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Vieux 22/11/2007, 22h45
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Ben Wawe Ben Wawe est déconnecté
Dieu qui déchire sa race
 
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Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
Je ne suis pas vraiment content de ce que j'ai fait, mais entre deux révisions de droit administratif et avant l'exam' samedi, je n'ai pas pu résister et j'ai "craqué" ce matin. Ce n'est pas extra', hein, mais ça fait du bien de réécrire après ce temps. Va falloir quand même que je m'y remette.


Une vieille chanson de Bourvil arrive doucement à mes oreilles…mais je ne l’entends presque pas. Elle est loin, et je ne fais aucun effort. J’ai les yeux fermés, incapable que je suis de pouvoir les rouvrir. Je ne peux affronter ce qui est en face de moi. Je ne peux affronter mon erreur. Je ne peux affronter mon passé.

J’ai mal. Comme toujours, à cette période de l’année. Comme faire autrement ? On ne peut fuir son passé, on ne peut fuir sa conscience. J’ai mal, et je sais qu’aucun baume, qu’aucune potion, qu’aucun médicament ne pourra me guérir. J’ai mal, et je suis condamné à souffrir. Car je suis maudit, et je dois vivre avec cela.

Dehors, il neige. Chose rare, ces dernières années. Beaucoup ont dit que le climat devient fou, que le monde va bientôt mourir…je n’en sais rien. Je m’en fiche. Tout ceci ne m’intéresse pas…ou plutôt plus. Ce n’est pas important pour moi. Plus rien n’est important, finalement.

Bourvil continue de prononcer à la va vite des paroles pratiquement incompréhensibles, mais je ne l’écoute pas. Ma sœur a pensé que ça me remontrerait le moral d’entendre cet air que j’affectionnais dans ma jeunesse. Que je serais heureux et souriant, pour une fois. La pauvre. Chaque année, je lui gâche son Noël. Chaque année, je m’enferme dans cette vieille pièce au fond de sa maison, restant seul dans cet endroit clos et ne prononçant pas le moindre mot.
Je suis désolé, petite sœur. J’aurais voulu qu’au moins tu me voies sourire une dernière fois. Mais ça ne sera pas le cas.

Ce soir, comme à chaque fois à cette période, je vais mal, et ça ne s’arrangera pas. Jamais. Trop de choses difficiles sont arrivées, le 24 décembre. Trop de choses dures. Horribles, même. Et je ne peux oublier. Ca m’est impossible.

Chaque fois que je ferme les yeux, chaque fois que je me laisse porter par mon esprit jadis si fécond, je la revois. Je revois mon amour. Ma femme. Louise. Je l’aime depuis le premier regard porté vers sa magnifique chevelure brune. Je suis prêt à tout pour elle. J’ai passé des semaines à tenter de la séduire, j’ai passé des heures devant la fenêtre de sa chambre pour lui montrer à quel point je tenais à elle. J’ai inventé toute sorte de manèges pour la voir, la rencontrer, lui parler.
Elle était ma drogue, mon essence vitale, et je n’imaginais pas vivre sans elle. J’étais jeune et amoureux. Et aimé, surtout.

C’était le bon temps. Celui de l’innocence. De l’amour. De la tendresse. Du bonheur. Mais c’est terminé. C’est mort. Comme tout.

Aujourd’hui, je n’ai plus rien. Oh, bien sûr, je ne suis pas seul apparemment…mais pourtant si. Je ne suis pas seul parce que ma famille essaye d’être là le plus possible pour moi. Je ne suis pas seul parce que ma petite sœur vient me voir tous les deux jours pour voir si je ne suis pas encore mort. Je ne suis pas seul parce que je garde chaque week-end mon petit neveu, à qui j’ai acheté plusieurs pétards pour son cadeau de Noël.
Il va aimer. Il sera heureux, rira et montrera à tous combien le bonheur peut être simple. Il sautera dans tous les coins de la pièce, profitant de sa jeunesse et de son innocence. Il fera la joie de tous. Sauf moi. Il va me faire souffrir. Comme à chaque fois.

Je ne supporte plus tout ça. Je suis seul parce que, même si je suis entouré, personne ne comprend ma peine. Personne ne comprend mon désespoir. L’on me dit que je dois oublier, que je dois continuer ma vie…mais c’est impossible. Je l’aime. Je l’aime plus que tout au monde. Je ne peux vivre sans elle. Elle est mon oxygène. Mais on me l’a enlevé…je me la suis enlevé.

Cela fait déjà plusieurs années qu’elle…qu’elle est partie. Entraînée par un chauffard dans un ravin pour une chute mortelle. Et…et c’est de ma faute.

Je sais, tout le monde me dit que c’est faux, que je n’ai pas à m’en vouloir, mais je sais bien que si. C’était le 24 décembre, et j’avais fait une crise parce que je voulais avoir une dinde aux marrons pour le dîner. J’avais invité ma sœur, enceinte à l’époque. Et je voulais que tout soit parfait, que tout soit merveilleux. Comme souvent, j’étais stupide.
Louise n’avait pas voulu acheter de dinde dans l’après-midi, et j’avais alors crié comme je savais si bien le faire. J’avais dis que c’était un comble, que le repas serait manqué, que rien ne se passerait bien, que Noël allait être gâché, et surtout que tout était de sa faute. Quel imbécile. Comme je regrette mes paroles. Comme je pleure mes mots, désormais.

Elle a logiquement pris la mouche, et a décidé d’aller chercher une dinde avant la fermeture des magasins, bien décidée à me faire taire et surtout à me contenter. Même si elle m’en voulait, elle m’aimait toujours autant et voulut faire un pas en avant vers moi. Mais je n’ai pas su voir et comprendre ça.
Je n’ai rien dis quand elle est partie, bêtement énervé par quelque chose de si stupide et de si peu important. Les dernières paroles que j’ai prononcées envers ma femme sont des mots de colère et de fureur. Le dernier souvenir qu’elle emporta de moi fut celui d’un imbécile égoïste criant pour rien et gesticulant inutilement.
Seigneur. Comment vivre avec ça ?

Bien sûr, tout le monde m’a bien dit que je n’étais pas responsable, que c’était un accident…mais c’est faux. Louise est morte parce que j’ai été stupide. Et je n’ai même pas pu lui dire combien je l’aimais, combien je ne pouvais vivre sans elle. Elle méritait l’homme parfait. Elle méritait tous les honneurs et toutes les grâces. Elle n’a eu qu’un crétin égoïste qui s’énervait trop facilement.

Je vis avec ça depuis sa…sa disparition. Les années ont passées. J’ai tenté de cacher ma peine. J’ai tenté de faire croire à tous que j’allais bien, que je passais le cap. C’est faux. Jamais je n’ai pu survivre à sa mort. Ce terrible soir de Noël, mon cœur a été détruit et mon âme a suivie. Jadis, je me suis effondré devant le corps de Louise, à l’hôpital. Ce soir, je vais m’effondrer définitivement.

Bourvil finit sa petite chanson dans la pièce à côté, et je n’écoute toujours pas. Dans dix minutes, ma sœur va venir pour me demander d’être au moins présent pour l’ouverture des cadeaux, mais elle ne me trouvera plus. Désolé, petite sœur. Désolé, ma petite princesse. Je t’aime énormément, mais je ne peux continuer cette vie. Je ne peux continuer à vivre sans mon amour.

Louise était tout pour moi. Louise était mon soleil, ma lumière dans l’obscurité. J’ai été détruit lors de sa disparition, et il est temps de la rejoindre. Je t’aime, mon amour. Je ne te l’ai pas dis assez quand tu étais là, mais c’est vrai. Je ne peux vivre sans toi, et j’arrive pour te revoir.

Oh, je sais bien que tu dois être au Paradis et que j’irais en Enfer pour ce que j’ai fait, mais…mais j’espère au moins t’apercevoir quelques secondes. Juste quelques secondes. Revoir ton sourire. Entendre ton rire si merveilleux. Sentir ta peau si douce. Goûter tes lèvres si tendres. Juste quelques secondes, s’il-te-plaît…pardonne-moi juste quelques secondes. Je t’en prie. Je ne peux vivre en pensant que je suis responsable de ta disparition. Je ne peux supporter ça.

J’ai pris tous les médicaments de la pharmacie. J’ai failli avaler les cachets d’aspirine au lieu des somnifères, mais je ne me suis finalement pas trompé. Les larmes coulent sur mes joues vieilles et fatiguées, mais pourtant je souris, pour la première fois depuis que tu es partie. Je n’en peux plus de ce monde sans toi. Je n’en peux plus de ce vide. Je suis vieux et usé. Il est temps que je vive à nouveau. Il est temps que je retrouve mon oxygène.

Je t’aime, Louise. Et j’arrive. Enfin.