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Vieux 14/03/2013, 17h13
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The Mighty Charentais
 
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Thoor change la caisse du Fauve
On attaque la saison 02 ?

Citation:
Le secret du Schalk (suite)

CH 9 – Passent les années

La porte grinça sinistrement sur ses gonds. Une bouffée d’odeurs m’assaillis. C’étaient des odeurs de vieux parchemins de papier, de crottes de souris et de tabacs refroidis depuis longtemps. C’était des odeurs de tristesse et de nostalgie. C’était l’odeur de Traimon.
J’adjoignais mon cœur de ne point flancher et j’entrais dans le cabinet de travail. Deux ans étaient passés depuis le départ de son occupant. C’était le temps qu’il m’avait fallut pour trouver le courage d’y pénétrer.
Sanglier, me passa une torche allumée. Puis mon confrère d’épeautre reprit sa garde devant la porte. Les flammes dansaient devant mes yeux, je tentais de me persuader que c’étaient elles qui me faisaient monter les larmes aux yeux. Par les Quatre, j’étais venu ici un nombre incalculable de fois, mais je ne pouvais pas avancer. Du regard je cherchais, mon précepteur, mon mentor, mon ami et je savais bien que le bonhomme rondouillard reposait dans sa tombe anonyme. A ma gauche, le vieux fauteuil défoncé attendait en vain son propriétaire. Il faisait face à la petite cheminée où j’avais récité bien des leçons. Le grand tapis rond était recouvert d’une fine poussière grise. Pourtant les quatre Dragons entrelacés qui y étaient représentés, me semblaient toujours aussi vivants. Enfant ils m’avaient fait peur, adulte ils me terrorisaient. Je fis un pas en avant, conscient de la chape de plomb qui pesait sur mes épaules. Les étagères remplies de parchemins précieux, les tableaux et même le lutrin prés de la cheminée, tous m’accusaient de l’assassinat de leur maître. Je jetais ma torche dans l’âtre. A la lueur déclinante des flammes je traversais le cabinet de travail. En ouvrant les contrevents, j’eu autant l’impression de chasser l’odeur de renfermé que les fantômes du passé.
Les larges rayons du soleil éclairaient sous un jour nouveau le sinistre décor. Je posais les yeux sur l’établie de mon vieux maître. Comme je l’avais toujours connu, il débordait d’instruments de mesure, de cornues, d’échantillon de roche, tout un bric-à-brac dont lui seul connaissait l’usage. Hélas, je connaissais désormais le résultat de ses recherches. Ne voyant rien de particulier sur le plan de travail, j’allais aux rayonnages de parchemins. Un à un je les sortis des écrins de bois pour les glisser dans des tubes d’airain que je scellais à la cire. Un savoir bien trop dangereux se cachait dans ces fragiles manuscrits. Mais un savoir tel qu’il était folie que de seulement penser à les détruire. Les heures se succédant aux heures, j’eus tout le loisir de me promettre d’étudier ces vélins. Ce que mon maître avait trouvé d’autres le pouvaient aussi. Qui savait si le secret de la sauvegarde de mon royaume ne reposait pas dans ces lignes enluminées.
Mon fastidieux travail effectué, j’ôtais les tapisseries des murs. Je ne trouvais aucune cache, ni aucun passage secret. Repoussant les objets les plus précieux dans un coin de la pièce, j’entrepris d’allumer un feu vaillant dans la cheminée. Je l’alimentais de bibelots sans intérêt, d'échantillons, de poudres colorées et du petit mobilier. Comme je soulevais le fauteuil, un jouet d’enfant tomba à mes pieds. Il avait passé de bien longues années, coincé entre l’assise et le dossier pour me revenir en ce jour. Je reposais le fauteuil et ramassais le bilboquet.

Poc ! Le son de la boule de buis s’insérant sur son support me surpris. Plongé dans mes pensées nostalgiques j’avais machinalement lancé la boule. Je glissais le jouet à ma ceinture pour finir ma tache. Il ne me restais guère à faire. Je hélais Sanglier, et ensemble nous transportâmes les effets de Traimon survivants dans mon propre cabinet. La journée était bien avancée lorsque je pénétrais dans ma chambre. J’eu à peine le seuil franchit, que Frigolin me sauta dessus.
_ Messire, enfin, il n’est plus temps de vous dérober, attaqua t’il. Vos couturières sont arrivées il y a des heures, hâtez vous de les rejoindre.
Je poussais intérieurement un soupir tels que, Traimon vivant, j’eusse reçu une taloche. Fini les joies simples de la solitude et de la nostalgie. Je retrouvais mon rang de Roi-Servant et les interminables préparatifs en vue de mon couronnement et de mon mariage.

Les femmes m’attendaient de pied ferme. Sans ménagement aucun pour ma royale personne, elles me juchèrent sur un tabouret. Puis toujours sans aucune considération pour mes goûts, elles se livrèrent à un étrange balai où je faisais figure de mannequin.
Si je gardais le silence, je gardais aussi mes oreilles grandes ouvertes. Les bavardages incessants m’en n’apprenaient bien davantage que tous les rapports que je pouvais lire.
Les plus âgées se plaignaient de l’agitation de la ville, des nouveaux arrivants qui ne leur inspiraient point confiance et toutes pleuraient encore la perte d’êtres chers. Les plus jeunes étaient ravies de la reconstruction d’Anglême, appréciaient les richesses apportées par les immigrants, de même qu’elles pleuraient encore les disparus de la catastrophe.
Deux ans, c’était le temps qu’il nous avait fallu pour redresser le royaume et tout reconstruire. La Catastrophe du Schalk avait ébranlé les fondations même de la ville. Et dans les premier temps il n’était pas rare qu’un bâtiment s’écroula sous son propre poids. Nos morts et disparus se comptaient par centaines. Pas une famille qui ne fût endeuillée en ses jours tragiques. Je ne peux évoquer cette période sans repenser à ces corps disloqués, meurtris, agonisant ou à ces visages connus qui cherchaient en moi des réponses que je ne pouvais donner. La nuit, je rêve souvent à ces pauvres hères. A leurs regards plein de vide…

J’avais déployé les plus gros de mes gardes à aider la population. Ces hommes et ces femmes avaient fait un travail admirable. Ils s’étaient évertué à sauver le plus de monde possible, à consolider les bâtiments abîmés, à soigner, à porter de la nourriture…. Souvent dans des situations extrêmement périlleuses.
J’avais gagné l’estime de la population en gérant cette crise directement sur la grand’place du marché. Chacun pouvait ainsi me porter ses doléances, et mes couleurs flottant sur mon pavillon semblaient rassurer mes braves Angousins.
C’est dans cette période frénétique de pleurs et de joie que je m’aperçus de la disparition de Miromane. Certes nous ne nous connaissions point, mais cette absence me chagrinait plus que je ne saurais dire. Les jours passèrent rapidement. Le printemps céda devant l’arrivée de l’été. Les beaux jours, la chaleur et les travaux de récoltes abondantes chassèrent des esprits la ruine et la désolation de la ville. La vie reprenait son cours.

Je me souviens parfaitement de ce matin là. Je me reposais sur ma couche sous mon pavillon blanc. J’écoutais les bruissements de vie qui m’entouraient. Ici un apprenti forgeron se faisait tancer par son maître pour son retard, là un soldat faisait son rapport sur la nuit passée, partout les hommes et les femmes vaquaient sereinement à leurs occupations. Je me prélassais au lit, profitant de ce moment de calme pour réfléchir. La crise se terminait, nous ne trouvions plus de nouveaux corps, les bâtiments semblaient stables, il fallait penser à l’avenir désormais…
Des cris brisèrent mes réflexions. J’entendis des éclats de voix suivit d'un fracas métallique retentissant. Je sortais de ma tente pour découvrir une scène incroyable. Taureau gisait au sol, le nez ensanglanté, tandis que au-dessus de lui, poings serrés Miromane l’invectivait généreusement.
Apparemment le colosse n’avait pas reconnu la jeune femme, qui ignorant tout des bonnes mœurs de la cour avait tenté d’entrer dans ma tente. C’en était suivi une courte dispute et un échange d’horions.
Sous les regards furieux et le menton noirci de Taureau je la laissais entrer dans le pavillon. Je ne pus dire un mot qu’elle se tournait vers moi en disant
_ T’as un problème !
_ Oui, une certaine jeune fille qui malmène mes hommes… répondis-je.
Elle éluda la question d’un haussement d’épaule.
_ Le dragon, benêt, tu comptes en faire quoi ?
_ Il est mort…. Je ne puis poursuivre qu’elle me coupa
_ Oui, mais maintenant, que vas tu faire de tout ce Schalk ??

Je commençais à comprendre alors de ce dont elle voulait parler. Le Schalk était une pierre précieuse aussi recherchée que l’or ou l’argent. Un gigantesque dragon composé uniquement de Schalk, d’une envergure de vingt toises avait de quoi aiguiser les appétits les plus féroces, ou de déstabiliser toute une économie.
Focalisé sur l’urgence, je n’avais pas anticipé l’avenir.
Elle se rie alors de ma mine déconfite.
_ Panique pas mon prince, j’ai pris les choses en main. J’ai réuni un groupe de mineurs. On a discuté et pris quelques mesures. On ne peut pas laisser tout ce Schalk à la vue de n’importe qui alors on l’a caché. Puis on va te le débiter en morceaux ton bestiau et l’éparpiller un peu partout.
_ Et pourquoi faites vous cela ?
_ On est des mineurs, on creuse et on gagne notre croûte. Une bonne partie des filons ont disparue, absorbés par le monstre. On peut pas dire que ça nous arrange. Alors on t’aide, on fait disparaître le gros tas….
_ En vous servant au passage je présume ?
_ Nous serons raisonnable.
_ Bien, j’imagine que je n’ai point le choix.
_ Pas vraiment en effet, mais il nous reste beaucoup de points à régler. Vous avez pas fini de me voir mon prince.

Nous n’imaginions pas combien cette phrase était prophétique.
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L'amour pour épée, l'humour pour bouclier ! (B WERBER)

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