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Vieux 23/10/2009, 09h36
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Thoor Thoor est déconnecté
The Mighty Charentais
 
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Thoor change la caisse du Fauve
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LES FEUILLES MORTES

Bon sang ! Qu’est ce que je fous là. Je serai mieux, bien au chaud dans mon petit appartement du XIIIe, tout, plutôt que d’être dehors par ce temps de chien. Une pluie glaciale, un petit vent vicieux qui empêche toute tentative de se protéger, et bien entendu une lumière blafarde issue de réverbères noires de crasses et de pollution. Voilà des heures que j’erre dans ces rues putrides, un dimanche ; j’en maudis une fois de plus ma sœur. Cette conne, incapable de garder un homme plus de trois mois, pas plus qu’un boulot stable d’ailleurs ! Ma très chère sœur cadette qui m’appelle à sept heures du matin pour pleurnicher dans le combiné. J’ai bien mis quinze minutes à comprendre ce qu’elle me voulait. Sa fille, l’étudiante, avait disparue. L’inquiétude de Roxane étant légitime, je mis de coté ma mauvaise humeur et put recueillir à peu prés sereinement ses confidences. En bref, une mère et sa fille qui ne se parlent plus, une dispute, une porte qui claque, le quotidien d’êtres humains en déperditions. Honorine avait donc fuguée pour rejoindre sa bande à une soirée. Pas de quoi fouetter un chat, sauf qu’Isabelle, la petite voisine de palier et amie de toujours de ma nièce, était rentrée seule de la soirée. Sauf que, Roxane ayant cuisiné la petite a sut que la soirée avait ‘un peu’ dérapé et que l’alcool et la drogue s’étaient invités. Et surtout, Honorine était partie avec un type, Abel Quelque Chose, qu’Isabelle elle même définissait comme louche.
Ne sachant pas quoi faire, n’osant surtout pas quitter son appart dés fois que sa fille reviendrait, ma sœur a donc pensé a son grand frère adoré pour effectuer des recherches. Me voilà donc, grelottant de froid, trempé jusqu’aux os à la recherche du lieu de la fête. Au vu de la description qu’en a fait la petite Isabelle, je ne suis pas sortie de l’auberge. C’est « Pas loin du pont Martrenfort ; c’est un hangar avec un sigle Peace & Love à l’envers peint sur la porte….. »
Je lui flanquerai bien une paire de claque pour retrouver la mémoire.

Des heures plus tard, j’ai trouvé ! Bon sang, j’ai eu un sacré coup de chance. J’allais partir, abandonner mes recherches et faire quelque chose d’intelligent comme d’appeler les flics lorsque j’ai vu un petit graffiti bombé sur la porte d’une ancienne superette. J’ai poussé la porte, autant pour chercher un refuge contre la pluie que pour vérifier si j’étais bien au bon endroit.
Un mélange d’odeurs m’accueilli, m’annonçant du même coup que j’étais bien au bon endroit. Les effluves qui chatouillent mes narines me parlent de corps transpirant sur des rythmes endiablés, de choses régurgitées dans les coins les plus éloignés, masquant les odeurs plus anciennes de poussière et d’abandon du magasin. Je reste sur le pas de la porte le temps de m’habituer à la pénombre. Peu à peu la scène se dévoile. Un carrelage autrefois blanc, noir de crasse sauf au endroit où se trouvaient les gondoles. Elles ont été poussées au fond de la pièce, enchevêtrement d’où émergent les restes des caisses enregistreuses. Bouteilles cassées, mégot de cigarettes plus ou moins artisanales, capotes usagées, maculent le sol qui n’en demandait pas tant. Les murs sont couvert de graffitis, et de tags, certains obscènes, d’autres énigmatiques (Le Krass ne mourra pas ??).
J’avance, respirant à petits coups l’air vicié, des tas de chiffons sur les bords de la pièce semble bouger. Une fille dort là. Elle porte une robe qui devait être une robe de soirée dans une autre vie et qui ne ressemble plus qu’à un bout de tissu blanchâtre désormais. Elle me regarde de ses yeux vides. Une mousse rouge, écarlate, coule de sa bouche. Elle respire encore. Je devrais prendre mon portable, appeler les secours. Je n’en fais rien. Nous nous fascinons mutuellement. C’est la première fois que je vois quelqu’un sous l’emprise du PlaTane. Un nom marrant qui cache une des pires saloperies qui existe. Elle est peu chère, les clients en deviennent accros très vite, elle fait planer pendant des heures. La drogue parfaite. Sauf que ses effets secondaires sont franchement visibles. Une pigmentation de la peau altérée, un réseau sanguin dilaté font que les drogués ressemblent à des feuilles d’automne. Le PlaTane ne s’adresse donc qu’au plus démunis qui ne soucis plus d’être discret.
Je la secoue doucement.
« Hé, ça va ??
Elle grogne une réponse inintelligible. Puis se retourne pour continuer son vol intérieur.
_ Ho ! Réveille toi ! Tu connais un gars qui s’appelle Abel ?
Ses yeux vitreux se tournent vers moi. M’entend t’elle seulement ? Elle articule des mots sans produire le moindre son. Elle fronce le sourcil et refait une tentative.
_Vooouuiii.
_ Il est où ?
_Looouuuiinnnnn.
Je me retiens pour ne pas l’attraper par le col et de la secouer. Elle reprend de façon un peu plus normal
_ Il est partiiiiii. Elle prend un air boudeur avant d’ajouter, Il n’a paaaaaas voulu que je vienne. J’aurai biennnn continuée la fêêêêête avec lui.
Je rêve, elle se met à pleurer. S’en est trop, je lui colle une claque dans sa gueule de défoncée. Je lui martèle un « Ou est t’il ? » d’une voix plus que menaçante. La droguée prend pleinement mesure de la menace que je représente, elle me donne rapidement une adresse avant de retomber dans son délire chimique. Je sors. Malgré la pluie, je trouve l’air infiniment plus respirable que l’intérieur de ce dépotoir.


L’immeuble est pouilleux. Comment peut-on seulement imaginer vivre dans ce taudis. Quatre étages, des fenêtres aveugles, un escalier extérieur où la rouille domine, des tags partout. De la musique bruyante provient de l’intérieur. Enfin quand je dis musique, il serai plus juste de parler de bruit. L’intérieur de l’immeuble confirme l’impression que donne l’extérieur, c’est un squatte. Toutes les portes ont étés arrachés. Quelques ampoules éparses éclairent un couloir lugubre. Je me dirige vers la source des bruits, bien résolu à ne pas regarder par terre et à jeter mes Armani dès mon retour chez moi.
Deuxième étage, un groupe de jeunes, couchés à même le sol, des feuilles mortes, monte la garde devant un appartement. Ils ne bougent pas quand je les enjambe. J’y jette à peine plus d’un coup d’œil, histoire d’être sur de ne pas y voir ma nièce. Le logement est dévasté. Tout ce qui pouvait se démonté l’a été afin de créer une sorte de boîte de nuit. Une platine hurle ses décibels dans un coin, elle tourne seule sans que personne ne s’en soucis. Trois ou quatre zombis se trémoussent en rythme. Un couple fornique dans un coin. Toujours pas d’Honorine. Un type sort des toilettes, costard bas de gamme, lunette de soleil surdimensionnée, crâne rasé avec des motifs, sourire extra blanc, je pense avoir trouver Abel. Il n’a pas le temps de me voir venir qu’il se retrouve collé contre un mur, ses pieds loin du sol. Dans un coin encore serein de mon cerveau je me félicite de tous ces matchs de squashs disputés avec mes collègues de bureaux.
Ses yeux exorbités transpirent de peur. Dieu que j’aime ça. Il tente de parler mais mes poings lui bloquent à la fois le menton et sa respiration.
_Abel ?
Il répondit « oui » d’une petite voix de fillette.
_Où est Honorine ?
J’ai la sensation pendant une seconde de n’être jamais partis de l’ancienne superette, mais l’haleine rance de mon vis-à-vis chasse vite cette impression.
_La pétasse ? je le lève un peu plus haut. Elle est là haut, mec, j’lui est rien fait… il ne finit pas sa phrase. Sans doute est t’il trop occupé à tenter de savoir comment voler avant d’atterrir à l’autre bout de la pièce.
Je vois rouge, ma chère nièce va comprendre de quel bois je me chauffe. Si sa débile de mère n’est pas foutue de se faire obéir, ce n’est pas mon cas. Je montre à l’étage tel un taureau qui charge. Les portes défilent. Rien. Personne. Encore un étage, le dernier, mon coeur cogne trop fort. J’ai mal derrière les yeux, je respire comme à travers un linge humide. Rien non plus. Abel aurait menti ?? Ais-je mal regardé ?? Non ! Il me reste le toit. Vérifié ne coûte rien. Je pousse la porte métallique si violement qu’elle en sort de son huisserie. Le vent me gifle en grand coup d’eau de pluie. Je vois une forme humaine, recroquevillée contre le rebord. La tempête qui s’est levée me masque les détails. Pas le choix, j’avance. Mon imper claque dans mon dos. C’est une femme. Les bourrasques de vent cherchent à me faire tomber. Ses cheveux volent dans tout les sens masquant ses traits. Nouvelle rafale de vent gorgé d’eau, j’ai l’impression d’en prendre un plein seau sur la tête. C’est elle. Elle lève son visage vers moi. Les marbrures et la coloration brune m’en disent plus qu’un long discours. Une terreur sans nom se lit sur son visage de femme-enfant. Je lui parle, mais le vent emporte mes paroles. Je suis obligé de hurler. Je lui fais peur. Elle se dresse brusquement. Elle tente de m’échapper, elle titube. L’attraper, vite, je dois de la ceinturer. Je glisse. Nous basculons par-dessus le parapet.

Nous tourbillonnons dans l’air. Pas le temps de crier, c’est trop tard pour ça. Nous laissons faire. Notre danse ne sera pas longue. Nous ne sommes plus rien, juste deux feuilles mortes emportées par le vent.
Bonne lecture a tous
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L'amour pour épée, l'humour pour bouclier ! (B WERBER)

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