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Vieux 12/02/2008, 23h17
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Ben Wawe Ben Wawe est déconnecté
Dieu qui déchire sa race
 
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Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
Je m'essaye à un autre style, qui j'espère saura plaire. Je ne suis pas vraiment sûr d'avoir fait mouche, mais en tout cas, j'ai fait ce que j'ai pu. Bonne lecture.

Lui.


« Dis monsieur, qu’est-ce que tu fais ? »

Il est surpris : il ne s’attendait pas à être dérangé pendant son petit moment de détente. Ses doigts glissent, ne trouvent plus prise, il bouge par réflexe alors qu’il sait qu’il devrait rester calme. Peine perdue, il sent ses doits se recouvrir d’une substance liquide, qui est déjà en train de s’incruster dans son beau pantalon noir. Il aurait dû aller aux toilettes.

Rageant, maugréant contre le sort et l’inopportun, il se retourne après avoir remonté sa braguette, mais se sent de suite comme nu en la voyant. Une petite fille, souriante, avec des nattes, une jolie robe blanche et un nounours dans les bras. Il retouche deux fois la fermeture éclair pour bien vérifier qu’elle est fermée, autant fois pour ne pas la choquer que pour éviter un scandale. Il ne manquerait plus que ça, pense-t-il en sortant un bout de tissu de sa poche : ça serait la goutte d’eau, si on peut dire. Evidemment, le mouchoir est sale, et il n’en a pas d’autre. Il n’aime pas la campagne ; son nez non plus, d’ailleurs, il le lui a bien fait comprendre auparavant. Maudit rhume des foins. Maudite nature.

« Hum…euh…qui es-tu, toi ? Tes parents ne te cherchent pas ? Tu devrais aller les rejoindre, non ? »

Il sourit, en essayant de ne pas croiser le beau regard bleu de la petite. Il aime bien les enfants, en temps normal : ils font très bien sur les photos. Seulement, il n’a pas vraiment l’habitude d’en croiser alors qu’il se soulage contre un arbre. Il avait voulu faire comme durant son enfance, pour se détendre. Pas la plus petite de ses erreurs, finalement.

« T’as pas répondu à ma question, monsieur !
- Euh oui…mais tes parents…
- Papa et maman y disent toujours qu’y faut répondre quand on pose une question. C’est pas poli sinon. »

Que faire ? A quelques mètres de là, la « fête » bat son plein, avec son cortège de vieux débris déjà saouls qui tentent de l’être encore plus, pour « profiter » à la fois de sa venue et pour oublier leurs vies misérables. Normalement, il devrait les rejoindre pour discuter, blaguer, se faire aimer et gagner un peu de voix. Seulement, il déteste ça, mais il sait qu’il ne peut pas rester là plus longtemps : lui, seul, avec une petite fille…dieu sait ce que les médias pourraient imaginer.

« Bien sûr, bien sûr…il faut toujours répondre aux questions des gens… »

Il sort son plus beau sourire, et essaye de se trouver quelque chose pour s’essuyer les mains ; peine perdue. Son mouchoir est empli de morve, et il n’a pas foncièrement envie d’échanger ça avec de l’urine sur ses mains. Certes, les deux viennent de son corps, mais quand même…ça ne fait pas très sérieux et c’est franchement dégoûtant.

« Pourquoi que tu réponds pas, alors ? »

La gamine est toujours là, à attendre. Sûrement une fille amenée par ses parents pour le meeting, pense-t-il. Ils doivent déjà être à sa recherche, et ils vont arriver d’une seconde à l’autre. Il va tranquillement se faire passer pour le gentil monsieur qui l’aura retrouvée, et il pourra être dans le journal local avec une photo, peut-être même couleur. Oui, tout va bien se passer : il suffit qu’il attende, qu’il lui sourisse et ses parents vont arriver. Ensuite, tout pourra reprendre son cours. C’est tout ce qu’il a à faire ; c’est facile.

Trente secondes passent. Puis soixante. Puis cent vingt. Puis cent quatre vingt. Et rien ne se passe : la petite fille est toujours là, à sourire et à serrer contre elle son nounours. Lui est encore sur ses deux pattes, les mains en l’air vu qu’il ne sait pas quoi en faire. Il lui sourit, aussi, mais c’est certainement le sourire le plus crispé de sa vie. Même celui après l’entartrage au salon de l’agriculture faisait plus naturel. C’est terrible.

« Pourquoi que tu dis plus rien ? »

Il est prêt à tout donner pour la faire partir, ou au moins avoir une serviette, quelque chose, n’importe quoi. Il veut fuir, il veut partir, il veut être loin de cet endroit monstrueux où les bruits sont légions et où il y a beaucoup trop de vert. Il veut du béton, il veut du gris, il veut des toilettes blanches avec chasse d’eau silencieuse…et il accepterait même un sèche-mains automatique, même si ces horreurs ne fonctionnent jamais. Mais surtout, il veut être loin d’ici, même si il ne comprend pas bien pourquoi.

Après tout, il n’a rien à craindre d’une gamine comme ça : elle n’a pas cinq ans, elle est juste mignonne et rien ne pourra lui être reproché, par ici. Elle pourra dire qu’elle l’a vu uriner contre un arbre et qu’il s’est fait dessus ? La belle affaire ! Il le prendra à la rigolade et en ressortira grandi. Oui, normalement, il n’a aucun souci. Pourquoi se sent-il aussi mal, alors ? Pourquoi veut-il à tout prix partir ?
Parce qu’il est usé, fatigué et qu’il n’en peut plus. Ca fait six jours qu’il passe sa vie dans des hôtels différents, et qu’il en a plus qu’assez. La campagne n’en finit pas, et tout va mal : son chef de comm’ l’a lâché pour faire clone officiel de Carlos, sa femme le trompe, sa fille ne veut plus lui parler et il n’arrive même pas à rire de la photo du petit Martin qui a bien changé, avec ses chemises à fleur et son faux ventre. Il pense encore que ça va fonctionner, qu’il va avoir du succès : c’est triste. Pourtant, tout les autres ont ri en le voyant chanter « Big Bisous » ; seulement, eux n’étaient pas autant concernés que lui…eux ne risquent pas tout sur cette élection et ne savent pas que tout est fini sans le petit Martin.

Il est perdu, dans cette campagne, sans son assistant préféré, et est au bord de la crise de nerfs. Son parti l’a lâché, il a de l’urine sur les mains et il n’aime pas cette forêt. Bien sûr, il a passé son enfance dans un endroit qui y ressemble, mais et alors ? Ca n’est pas parce qu’on a déjà vécu quelque chose qu’on a forcément envie d’y regoûter. Il a travaillé toute sa vie pour se sortir de son visage natal, où on compte moins d’habitants que de vaches, même si on confond souvent ces dernières avec certaines femmes. Après tout ses sacrifices, il devrait être heureux de revenir dans un trou paumé comme celui duquel il s’est extirpé ? Non !

Il rêve de béton, d’immeubles, de musique plus évoluée que Léon et son Orchestre à l’accordéon et au triangle ! Il veut retrouver Paris, Paris la belle, Paris la grande, Paris et sa luxure ! Il veut revoir Pigalle, il veut lécher le champagne sur les ventres et les seins refaits des filles qu’il commande comme des pizzas ! Il veut à nouveau sentir son cerveau hurler quand il prendra les cocktails spéciaux amenés par des types aux narines déjà ravagées ! Il ne veut pas d’une forêt beaucoup trop verte et avec surtout une sale gamine qui n’arrête pas de le regarder !

« J’vais être triste si tu réponds pas, monsieur… »

Après deux bonnes minutes de silence et d’immobilisme, elle parle alors que l’enfer se déchaîne dans son cerveau ; et, immédiatement, tout s’arrête alors qu’il se rend compte de ce qu’il se passe. Il est seul, avec une gamine dont il ne sait rien mais qui commence déjà à avoir les yeux humides. Pour une des rares fois de sa vie, il laisse au loin les impératifs politiques, et donne la parole à son cœur. Il s’approche, sourit et pose un genou à terre. Au diable l’état du pantalon…de toutes façons, il est déjà mouillé.

« Je suis désolé, petite, j’étais ailleurs.
- J’suis pas p’tite ! J’ai six ans ! Na !
- Mais non, tu n’es pas petite. Tu es très grande, et très jolie. »

Alors qu’elle allait pleurer quelques secondes plus tôt, son visage irradie désormais d’un sourire merveilleux. Il est encore surpris de la façon qu’ont les enfants de changer d’attitude aussi vite. C’est beau.

« Merchi !
- Mais de rien. Tu es venue avec tes parents ?
- Voui. Ils sont là-bas, mais j’crois qu’y sont pas contents.
- Ah bon ? Pourquoi ?
- Y a un monsieur qu’a dit des choses que mon papa a pas aimé.
- Quel genre de choses ?
- J’sais pas trop, mais j’sais que papa, il a dit d’autres choses après. Des choses pas jolies.
- Comment ça ?
- J’ai pas le droit d’le dire ! Maman dit toujours qu’y faut pas que j’dise ça. Sinon, ma bouche elle va être toute sale.
- Sale ?
- Voui ! Parce que c’est pas beau de dire des ‘rots mots, alors ma bouche elle va être aussi pas belle et ça j’veux pas ! Alors j’redirais pas ce qu’a dit papa sur le monsieur ! »

Il sourit. Elle est si mignonne : il avait oublié à quel point l’innocence de l’enfance pouvait le faire fondre. Jadis, à ses débuts, il adorait parler avec les enfants : pas pour gagner des voix, juste parce que ça le détendait de ne pas être entouré de chacals n’attendant qu’une faiblesse de sa part pour prendre sa place. Mais, peu à peu, il était devenu comme eux, et il avait oublié le charme des enfants. Il les avait oublié eux.

« D’accord, d’accord. Je vais te ramener à eux, alors.
- Voui ! Mais d’abord, y faut regarder toute la forêt, fermer les yeux et faire un vœu !
- Quoi ? »

Il se relève mais s’arrête dès qu’elle dit ça. Il s’essuie les mains sur son pantalon dont une partie est pleine de terre, mais il s’en fiche. Ce qui l’intéresse, c’est de comprendre pourquoi elle veut faire ça.

« Voui ! Faut l’faire !
- On n’a pas le temps, petite, tes…
- J’suis pas p’tite !
- D’accord, d’accord. Mais ça n’empêche que…
- J’veux le faire ! J’veux l’faire ! J’veux l’faire ! J’veux l’faire ! »

Elle crie de plus en plus fort, et il sait qu’elle ne s’arrêtera pas. Même si les autres sont déjà saouls, ils pourraient quand même entendre, et là, ça serait plus dur pour eux d’accepter qu’il ne s’est vraiment rien passé. Il soupire : après tout, ça ne peut pas être pire que de parler du dernier concours régional de la plus belle poule pondeuse…

« Très bien, je le fais avec toi.
- Vouais ! »

Elle saute presque de joie, et tous deux se tournent vers le plus gros bout de la forêt, sur leur droite. Il s’oblige à la regarder, même si il ne s’y sent pas à l’aise. Il n’aime pas tout ce vert, il n’aime pas ces bruits étranges qui semblent si peu humains. Il a toujours l’impression d’être un étranger, d’être un banni en puissance dans la nature. En ville, là, ça va mieux, mais ici…ici, il se sent presque mal. Une boule apparaît dans sa gorge, et il doit se rappeler de l’œil sévère de la petite pour rester là et ne pas partir au loin.
Il le fait pour elle ; comme ça, elle le laissera tranquille. Mais bon, ça ne veut pas dire qu’il restera là tout le temps non plus : encore deux minutes, et il s’en va, qu’elle le veuille ou non. Il fermera les yeux, fera semblant de faire un vœu, et ça sera fini. Il n’aime pas ces enfantillages, même si c’est toujours beau de voir le sourire d’un enfant.

Il soupire encore. Non, définitivement, il n’aime pas la forêt. Bon, bien sûr, le mélange des couleurs n’est pas forcément laid…ça a quand même son charme. Toutes les nuances de vert et de brun, les apparitions étranges de certains mélanges par-ci, par-là : oui, ça, c’est vrai, c’est pas mal. Comme cette bonne odeur : ça ne vaut pas celle d’un bon dîner au restaurant, mais ça rappelle des choses anciennes, et c’est bien mieux que l’odeur des voitures. C’est vraiment terrible, ça : ce bruit, cette pollution, ce sentiment d’être oppressé. Bien sûr, dans la forêt, il a l’impression d’être un étranger et d’être minuscule, mais est-ce que c’est mieux que de sentir ses poumons se serrer et son cerveau s’embrumer ? Auparavant, il avait une réponse toute trouvée. Maintenant…il ne sait plus.

Au fil des secondes qui passent, il voit de plus en plus la beauté, et se laisse prendre au piège. Partout, que ça soit dans les feuilles, dans les branches, dans le vent qui se lève ou bien encore les animaux qui font bruisser la forêt : tout lui plaît. Il se souvient, alors. Il se souvient de ces étés passés dans la nature, avec son grand-père, à chasser, pêcher, courir partout, rire…surtout rire. Il était heureux, il était insouciant et pensait qu’il passerait sa vie entre son papy et ses copains, qui vivaient les mêmes choses que lui. Ils étaient les Robins des Bois, les Robinsons Crusoés, les chevaliers et tout ce qu’un enfant pouvait imaginer. Ils étaient les maîtres d’un petit bois comme celui-ci. Mais ils ont tout perdu. Il a tout perdu.

Sans s’en rendre compte, les larmes commencent à couler sur ses joues, tandis qu’il voit devant lui les spectres de son passé revenir le hanter. Il pensait avoir tout oublié, avoir tout enfoui au plus profond que lui, mais c’était évidemment faux : rien ne disparaît véritablement. Son enfance a été rayée le jour où son grand-père est mort, où il a perdu cette part d’innocence. Depuis, il s’est cantonné à la ville : rien que l’idée de revoir la nature lui était insupportable. Trop de souvenirs s’y cachaient, tapis dans l’herbe sous les derniers rayons de soleil de la journée, comme pour la dernière bagarre. Et même si, en faisant ça, en abandonnant tout, il trahissait le vieil homme qui avait été plus proche des arbres que des hommes, il avait su que ça le ferait moins souffrir. Ou, du moins, ferait taire la douleur pendant un temps.

Mais c’est terminé, maintenant, et il s’en rend compte. En voyant cette forêt, en voyant ce monde magnifique et pur devant lui, il sait que tout est revenu et qu’il ne veut plus oublier. Il a passé sa vie à fuir son passé pour essayer d’être aimé et de retrouver ce qu’il avait abandonné dans un petit coin de verdure, un soir d’été après une journée de pêche et de courses dans les bois. Désormais, il fait la paix avec l’enfant qu’il a été et qu’il ne voulait plus revoir.

« A y est ! »

Il est presque surpris d’entendre la voix de la petite fille : il avait presque oublié son existence. Lentement, il tourne son regard vers elle et sourit. Elle est belle, peut-être encore plus qu’avant. Il a l’impression que ça fait des heures qu’il est là, alors que ça n’a duré que quelques secondes, tout au plus. C’est incompréhensible, mais il s’en fiche : il ne cherche plus à avoir des réponses pour tout, à toujours gagner. Il a gagné quelque, et même si ça semble fou d’avoir ça juste en regardant un peu de verdure, ça n’a pas d’importance. Lui sait que c’est ainsi, et que c’est grâce à cette enfant. Elle ne saura jamais ce qu’elle a fait pour lui, et ce n’est pas plus mal. Il y a certaines victoires qui doivent rester solitaires, surtout quand elles nous concernent autant.

« Qu’est-ce qu’il y a ?
- J’ai fait mon vœu ! »

Elle serre toujours contre elle son nounours, et lui se rappelle qu’il devait fermer les yeux et souhaiter quelque chose. Manie de gosse, mais qui lui avait permis, en regardant juste la nature sans vouloir se voiler la face, de se rappeler un peu qui il était vraiment. Les jeux d’enfant n’étaient peut-être pas les plus bêtes, finalement. Faire un vœu après avoir regardé la nature est-il plus stupide que de promettre monts et merveilles à des gens qui n’en ont strictement rien à faire et qui savent pertinemment que vous ne ferez rien pour eux ?

« Très bien.
- Et toi ? Tu l’as fait ? »

Il sourit légèrement, et lui prend la main, se fichant complètement de ce que penseront les autres, et même si ce n’est pas très propre. Il ferme les yeux, songe quelques instants puis les rouvre pour la regarder avec des yeux presque nouveaux. Il est différent.

« Oui. C’est fait.
- Qu’eske t’as demandé ?
- On ne doit pas répéter les vœux, sinon ça ne fonctionne pas, non ? »

La petite fille se fige et le regarde comme si il venait de lui annoncer que sa peluche était vivante. Elle reste quelques secondes immobile, avant de prendre son pouce dans la bouche et de réfléchir. Il peut presque entendre son cerveau remuer pour tenter de trouver une réponse acceptable à ce qu’il vient de dire : elle ne veut pas perdre la face et assouvir sa curiosité. C’est mignon.

« Voui…mais c’est pas grave ! Paske même si ça marche pas, au moins ça aura été fait et p’têt que ça march’ra quand même ! »

Il sourit, ému par tant d’innocence. Elle n’a pas tort, finalement : ça n’est pas si grave de suivre d’autres règles, parfois.

« Oui, peut-être. C’est quoi, le tien ?
- C’est moi qu’ai d’abord demandée !
- Oui, mais c’est toi qui l’as fait en premier. »

Elle fronce les sourcils, mais sourit quelques secondes plus tard : la colère n’aura pas lieu, apparemment. Elle semble trop s’amuser.

« D’accord ! J’ai demandé à c’que mon papa y perde pas son travail.
- Pourquoi ? Il a des soucis ?
- Voui. Y a le méchant monsieur qui veut tout nous prendre.
- Qui est-ce, ce méchant monsieur ?
- C’ui qu’on est v’nu voir !
- L’homme qui a parlé avant ?
- Voui ! Y veut raser la forêt, et mon papa, il s’occupe de l’ent’t’nir et tout ! Alors si y rase la forêt, mon papa pourra plus rien faire ! Y dit même qu’y aura qu’un super marché pas beau à la place, avec plein de capitalistes ! Mais ça, j’ai pas très bien compris… »

Il la regarde de longues secondes. Elle n’est pas consciente de ce qu’elle vient de dire, et lui n’a même pas besoin de jeter un œil autour de lui pour voir toute la beauté de la forêt ; elle est toujours en lui. Il a parlé auparavant, sur l’estrade, et il a proposé de raser cette portion de nature pour relancer l’économie locale par la création d’un super marché censé redonner envie aux gens de venir par ici. Il est responsable des tracas de la famille de la petite fille. Il est le méchant monsieur. Et il regrette.
Evidemment, il sait qu’il n’y a pas d’autre choix normalement, il sait que c’est vital pour le village, mais il n’a juste plus envie de tout raser. Il n’a plus envie non plus d’être ce qu’il est, finalement : ce monstre urbain et citadin qui ne vit que pour les plaisirs artificiels. Que dirait l’enfant qui gambadait dans les bois et qui rêvait d’être Robin des Bois, plus tard ? Que dirait l’adolescent qui se construisait des abris secrets avec ses amis en planifiant la conquête de la ville ? Que dirait son grand-père ?

« Alors ? C’est quoi le tien ?
- Le mien ? »

Il sourit et s’avance vers la fête, tenant toujours la main de petite fille.

« De toujours me souvenir de toi.
- De moi ? Pourquoi ?
- Parce que tu me rappelles un petit garçon qui s’est perdu il y a bien longtemps, et que je viens enfin de retrouver.
- Ah bon ? Il était où ? Son papa et sa maman l’ont pas cherchés ?
- Si, mais il n’a pas écouté. Il était un peu bête.
- Il l’est pu maintenant ?
- Moins. Ca va mieux. Il est de retour chez lui, il ne peut pas demander grand-chose de plus. »

Il l’emmène alors vers la forêt, pour une petite ballade : il a des choses à lui raconter, sur les plantes, sur les arbres, sur les animaux. Il a un savoir, il se doit d’en faire profiter les autres. Elle rit, alors qu’elle serre ses doigts contre les siens. De sa main libre, il caresse les feuilles et sourit. Il est bien.
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