous les élèves une éducation de qualité. Non que ce soit faux, du moins en théorie, mais votre manière de me mettre la pression m’a choqué. Vous pouvez être tenté de me pousser à la démission, j’y pense aussi. Cependant, je sais aussi bien que vous que si je démissionne, mes élèves n’auront pas de professeur pour me remplacer C’est aussi simple que ça, et vous et votre institution préférez mettre quelqu’un dans la classe sans formation que de devoir subir le courroux légitime des parents d’élèves. On a vu mieux comme respect du devoir d’assurer à chacun une éducation de qualité.

2/ Je suis assez surpris du couplet selon lequel « les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas comme ceux de [ma] génération ». Cela me semble une version pseudo-progressiste du « y a plus de jeunesse » réactionnaire. Après tout, tous les jeunes, comme vous, comme moi, ont grandi dans un monde dont les règles – stupides, évidemment - avait été écrites par des adultes, des vieux cons.
Je me permet cependant d’avoir l’indélicatesse d’observer que mes quatrièmes, dont vous avez eu l’obligeance de me faire remarquer qu’ils passeraient en 3e quoi qu’il arrive, auront un choix d’orientation à faire dans dix-huit mois. Ce sont encore des enfants, mais on leur demandera bientôt de participer à un choix déterminent pour leur vie d’adulte. Je note au passage que vous avez convenu, avec l’ensemble des profs avec lesquels j’ai pu échanger, que la 4e était la classe la plus difficile à encadrer, je vous remercie donc de m’en avoir donné 4 pour un volume de 9h30 par semaine.
Pour revenir à ces règles, je trouve étonnant que l’éducation doive se formater sur les élèves. Non qu’elle ne doive pas s’adapter au public – mais avez vous prévu une seule seconde de me permettre de savoir le faire avant de me mettre devant des élèves ? – cependant, et quoi qu’il advienne, ces règles de vieux cons s’appliqueront à eux dans le futur, lointain comme proche. Je ne crois pas que reporter sur les enseignants la responsabilité intrinsèque du bordel qui règne naturellement dans les classes soit une bonne idée. Je ne crois pas que l’ordre soit une fin en soit. Cependant, exiger un minimum de discipline et une respect minimal comme conditions préalables me semble naturel. Et également profitable pour les élèves à terme. Pensez-vous réellement rendre service aux élèves en estimant que s’ils chahutent, c’est de la faute de l’enseignant ? Pensez-vous que d’ici quelques années, ce comportement aura profité à leur avenir scolaire et professionnel ?
Alors oui, Monsieur l’Inspecteur, j’ai été bon élève, et je possède les codes des dominants et légitime, pour mal reprendre une mauvaise phraséologie marxiste. Et dans un monde où l’insertion professionnelle est si compliquée, donner à tous ces codes de sociabilité me semblent un devoir de solidarité. Le monde ne s’adaptera pas à ces élèves, pourquoi ne pas leur donner la chance de pouvoir s’y adapter, eux (ils auront toujours le temps d’essayer de les changer ensuite).

3/ Vous avez porté à ma connaissance le fait que dans la réforme du collège et des programmes, je suis censé dans le cycle 4 (5e, 4e, 3e) faire notamment porter mes évaluations en 4e sur la compétence « pratiquer les langages » (sic!) en vertu du socle commun de compétence. Indépendamment du fait que ma direction d’établissement et mes collègues ont jugé que je n’étais pas aptes à faire des évaluations par compétence (et je suis également d’accord avec cela), je me permets humblement de porter à votre connaissance le fait que les collègues qui corrigent le brevet blanc actuellement ont renoncé à noter l’expression écrite. Un collègue d’histoire-géographie expliquait en salle des prof être déjà heureux que les élèves aient accepté de rédiger leurs réponses aux questions (!?!?!?) …

4/ Puisque nous parlons de pédagogie, et quitte à en remettre un couche sur le devoir de l’institution que vous représentez de fournir à tous une éducation de bonne qualité, ne la trouvez-vous pas contradictoire avec votre pratique consistant à balancer des gens non formé devant des classes, , avec vos pratiques qui ont amené à un déficit chronique d’enseignant dans certaines matières ?

5/ Je suis scandalisé par ce comportement de patron voyou, qui a consisté après avoir observé 10 minutes, à me recracher au visage un discours déjà établi avant même votre entrée dans la classe. La manière de me faire présenter mon parcours que vous connaissiez déjà pour me faire rappeler mes difficultés à trouver un emploi relèvent de la manipulation mentale la plus sordide. Votre morgue quand vous affirmiez que je ne devais pas m’accrocher à ce travail uniquement pour le salaire m’inspire le dégoût. Et ce d’autant que vous m’aviez demandé moins de 10 minutes avant si j’envisageais de passer les concours …
Et dire qu’on m’avait prétendu que vous seriez là pour m’aider …

6/ Même si ce n’est qu’un détail dans l’affaire, vos questions sur ma santé mentale étaient plus que déplacées. Et je note un point d’incompétence dans votre discours moralisateur : ma période d’essai n’est pas de deux mois, mais de quatre jours. Oui, j’ai lu mon contrat,

Puis, sans doute satisfait d’être en week-end, vous êtes reparti par la porte de derrière faire votre rapport au Principal, sans même prendre la peine de dire au revoir … Merci d’être venu. Et merci de votre contribution décisive, pour améliorer l’enseignement dont bénéficieront, ou pas, mes élèves.
Réponse avec citation