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Vieux 02/10/2013, 10h59
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Lamento Lamento est déconnecté
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Lamento change la caisse du Fauve
La clé de l'abime - José Carlos Somoza, Actes SUD.

On pourrait commencer en disant que c'est l'histoire d'un employé de train qui, lors d'une journée qui avait tout pour être banale, va le faire basculer dans un monde effrayant dont il ignore tout.
Daniel Kean est employé dans service ferroviaire, sur une ligne très fréquentée qui traverse des "villes". Ce jour-là, il adresse la parole à l'individu qu'il ne fallait pas... Pris en otage par un kamikaze prêt à tout pour faire sauter le train, il devient malgré lui le héros de l'histoire. En effet, le kamikaze lui fait une révélation juste avant d'être abattu, révélation suffisamment énorme pour que Daniel l'oublie et que seul son esprit s'en souvienne, manière de message subliminal qui ne s'activera que sous certaines conditions. Cette révélation : c'est l'emplacement de la clé de l'abime. Et quiconque possède la clé est à même de déterminer le sort de Dieu (rien que ça !).
Et voilà que plusieurs factions pseudo-religieuses, à la recherche de la clé, s'arrachent Daniel. Sa famille est prise en otage et il est forcé de collaborer avec les uns ou les autres.
Le roman commence donc comme un polar, dans la veine du thriller, avec la prise d'otage classique d'un basique employé lambda puis l'enlèvement de sa famille. Puis on bascule dans un sorte de mélange mystico-science-fictionnel fantastique. Somoza nous présente peu à peu son monde, qu'il a entièrement reconstruit. L'action se déroule dans un futur très peu défini. Notre société n'existe plus, les humains se reproduisent sur "achat génétique" et seules les "villes" ont encore un brin de civilisation. L'entre-deux villes étant dans le domaine du sauvage, du brumeux, du dangereux, de l'inconnu. Et le monde se divise en croyants et non-croyants. Et les croyants sont eux-mêmes divisés selon un "chapitre".
Pour retrouver sa famille, Daniel est contraint de s'allier avec une des factions (contre l'autre qui retient sa femme et sa fille, pas très original) et va voyager depuis l'Europe, vers le Japon puis la Nouvelle Zélande. Chaque pays a une ambiance marquée, très lourde (le Japon est hyper glauque), presque olfactive. Le voyage qui d'une enquête devient initiatique sera jonché d'horreurs et de mystères, mais aussi de nombreux cadavres. Tout ne se passe pas sans peine. Et on peut passer du merveilleux à l'horrible en quelques lignes.
De notre ancien temps, il ne reste que d'étranges évocations (comme les hommes biologiques nés d'un homme et d'une femme) c'est par la réorganisation de la société selon une bible dont chaque chapitre repose sur un texte fondamental qui fait l'intérêt de ce monde étrange. Il y a les croyants du 1er chapitre, ceux du 2ème chapitre, ceux du 3ème chapitre etc. Et tous ont une spiritualité bien distincte. Et cette bible c'est... la seule relique véritable qui prouve que notre monde a existé et que l'histoire se passe bien dans notre avenir fantasmé par Somoza. Difficile d'en dire plus sur cette bible sans crever l'intrigue, juste que le livre de Somoza est divisé en autant de chapitre que cette bible et que du coup, ça confère à chaque chapitre un ton, une couleur et une intrigue particulière.
Dommage que l'avant-propos voire la table des matières ou la mini-postface bousillent ce suspense. Dur d'en faire abstraction.
Chaque chapitre est un voyage dans un pays halluciné, mélange de Verne, Lovecraft et un peu de Poe. Fort hommage aux écrivains de cette génération (fin XIXe-début XXe). Pour quiconque ne plonge pas de suite dans le trip, c'est un bouquin certainement un peu chiant, avec des personnages un peu "simplistes" : on voit venir les réactions de Daniel, on devine le caractère de certaines des protagonistes, et le méchant caché aussi (le fameux Maître qui est évoqué par l'une des factions). Par contre on se perd, avec le pseudo-héros dans ce monde ravagé par le Cataclysme (la colère de Dieu ? Mais lequel, celui de quel chapitre ?), les décors sont grandioses et, personnellement au Japon j'ai pas mal suffoqué tant l'ambiance était bien rendue.
Mon avis : un livre un peu compliqué si on ne décrypte pas le code avec lequel il a été écrit. Mais si on le décrypte on se grille l'essentiel de l'intrigue. Pas grave : si vous êtes fans, on le dévore. Si on ne le décrypte pas, on reste totalement extérieur et je crois qu'on perd un peu de la saveur, surtout de ce qu'a voulu faire Somoza. Reste que le monde est superbement décrit, dommage pour les personnages un peu stéréotypés (notamment la ninja aveugle).
A tester pour les fans des vieilles histoires d'horreurs gothiques dont c'est ici un bel hommage.
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