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Vieux 04/06/2009, 18h49
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Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !
Le défi d'à peu prés mai : le travail, c'est la Santé...

Toujours pas super fier, mais bon... et vous?;)

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[SIZE="3"][FONT="Tahoma"][B][CENTER]LE TRAVAIL RENDS LIBRE.[/CENTER][/B]

Brice enfila la combinaison qui le protégeait de toute blessure et tout contact durant les opérations de recyclage qui constituaient son quotidien. Bernard, son vieux copain, chargé de l'acheminement des matières, n'allait pas tarder à passer le portail sécurisé de l'Unité des Matières Périmées. Malgré ses 15 ans d'expérience et la taille monumentale du complexe, Brice conservait chevillés au corps le goût du travail bien fait et la fierté de l'artisan. Sans être prestigieuse, la mission de traitement des déchets avait mobilisé suffisamment de militants et suscité assez de débats pour que les lois qui en étaient issues et les agents chargés de sa mise en place gardent la même mobilisation. Trop de paysages avaient étés défigurés par les tergiversations, et les états d'âmes de quelques démagogues naïfs avaient faillit provoquer la ruine de la nation. Lassés de ne plus pouvoir se promener en ville sans avoir à enjamber les détritus et subir les agressions olfactives, irrités du coût exorbitant de dispositifs inefficaces, la population s'était mobilisée. Il était du devoir de chaque électeur d'apporter sa pierre à l'édifice d'une société nouvelle d'hygiène mentale et physique, de liberté et de confort. Chaque contrevenant était signalé avec zèle par des citoyens concernés et pris en charge par les autorités. La prochaine étape à franchir serait le dépôt volontaire, mais les mentalités étaient parfois longues à évoluer.

Brice en était là de ses pensées quand le camion s'annonça. La chaleur et la masse transportée produisaient des effets d'échauffement et entrainaient des effluves nauséabondes et des réactions de dilatation dont témoignaient les bruits sourds et incongrus qui s'échappaient des rares et minuscules grilles d'aération. Une partie du chargement était hautement contaminée car restée sans traitement depuis des lustres. Le reste n'avait connu aucun soin depuis l'entretien de collecte à l'agence. Ce mélange morbide mettait à rude épreuve la structure d'acier renforcée et les nerfs des convoyeurs. Dans le tumulte du déchargement, dés l'ouverture des portes, la masse grouillante se répandit sur la surface de tri.

Malgré la routine de ce triste spectacle, Brice retint avec peine un haut le cœur. A ses côtés, Xavier, nouvellement promu à la tête de l'Unité des Matières Périmées avec l'appui de son ami Nicolas, ne rechignait pas, par goût personnel et volonté démagogiquement affichée de ne pas perdre le contact avec la base active de son institution, à jouer du bâton électrique. Une inclinaison perverse à se rouler dans la fange le mit-il en disposition favorable? A ses pieds, un produit se détacha de la masse; quoiqu'odorantes, les formes ondulantes en émergeant et les soubresauts dont il fut témoin le firent marquer un temps d'arrêt. Cet instant de fascination inconvenant prit au dépourvu les agents qui devaient contrôler électriquement les débordements éventuels.

Une deuxième vague plus imposante les surprit en s'écoulant devant Xavier jusqu'aux talons de Bernard. Engoncé dans sa combinaison et occupé à détacher des grilles quelques matières récalcitrantes, il ne vit pas venir la vague bouillonnante qui l'engloutit avec brutalité. Brice se précipita, jouant avec adresse du nettoyeur haute pression pour tenter de dégager Bernard. Quand celui-ci fut extrait de sous la masse purulente, Brice ne put que constater et prendre à témoin ses collègues que l'état de choc apparent, le traumatisme à prévoir, la déchirure de la combinaison et l'os brisé qui s'échappait de la plaie béante et contaminée augurait tristement du devenir de Bernard et d'un surcroit d'activité du centre de recyclage. Bernard relevait d'emblée de la catégorie 3 qui ne permettait pas statistiquement d'espérer une amélioration significative de capacités opérationnelles qui venaient d'être gravement altérées.

Dans une société où 2 siècles de combat politique s'étaient finalement cristallisés autour de la question du recyclage des déchets, l'opinion publique avait cessé de se croire à «l'école des fans». Compétition et égalité étaient antinomiques; il avait bien fallu admettre qu'il ne pouvait y avoir que des gagnants. Ce qui restait du clivage droite-gauche se portait sur le recyclage et le traitement des déchets d'un capitalisme décomplexé. Fortune, gloire et santé, mais en toute chose intérêt personnel et satisfaction des besoins primaires, ingénieusement maquillés sous un vernis de civilisation : tel était le credo d'une société de "winners". Oubliant que le lien social, fondateur de notre civilisation, avait mis à l'abri des prédateurs un tas de viande aux dents, griffes et fourrures défaillantes, l'homme était devenu l'ultime prédateur, puis son propre prédateur, portant en lui-même les germes de sa destruction. La procédure de quarantaine se déclencha sans attendre. Dépouillé sans ménagement, Bernard fut rejeté hurlant et gesticulant au milieu des autres matières pendant que la chaine de traitement se remettait en route...[/FONT][/SIZE][/quote]

Dernière modification par Hilarion ; 10/06/2009 à 10h13.