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Vieux 20/08/2010, 22h15
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Salut tout le monde. Un nouveau texte à vous présenter, que j'espère meilleur que le précédent. A noter qu'il est lui aussi sur le blog.

La créature

20 août 2010


«*Tu es obligé d'y aller ?
Ne rends pas les choses difficiles aujourd'hui.
Allez... reste encore un peu...
Je ne peux pas.
Tu ne veux pas, surtout.
C'est mon boulot, Enora. Je n'ai pas le choix.
Pff...*»

Gabriel se leva, craqua sa nuque et soupira. Sa femme se retourna et s'emmitouffla dans les draps, énervée, et il savait que les jours à venir allaient être difficiles. Qu'à cela ne tienne... ça passerait, comme toujours. Elle n'aimait pas ce qu'il faisait, elle ne comprenait pas pourquoi il le faisait mais il devait le faire. Ils avaient besoin de ce salaire, de cette situation. Elle profitait bien de son argent... elle devrait pouvoir être plus conciliante, quand même.

Le passage sous la douche le ramena peu à peu à la conscience, mais son dos le faisait toujours souffrir. Ça faisait des années qu'il devait aller se faire manipuler par un professionnel, mais ça lui ferait prendre des semaines de congés, ce qu'il ne pouvait s'accorder. Pas de vacances, pas de repos : c'étaient les termes de son contrat. En échange, un logement et un véhicule de fonction, une imposante rémunération et l'assurance d'avoir les meilleures études pour ses enfants à venir.
Il donna immédiatement son accord, mais Gabriel s'était rapidement rendu compte que ses obligations allaient plus loin encore : pas de question, pas de curiosité mal placée... pas de conscience.

Bien sûr, Enora ne saurait jamais ce qu'il faisait vraiment, mais elle n'était pas stupide : c'était elle qui lavait les traces de sang sur ses chemises, c'était elle qui lui indiquait quels produits utiliser pour supprimer les bouts de peau sous ses ongles. Elle était bien consciente qu'il faisait du mal à des gens... mais elle ne disait rien.

Elle voulait profiter encore de ses privilèges et surtout elle devait avoir peur. De le perdre. Ou de lui. Mais où était la différence, il n'en avait aucune idée et n'était pas sûr d'y voir un intérêt.

Le séchage et l'habillement vite expédiés, de même que le petit-déjeuner. Une tape sur les crânes de ses deux chats acheva son petit rituel du matin avant qu'il n'entre dans sa voiture. Comme toujours, Gabriel s'accordait une pause de deux minutes trente secondes précisés. Là, il expirait et inspirait lourdement de multiples fois, les yeux fermés et les doigts accrochés férocement au volant.
Il avait besoin de ça pour faire la coupure entre sa vie privée et sa vie professionnelle. Il avait besoin de se mettre dans un état second pour faire son boulot. Ça avait été trop dur, au début, de rester lui-même là-bas. Maintenant, tout était rôdé – et c'était un peu mieux ainsi.

Le parcours ne dura pas plus longtemps que d'habitude. Montrer son badge à l'entrée, se garer, monter les escaliers, montrer son badge, prendre l'ascenseur, montrer son badge, passer à l'examen oculaire et tactile étaient toutes les étapes nécessaires pour arriver enfin à son lieu de travail du jour. A la cage.

Ça faisait des années que la vue de la «*créature*» derrière les barreaux, la plaque de plexiglas et les barbelés électrifiés ne le répugnait plus. Elle était là depuis plus longtemps que Gabriel et il ne connaissait personne dans le complexe qui l'avait vue arriver. Apparemment, elle avait toujours été là – et le serait toujours s'il faisait bien son travail.

La «*créature*» était coincée dans un long tube rempli de liquides jaunâtres étranges : munie d'un masque à oxygène, elle pouvait respirer mais une demi-douzaine de tubes aspirant son sang dans chaque bras et chaque jambe l'empêchaient de bouger. Plongée dans un état catatonique, elle n'avait jamais bougée même si tout le monde le craignait. Gabriel n'avait aucune idée de sa dangerosité mais il était suffisamment bien payé pour bien faire son boulot sans poser de question.

Il s'assit sur sa chaise confortable, tapa ses deux codes secrets sur l'ordinateur et attendit que tout s'allume. Aujourd'hui, il devait vérifier les constantes de la «*créature*» et que toute la technique fonctionnait bien. Demain, il devrait s'occuper de la gestion des litres de sang qui étaient anormalement nombreux. C'était ça, le grand mystère : comment cette «*chose*» faisait pour produire autant de sang sans mourir. Chaque jour, c'étaient des dizaines de litres qui étaient constitués dans ses veines et extraient par les tubes.
Avec, les employeurs de Gabriel se faisaient une plus-value pour une moitié en les revendant à des cliniques clandestines et pour l'autre en les donnant aux centres locaux et nationaux de dons du sang, à intervalles réguliers et en faibles quantités pour éviter d'attirer l'attention.

Bien sûr, il avait d'autres missions – celles qui étaient plus «*voyantes*» pour Enora. S'occuper des imbéciles qui enquêtaient sur eux, sur la «*créature*». Mais aussi gérer les affaires de ses patrons, faire disparaître les corps ou tabasser les témoins gênants. Gabriel était loin d'être quelqu'un d'important dans la hiérarchie mais ses patrons voulaient que leurs employés aient des occupations diversifiées. Une manière de les empêcher de s'ennuyer et surtout d'avoir sur chacun des pièces compromettantes à faire valoir si l'un d'entre eux se redécouvrait une conscience.

Comme d'habitude, Gabriel se leva et s'approcha du grand tube où dormait la «*chose*». Il avait une routine qui s'exerçait chaque fois qu'il venait ici et consistait à vérifier que la machinerie était bien fixée et que les tubes fixés aux membres de la «*créature*» débouchaient bien dans des grandes poches pour contenir le sang.
Et comme d'habitude, Gabriel appelait Enora quand il avait tout vérifié. Il se mettait dans un coin de la salle, près des poches de sang, où il savait qu'il y avait un angle mort pour les caméras. Il l'appelait et chuchotait. Elle se levait à peu près au même moment, ils discutaient quelques instants avant qu'elle vaque à ses occupations et il était heureux. Même s'il voulait faire une cassure entre le privé et le boulot, il avait besoin de se rappeler dans une telle atmosphère que lui avait quelque chose qui l'attendait, le soir. Voir la «*chose*» dans un tel état, ça le remuait. Entendre la voix de sa femme le rassurait.

Il lui restait encore beaucoup à vérifier avant de l'appeler, mais cette fois-ci le besoin fut plus fort encore. La réaction d'Enora ce matin-là, sa fatigue mentale de tout lui cacher, sa soif de vacances contrariée... ça devenait difficile pour lui de tenir. La coupure qu'il s'imposait était de moins en moins franche et il avait l'impression de trop penser à sa famille au boulot et de trop penser à la «*créature*» quand il était avec les siens.

Gabriel savait qu'il n'était plus dans son état normal. Il avait besoin de réconfort, de chaleur humaine. Son regard se posa autour de lui et il ne découvrit que froideur, mécanique et inhumanité ; il ne se sentait pas à l'aise, il ressentait même un monstrueux vide dans son cœur. Il prit son téléphone et composa rapidement celui de la maison.
Les tonalités se succédèrent jusqu'à ce qu'il entende enfin sa voix. Un petit sourire apparut sur son visage, le premier depuis son départ.

«*Salut.
Hum.
Je... je t'appelle plus tôt. J'avais envie d'entendre ta voix.
Okay.
Ça va ?
Ouais.
T'es sûre ? T'as l'air... différente.
Différente ?
Oui. Pas comme d'habitude.
Et t'aimes tes habitudes, hein ?
Quoi ?
Je dis que t'aimes les habitudes.
Je... oui. Ça me plaît, tu le sais.
Ouais.
Comme tout le monde.
Nan.
Quoi ?
Tout le monde aime pas les habitudes, Gabriel. Beaucoup aiment changer, faire des choses un peu folles. Les surprises. Beaucoup aiment les surprises, tu sais. Tu sais encore ce que ça veut dire ?
Je comprends pas.
Y a jamais de surprise entre nous. Jamais de moments où tu me surprends, où j'ai droit à quelque chose de neuf. On couche ensemble les mêmes jours de chaque semaine, dans les mêmes positions à chaque fois. Même tes orgasmes sont habituels ! On va aux mêmes restos, aux mêmes endroits, avec les mêmes gens, à parler de la même chose...
Je...
Tu veux pas parfois changer un peu les choses ? Par exemple aller en retard à ton boulot pour passer du temps avec moi ?
C'est à cause de ce matin que t'es comme ça ?
C'est à cause de chaque matin, Gabriel.*»

Et elle raccrocha. Il essaya de la rappeler mais elle devait avoir décroché le téléphone : ça sonnait dans le vide. Son portable n'était pas allumé et il n'avait aucun moyen de la joindre.
Aucun. Moyen. Alors qu'elle venait de lui débiter tout ça. Au boulot. Elle savait qu'il devait être bien là-bas pour être bien vu et continuer à ramener le salaire. Le salaire qu'elle utilisait pour ses conneries. Et voilà qu'elle l'accusait de ne pas s'occuper assez d'elle. Encore.
Ne comprendrait-elle donc jamais ? Ne grandirait-elle pas ?

Il en avait assez, il avait envie de crier, de s'énerver mais il ne le pouvait pas. Il était au boulot : il devait encaisser. Encore.
Sauf que cette fois-ci, la colère était trop grande. Gabriel se permit de frapper du poing sur la table devant lui. Juste un coup, pour se libérer un peu. Juste un, pour une fois. Pour changer les habitudes, comme Enora le voulait.

Cependant, alors qu'il sentait l'acier froid molester sa chair violemment appuyée dessus, une des poches de sang reliées à la «*chose*» par un tube fut déséquilibrée par le coup. Tombant vers la table, cette poche tira logiquement sur le tube qui lui amenait le sang si important pour les patrons de Gabriel. Or, ce tube n'avait pas été conçu pour être plus long que prévu : rien ne devait normalement le déranger ou le toucher.
Ce tube, sous cette pression subite et rapide, fut donc détaché de la poche et du sang se mit à couler sur la table. Juste devant Gabriel.

«*Oh...*»

Terrifié, il se jeta immédiatement sur le tube et le remit dans la poche de sang. Seuls quelques millilitres de sang s'étaient retrouvés sur la table, mais il savait que ses patrons ne le supporteraient pas. Il prit rapidement un mouchoir dans sa poche et absorba le sang de la table, puis le rangea dans sa poche.

Seules quelques secondes étaient passées depuis son coup et la fin de l'incident. L'angle mort comprenait aussi ce bout de la table : personne n'avait pu le voir. Tout n'avait duré que quelques instants, et il avait géré.
Tout était terminé. Pas de problème, pas de crise. Mais Gabriel savait qu'il n'était pas passé loin et qu'il devait se reprendre. Il ferma les yeux, inspira et expira lourdement. La coupure : il devait retrouver la coupure et la maintenir. Plus longtemps encore qu'auparavant. Bien plus longtemps.


Une semaine était passée.
Gabriel dormait maintenant sur le canapé. Enora avait refusé de lui adresser la parole après qu'il ait mis en avant sa dépendance vis à vis de son argent à lui. Il dormait loin d'elle et essayait de faire de son mieux au boulot pour éviter de perdre l'autre pôle de sa vie. Il se retrouvait maintenant à nouveau dans la salle de la «*créature*», après avoir pu vidé sa colère sur quelques imbéciles lors de ses autres journées de travail et ses autres fonctions.

Cependant, en regardant cette «*chose*», Gabriel savait que toute sa frustration et ses inquiétudes n'avaient pas disparu. Il était toujours terrifié à l'idée que quelqu'un sache ce qu'il s'était passé une semaine auparavant. Ses collègues et ses patrons n'avaient rien dit mais... mais il était persuadé que ça se saurait. Tout se savait toujours, ici.
Tôt ou tard, il allait payer le prix de sa faute. Le prix de cette inutile réaction humaine durant son travail.

Il fut stoppé dans ses réflexions par le vibreur de son téléphone. Immédiatement, il alla vers l'angle mort et regarda ; c'était elle. Enora l'appelait. Enfin.
Elle devait avoir compris son erreur et voulait retrouver leurs petites habitudes. Elle voulait lui faire plaisir. Elle voulait partager un moment avec lui. Avec un énorme sourire, Gabriel plaça l'engin à son oreille.

«*Chérie ? Oh, ça fait du bien que tu m'appelles, je voulais m'excu...
Gabriel...*»

Sa voix... sa voix n'était pas normale. Faible, ravagée par les larmes. Elle... quelque chose était arrivé. Quelque chose de terrible.

«*Enora, qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu vas bien ? Dis-m...
Il... il était venu pour toi... mais t'étais déjà parti...
Quoi ? Qui ? De quoi tu parles ?
Il... il était si rapide... si... oh mon dieu, Gabriel... ma jambe...
Mais de quoi tu parles ? Quelle jambe ?
Il... il a dévoré ma jambe...
…quoi ?
C'est toi qu'il cherchait... le... le mouchoir...*»

Gabriel ne comprenait rien et Enora ne lui apprendrait pas grand-chose de plus : elle était en état de choc et serait incapable de formuler des idées précises dans les heures à venir. Pour autant, il y avait quelque chose qui l'avait mis dans cet état et il craignait que certaines de ses paroles ne soient vraies.
Il allait lui dire de se calmer et décider de venir la voir quand la porte de la pièce fut propulsée au milieu de la salle, emmenant au passage sa chaise et la moitié des équipements sur son bureau.

Alors qu'il entendait les pleurs de sa femme au téléphone, Gabriel fixait l'entrée béante. Aucune fumée, donc aucune explosion. Aucun homme armé se positionnant à l'intérieur, donc aucune attaque des ennemis de ses patrons. Alors quoi ? Qui avait pu bien faire ça ?

«*Pas qui. Quoi.*»

Une voix traînante venait de prononcer ces quelques mots, précédant l'entrée d'un être... étrange. Grand, brun, squelettique, son visage était extrêmement blanc et sa silhouette était enveloppée dans un grand manteau sombre. De très longs ongles continuaient ses doigts ossus et étaient maculés de sang. D'ailleurs, sa bouche aussi était maculée de sang. Et son sourire révélait de grandes canines.
Gabriel lâcha son téléphone, délaissant sa femme en pleurs. Il avait d'autres priorités.

«*Vous... vous...
Je suis bien ce que tu penses, Gabriel. Je suis un vampire. Et oui, je lis dans tes pensées. Tu n'as pas assez bien parcouru Bram Stoker étant jeune : tout ce qu'il disait était vrai... ou presque. Le soleil ne nous est pas mortel, mais nous devons quand même nous protéger de lui. Cela n'empêche que je peux marcher dans la rue et venir te voir. Après avoir vu ta femme.
Vous... c'est vous qui...
Oui, Gabriel : c'est moi qui l'ai attaquée. Je te félicite pour ton choix, d'ailleurs : malgré son âge, elle était encore très bien conservée. Elle doit faire du sport, non ? Oui, de la course, c'est bien. Ça a rendu sa jambe très ferme. Exquis.*»

Gabriel ne comprenait rien et était tétanisé : il n'arrivait pas à bouger. Il avait l'impression que tout son univers avait basculé dans la folie.

«*C'est exact : tu ne contrôles plus rien et tu ne le supportes pas, pas vrai ? Tu aimes les habitudes, elles te rassurent. Tu as besoin de te sentir en confiance, entouré d'éléments que tu maîtrises. Tu n'es pas un homme très entreprenant, tu détestes les surprises. Je peux comprendre cela... mais je trouve ça terriblement ennuyeux.
Pour... pourquoi...
Tu as peur, tu n'arrives même plus à parler correctement. Tu n'oses pas croire à mon existence alors que tout indique que je suis bien réel et que j'ai dévoré un membre de ta femme. Tu penses que je t'en veux personnellement et tu recherches pourquoi ? Tu es dans l'erreur. Tu n'es pas ma cible : elle est derrière toi.*»

Il se retourna et vit la «*créature*», toujours endormie.

«*Arlak et moi avons une longue histoire commune. Je n'ai pas besoin de t'expliquer en quoi sa spécificité le rend indispensable à mes yeux, non ? Pendant des décennies, car il vieillit très lentement, il a été mon repas éternel, un cadeau miraculeux. Malheureusement, une erreur de ma part lui a permis de s'échapper. Cela fait un siècle que je le poursuis, vois-tu. Du fait de sa spécificité, je suis certain qu'il vivra encore une dizaine de siècles, et je n'ai donc jamais perdu espoir. Je pense que c'est dû au fait que son sang se renouvelle constamment, mais... je ne suis pas scientifique. Et ça ne m'intéresse pas : seul compte le résultat.
Et le résultat, c'était que j'avais grâce à lui des repas sûrs et de qualité à jamais. Je l'avais perdu... mais je l'ai retrouvé. Grâce à toi.*»

Gabriel colla son temps contre le tube. De grosses gouttes de sueur coulaient le long de son dos. Il était terrorisé.

«*Oui, Gabriel : tout ça est de ta faute. Au fond, tu as raison de chérir tes habitudes : elles évitent de se mettre en danger. Elles sont sans surprise, bien sûr, mais... elles sont sans danger. Malheureusement, il est arrivé quelque chose de différent la semaine dernière, c'est ça ? Un accident, un moment d'inattention... je n'en sais rien, je m'en fiche remarque. Mais tu as fait couler le sang de ce cher Arlak. Oh, tu l'as vite essuyé avec ton mouchoir, mais... tu as des soucis avec ta femme, n'est-ce pas ? Disputes sur disputes, obligation de dormir sur le canapé... tu as oublié le mouchoir, tout simplement. Or, il était toujours à l'air libre. M'attirant... m'appelant.*»

Un sourire carnassier apparut sur le visage du monstre. Gabriel se mit à trembler.

«*Bram a voulu informer les gens de son époque mais nous ne lui avons pas permis d'en dire autant qu'il en savait sur nous. Nous l'avons connu, il a été fasciné par nous et il a voulu informer le monde... par l'intermédiaire d'un livre, d'une fiction. Ça nous a beaucoup amusé, mais nous lui avons interdit d'en dire de trop sur ce que nous pouvons faire. Nos sens sont beaucoup plus développés que tu le penses, Gabriel... et le sang d'Arlak a une odeur bien caractéristique, que je connais parfaitement pour l'avoir dégusté pendant des décennies.
J'étais loin, quand j'ai senti l'odeur... mais je suis venu aussi vite que possible. J'ai retrouvé ta maison, j'ai goûté ta femme... et elle m'a dit où tu travaillais. Le reste, tu l'imagines : tu vas mourir, je vais récupérer Arlak et... oh, mais qu'est-ce que c'est ?*»

La bête se retourna pour faire face aux collègues de Gabriel, surarmés et déjà en position de combat. Les patrons avaient mis au point des systèmes électroniques empêchant tout bruit lors des déplacements avec en plus des costumes qui modifient leurs couleurs pour se fondre dans le décor. Ils ouvrirent le feu et le monstre fut propulsé en arrière sous le choc, le déluge de feu ne s'arrêtant pas avant de longues secondes.

Cependant, alors que le cœur de Gabriel reprenait peu à peu son rythme normal en se disant que tout était terminé, le vampire puisqu'il fallait le nommer ainsi se releva et passa sa main sur sa poitrine : le manteau était couvert de trous mais son corps blanchâtre ne comportait aucune trace ! Un sourire bestial apparut sur son visage avant qu'il ne fasse un saut inhumain en direction de... Gabriel !
Ses collègues n'hésitèrent pas : ils ouvrirent à nouveau le feu, en risquant de le blesser. Il se baissa et se recroquevilla au pied du grand tube. Le monstre tomba juste devant lui alors qu'il sentait le verre tomber sur lui avec le liquide à l'intérieur de la prison de «*Arlak*». Les balles avaient détruit la vitre pourtant doublée et la «*créature*» serait désormais à l'air libre.

Cependant, ce n'était pas ça qui attirait l'attention de Gabriel : c'était la rage animale du monstre qui se relevait et ne supportait plus les balles qui avaient pénétré sa chair morte. Les poings serrés, un cri guttural sortant de sa gorge, il se précipita cette fois-ci sur les hommes en arme. Le reste ne fut qu'un long massacre qui tétanisa son unique témoin : pendant cinq terribles minutes, la bête massacra méthodologiquement ses camarades.
Du sang recouvra les murs, les poitrines et les membres étaient déchiquetés. Le vampire se releva, son manteau entièrement rouge tout comme ses mains. Il se retourna pour s'occuper définitivement de Gabriel puis de sa proie, mais son visage devenu plus serein après le massacre prit l'expression de la surprise puis de la colère.

Il se précipita vers Gabriel et l'égorgea d'un coup sec, sans même le regarder. Ses yeux étaient concentrés sur le tube, et son geste fut aussi accessoire que s'il posait un objet. La vie de Gabriel quitta son enveloppe charnelle, mais il put encore entendre le cri de rage du vampire après avoir découvert qu'Arlak avait disparu. Il avait profité du massacre suivant la fusillade pour s'enfuir par une des portes dérobées de la salle.

Gabriel disparut avec un léger sourire aux lèvres : au moins son erreur servirait à ce pauvre Arlak pour qu'il puisse s'enfuir. Il avait fait au moins une bonne action... quelque chose qui marquerait l'histoire. Au moins celle d'un homme.
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