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  #241  
Vieux 29/12/2013, 22h32
Fletcher Arrowsmith Fletcher Arrowsmith est déconnecté
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Fletcher Arrowsmith se la pète comme Super PépetteFletcher Arrowsmith se la pète comme Super PépetteFletcher Arrowsmith se la pète comme Super PépetteFletcher Arrowsmith se la pète comme Super PépetteFletcher Arrowsmith se la pète comme Super PépetteFletcher Arrowsmith se la pète comme Super PépetteFletcher Arrowsmith se la pète comme Super PépetteFletcher Arrowsmith se la pète comme Super PépetteFletcher Arrowsmith se la pète comme Super PépetteFletcher Arrowsmith se la pète comme Super PépetteFletcher Arrowsmith se la pète comme Super Pépette
J'ai lu pour ma part peu d'heroic Fantasy sauf quelques classiques ou se voulant l'être. Je n'ai toujours pas attaqué GoT.

Donc vivement 2014 et encore bravo pour le texte et la somme de travail que cela représente.
__________________
“Our dreams make us large.” Jack Kirby

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  #242  
Vieux 21/01/2014, 23h08
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Baboussa Baboussa est déconnecté
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Baboussa est patriote comme captain AmericaBaboussa est patriote comme captain AmericaBaboussa est patriote comme captain AmericaBaboussa est patriote comme captain AmericaBaboussa est patriote comme captain AmericaBaboussa est patriote comme captain AmericaBaboussa est patriote comme captain AmericaBaboussa est patriote comme captain AmericaBaboussa est patriote comme captain AmericaBaboussa est patriote comme captain AmericaBaboussa est patriote comme captain America
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Posté par Ben Wawe
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Bonsoir à tous !

Je vous propose une autre nouvelle de SF, qui se veut toujours dans la veine débutée dans les textes précédents et qui est placée dans le même univers. Elle me semble plus courte, toujours dans cette voie intimiste qui fonctionne bien jusque-là.
Bonne lecture à tous !

L'Ennemi

Ca n'est pas passé loin, cette fois.

Le missile est tombé à... je ne sais même plus. Depuis que la Commandanterie a décidé d'adopter le système de l'Ennemi pour le calcul de distances, je ne sais plus où me localiser. Et je ne peux pas informer mes camarades de ce qu'il vient de se passer, car je n'ai aucune idée des coordonnées de l'immense cratère qui vient d'apparaître à quelques... à une petite distance de moi.

Je me projette en avant, roulant le long d'un fossé pour me protéger des tirs ennemis ; si j'ai évité leur missile, je sais très bien que leurs scanners me voient toujours en vie et qu'ils veulent finir le travail. Je ne les laisserai pas m'emporter aussi facilement.

Ma vision se trouble mais je me force à garder mon arme contre moi, malgré le tremblement de mes mains. Je sens le fusil à protons qui chauffe contre ma combinaison, j'entends le bourdonnement de l'énergie prête à être expulsée du canon pour anéantir quelques ennemis - mais je n'arrive pas à me remettre en position de combat.

J'ai peur.
Agenouillé dans la boue, les gravats, sur une planète dont je ne connais même plus le nom, je suis tétanisé. Au loin, les troupes de l'Ennemi se rapprochent, s'avancent vers ma position pour m'anéantir et faire un nouveau pas vers la base de la Commandanterie, mais je n'arrive pas à me reprendre.

Je suis arrivé ici depuis... je ne sais plus. Expulsé avec douze autres d'un vaisseau construit pour transporter huit soldats, envoyé directement dans l'atmosphère de ce monde que personne ne nous a présenté, je me suis réceptionné au mieux, en me blessant au bras droit lors du choc. J'ai été chanceux, trois de mon groupe ont été fauchés au vol par l'Ennemi.

J'ai l'impression que je viens d'atterrir ici, mais les relevés de l'armure montrent que je suis au combat depuis... je n'en sais rien non plus. La Commandanterie a également décidé de s'aligner sur le fonctionnement des forces adverses au niveau du calcul du Temps, et je ne m'y fais pas.
L'initiative n'est pas mauvaise, sur le fond : se rapprocher de l'Ennemi nous permettra de mieux le comprendre, et de parvenir à l'emporter définitivement. La Guerre a commencé avant la naissance de mon père, et je sais d'ores et déjà que ma fille vivra la majorité de sa vie avec la peur de l'agression, de l'enlèvement et de l'assimilation.

Je me bats pour elle - je me reprends pour elle.

C'est parce que je ne veux pas qu'elle devienne un des guerriers anonymes de l'Ennemi, ces monstres lobotomisés, sans esprit, que mes mains agrippent mon arme. Malgré la douleur qui me lance, j'arrive à poser les doigts sur les nombreux boutons permettant de déchaîner la puissance du fusil à protons... et je me relève.

Je ne les laisserai pas gagner. Je ne les laisserai pas s'imposer dans la galaxie.
Ils sont venus, il y a deux générations, pour annihiler notre culture, notre civilisation, notre mode de vie... pour imposer les leurs. Ils sont apparus dans notre ciel, avec une technologie que nous ne pouvions pas connaître et comprendre, et ils n'ont même pas pris la peine de se cacher. Ils voulaient nous détruire, et ils ont failli réussir - failli uniquement.

Je remonte le fossé, ne cherchant même pas à communiquer avec la Commandanterie ou mes camarades. D'instinct, je sais que je suis le seul survivant, ou que les autres sont trop loin pour m'aider ; je n'ai plus envie de me cacher.

Me rappeler ma fille, me rappeler l'attaque de l'Ennemi et la Guerre... c'est trop. Trop gros, trop lourd, trop insupportable.
J'ai passé ma vie d'adulte à combattre, à arracher la vie de corps dont je ne voyais jamais le visage - eux aussi sont recouverts d'armures de protection. C'est plus simple pour les affronter, quand je ne peux pas voir leurs dernières expressions.

Au début, j'avais des doutes... des remords. Ils ont disparu quand j'ai vu, de mes propres yeux, leurs procédés d'assimilation, leurs tortures et les cadavres qu'ils laissaient derrière eux.
Ce sont des monstres. Ce sont des créatures... maléfiques, vraiment.

Je m'accroche sur les rochers pour réussir à me sortir définitivement du fossé, et mes yeux tombent à nouveau sur le champ de bataille - des cratères à perte de vue, du vide complet et aucune âme qui vive. Au loin, j'aperçois à peine l'Ennemi qui approche, mais je ne peux détourner mon regard des cratères.

Ils me rappellent notre lune, sur laquelle nous commençions à peine à organiser une vie en dehors de notre planète avant la Guerre. L'Ennemi en a fait sa base d'expansion et d'assimilation, et nous avons à peine réussi à la libérer quand mon père est mort... à la naissance de ma petite fille, qui sort tout juste de l'enfance.
Je sens les restes de mon maigre repas revenir en me souvenant des charniers et des relevés de tests "médicaux"... mes jambes courent sans que je m'en rende compte vers l'Ennemi.

La haine est trop forte.
La douleur de ne plus me souvenir du visage de ma fille encore plus.

Alors que je me précipite en avant, que mon casque laisse filtrer mon cri de rage, je sens les larmes couler le long de mes joues. Je n'ai vu ma fille qu'une seule fois depuis sa naissance, et je ne peux plus me souvenir de son sourire, de son rire, de sa voix. Le nom de ma femme ne me vient plus naturellement quand je repense à elle.

La Guerre m'a tout pris : mon père, ma vie, celles que j'aime... mes souvenirs.
Je connais parfaitement les spécificités de l'Ennemi, l'organisation de notre Commandanterie, les différentes façons de tuer un adversaire - mais ce qui fait battre mon coeur disparaît peu à peu. Et je ne peux plus l'accepter.

Je ne me rends pas tout de suite compte que mes jambes se sont séparées du reste de mon corps. Ce n'est qu'au moment où je chute, où je roule sur le sol que mon regard aperçoit mes membres inférieurs, allongés dans un cratère, que je comprends.
Mes mains sont toujours crispées sur mon arme, mes doigts continuent de s'acharner sur les boutons de tir. Les protons s'envolent autour de moi, touchent par chance quelques adversaires - mais pas assez pour emporter ceux que je voudrais.

Alors que je me sens partir, je vois une demi-douzaine de soldats de l'Ennemi s'approcher de moi. J'essaye encore de les frapper, mais je n'ai plus de force, l'armure ne me répond plus.
Je les entends parler, dans leur langue inconnue - heureusement, la Commandanterie n'a pas encore décidé d'adopter leur langage, cet "henglè" qui me semble si barbare et incompréhensible. Heureusement, je meurs en pensant dans la langue qui m'a accompagné toute ma vie.

Ils doivent se gausser, ils doivent s'amuser de mon sort... ce serait bien leur genre. Je meurs sur une planète inconnue, loin de ma femme et de ma fille, avec la certitude que l'Ennemi va l'emporter. Malgré notre motivation, malgré notre envie de leur faire payer, nous ne l'emporterons jamais - nous ne pourrons jamais dépasser son avance technologique.
Cette race est trop brutale, trop terrible, trop mortelle. Nous n'avions aucune chance... aucune des autres races qui se placent entre elle et la conquête universelle n'a la moindre chance contre l'Humanité.

Ha ,tu m'a eu avec ta chute biens jouer ! ce bon vieux Dave Gibbons aurait été parfait pour illustrer ça :


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  #243  
Vieux 21/01/2014, 23h52
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Ben Wawe Ben Wawe est déconnecté
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Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
Ah, je ne connais pas mais ça a l'air très bien ! Merci beaucoup de ton avis, la surprise est un effet voulu.
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  #244  
Vieux 25/01/2014, 23h28
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Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
J'ai eu l'idée de cette histoire dans le train, ça l'a forcément impacté. J'espère que ça vous plaira, bonne lecture.

Cellule Spéciale
25 janvier 2014

Le son strident du sifflet lui glace le sang. Ses poumons cherchent une oxygène refusée par une course effrénée. Les marches sont avalées quatre à quatre, mais le bruit sourd de la fermeture des portes se fait entendre. Le train est sur le point de partir, et les agents sur le quai s'en détournent déjà vers la salle de pause.
Claude ne peut pas rater ce train – ce départ pour ce déplacement professionnel est trop important pour sa carrière. Claude se précipite vers la dernière ouverture, propulsant par désespoir sa valise en avant. Soudain écrasé par le choc contre la porte métallique, son bagage la bloque sous un concert de vociférations d'agents SNCF.
Alors que les contrôleurs à l'intérieur s'approchent du wagon qui retarde le départ, alors que leurs collègues sur le quai arrivent en hurlant, Claude saute à l'intérieur du train*; le tissu de sa veste est coupé par la porte, qui se referme finalement après une hésitation.
Claude soupire. Il faudra expliquer, il faudra s'excuser, il faudra payer, mais... c'est bon. Claude est dans le train, même si la valise est quasiment coupée en deux. Le voyage peut commencer.


***

Michel n'arrive pas à cacher son bâillement. Il sait que c'est interdit devant les passagers, les clients, ceux qui attendent l'arrivée du train pour récupérer leurs proches, mais son service tire à sa fin et il a besoin de son lit. Travailler la nuit est mieux rémunéré, mais c'en devient vite éprouvant – et Amanda le supporte de moins en moins.

Allez, pense-t-il*: le train depuis Marseille est le dernier qu'il accueille avant de s'en aller. Il ne devrait rien avoir à gérer, et c'est une bonne nouvelle. Les passagers arrivant après un voyage de nuit sont trop fatigués pour se plaindre ou poser des questions, et se dépêchent de sortir. Et vu que ses collègues n'ont jamais communiqué le moindre problème durant tout le voyage, tout devrait bien se passer.

Michel souffle fort dans son sifflet, formant de grands gestes avec ses bras pour faire reculer les imbéciles qui n'ont toujours pas compris combien il est stupide d'être trop près du vide.
Les freins crissent sur les rails, la terrible machine s'arrête aux endroits prévus. Même si la compagnie est continuellement critiquée pour ses retards, ses tarifs, ses grèves, certains devraient se rappeler que la mécanique et la logistique pour permettre de tels déplacements sont de véritables miracles. Lui-même l'oublie parfois, après trois décennies dans son uniforme grisâtre.

Lentement, il s'approche d'un wagon de première classe, alors que les hauts-parleurs déversent leurs messages vocaux d'accueil classiques. La porte s'ouvre, et Michel imagine déjà les visages blasés de ceux qui ont pu dépenser un peu plus pour se cotoyer.
Cependant, alors que le battant métallique se déplace lentement, aucune foule de passagers fatigués ne s'échappe du wagon. Un compartiment vide accueille Michel, qui reste immobile pendant quelques secondes, surpris.

Ce n'est qu'au moment où il décide de monter que son regard est attiré par un élément au sol, dans un coin solitaire de la cabine – et il se fige sur place.
C'est un bras... un bras humain.

***

Il a fallu une heure entière pour que les contrôleurs laissent Claude en paix. Il a fallu beaucoup d'explications, d'excuses et de supplications pour que les agents acceptent d'infliger «*uniquement*» une amende de plusieurs centaines d'euros. Elle a été réglée, directement par la carte de la société, mais ça ne les a pas calmés*; ils ont pu passer leur rancœur sur quelqu'un enfin coupable d'un crime qu'ils savent gérer, et ils ne s'en sont pas privés.
Claude évolue entre les sièges, serrant contre le torse deux bouts de valise sous les regards curieux et énervés de ceux qui ont tout entendu du remue-ménage. Son siège est encore loin, et il lui faut demander de l'aide afin de ranger les deux bouts de sac avant d'enjamber un passager bien trop imposant et fainéant pour faciliter la tâche.
Claude parvient finalement à s'installer, sentant la pression et la colère de tous ceux aux alentours. Un long soupir s'échappe de ses lèvres, alors que ses yeux se posent à l'extérieur*; les contrôleurs ont parlé suffisamment fort, et évoqué bien assez d'éventuels retards à cause de son arrivée impromptue, pour que les autres voyageurs canalisent leur inquiétude et leur lassitude sur la personne à l'origine de tout ça.
Son regard évite les autres, et se fixe sur la lune, déjà si haute et pleine dans un ciel de ténèbres. Claude est usée*: la pression, la fatigue, les objectifs, la course, l'agressivité ambiante... c'est beaucoup, et ce sera encore pire quand le voyage ne tournera pas aussi bien que ses chefs l'envisagent. Claude sait très bien que leur offre n'est pas assez bonne pour emporter le marché, et l'annoncer sera terrible – surtout à Dominique et aux enfants. Ils comptent sur son salaire depuis le licenciement de Dom'... quel enfer.
Claude sent un sanglot monter dans sa gorge. Son esprit veut penser à autre chose, s'échapper... la lune est si haute, oui... et elle n'a jamais été aussi troublante.


***

Un tiers des quais de la gare est fermé. Des cordons de sécurité ont été dressés sur des dizaines de mètre. Un quart des effectifs de police de la ville a été mobilisé, et se rapproche vers la zone pour la couper définitivement de la population.

Les agents SNCF ont été évacués, et sont tous interrogés pour les débriefer. Michel est en état de choc, et s'est muré dans le silence après avoir donné l'alerte.
La police lui accorde encore quelques minutes pour se reprendre, mais ça ne durera pas. C'est lui qui est rentré dans le train – c'est lui qui a découvert le charnier. Il doit parler.

Les voyageurs des huit wagons du train reliant Marseille et Paris ont été massacrés. Aucun survivant n'a été trouvé, et les équipes scientifiques se contentent pour le moment de construire un chemin entre les cadavres, les membres arrachés et les fauteuils anéantis. L'attaque s'est révélée être une monstrueuse boucherie, et n'a laissé apparemment aucun survivant.

Le Lieutenant Wagner n'a pas encore osé rentrer, mais il sait que ce moment approche. Il a été nommé «*chef d'expédition*» par ses supérieurs, trop terrifiés pour le lui annoncer en face, trop lâches pour y aller eux-mêmes.
Il doit en apprendre plus sur le massacre, découvrir des indices et savoir si l'origine de cet acte de terrorisme, comme l'appelleront bientôt les médias, se trouve toujours à bord. Pour le moment, les scientifiques sont protégés par plusieurs gardes armés, mais il va falloir s'enfoncer dans cet enfer – et c'est sur lui que c'est tombé.

«*Lieutenant Wagner, un mot avant votre départ.*»
Une voix de tonnerre brise le silence environnant derrière lui. Il se retourne et découvre deux silhouettes étranges, irréelles.
«*Et vous êtes*?*»
Une femme, un homme.
«*Cellule Spéciale. Nous prenons en charge l'affaire.*»
Elle petite, à la peau extrêmement pâle, aux cheveux courts et blonds comme le blé, quelques tâches de rousseur. Vêtue d'une robe verte inhabituelle pour la saison, avec des ballerines d'argent, elle pourrait être sublime si son visage n'était pas aussi triste et désespéré.
«*Quelle cellule spéciale*? Quelle autorité vous avez*? Qu'est-ce que vous me voulez*?*»
Jules Wagner est plus agressif que d'habitude, mais cette journée est pire que d'habitude. Ils ne peuvent pas espérer mieux de sa part.
«*La Cellule Spéciale. Une autorité supérieure à la vôtre. Nous voulons votre départ immédiat.*»
Lui terrible, grand, sombre. Une barbe hirsute, des cheveux touffus, des yeux sombres, l'allure d'un ours à peine humain. Chacun de ces mots est prononcé avec une force qui refuse toute contradiction. Il impressionne, et pousse Jules sans ménagement en se dirigeant vers la porte. Il glisse au passage une carte dans sa poche.

La carte, immédiatement ressortie, n'est qu'un bout de papier noir, avec deux cercles blancs au milieu, dont les bords se touchent au milieu.
Ni plus, ni moins. Wagner ne sait toujours pas qui est ce type qui rentre dans le wagon, sans qu'aucun de ses collègues ne l'en empêche. A ses côtés, la femme sort une tablette inconnue et se met à pianoter dessus comme une possédée.

Il ne sait pas qui ils sont, il ne sait pas ce qu'ils font... mais s'ils sont là pour prendre sa suite, et s'ils veulent visiter le charnier, il n'a aucune envie de se battre. Mieux vaut baisser la tête et jouer au bon soldat qu'insister pour découvrir vraiment cette boucherie. S'ils la veulent, qu'ils la prennent*!

***

«*Jay*?*»
La voix de Chloé résonne dans son oreillette. Ses chaussures l'avancent lourdement au milieu des cadavres et des membres tranchés. Ni cette vision, ni l'odeur ne le troublent alors qu'il visite déjà le deuxième wagon du train.
«*Mission en cours.*»
Il n'aime pas parler – cette manie lui est passée, en fait. Il s'est rendu compte que les mots sont bien trop précieux pour être gâchés dans des palabres inutiles, même si ce fut jadis son plus grand toc. Beaucoup de choses ont changé depuis ses longues diatribes.
«*La source doit être dans la prochaine rame. La tablette est en train de comparer la liste des passagers avec notre base de données, mais ça va prendre quelques minutes encore.*»
Il hausse les épaules et passe lentement sa main dans son abondante chevelure.
«*Cela te servira pour identifier son cadavre.*»
Sans la voir, Jay sait que Chloé serre les dents et fronce les sourcils. Elle ne supporte pas ce genre de réflexion.
«*Ce n'est pas ce qui nous a été demandé.*»
Ses mains se posent sur la porte coulissante menant au prochain wagon. L'électricité a été coupée, mais quelques mouvements brusques suffisent pour l'ouvrir définitivement.
«*C'est ce qui sera.*J'entre.*»

Marchant dans l'obscurité la plus totale entre les deux rames, il parvient finalement au milieu de nouveaux cadavres, de nouveaux sièges éventrés.
Ses muscles se bandent, ses mains se crispent avant même de sentir la créature. Ses réflexes et son instinct sont bien meilleurs que ses sens – qui ont vu de bien meilleurs jours. Il est loin d'être celui qu'il a été.

«*Sors.*»
Un feulement animal s'élève à quelques mètres. Le wagon est trop obscur pour qu'il puisse discerner la bête, mais il sait qu'elle est là – c'est pour elle qu'il est venu.
«*Tu as massacré des dizaines de passagers innocents.*»
Ses pas l'avancent lentement dans la rame, avec des bruits sourds et réguliers.
«*Tu n'as pas pu contrôler ta puissance. Ça arrive à chaque première transformation, mais jamais comme ça.*»
Son long manteau sombre glisse sur le sol à sa suite. Le feulement s'intensifie, quelques secondes avant que son regard ne capte deux yeux rouges à quelques mètres, le fixant avec des envies de sang.
«*Tu as dû subir une émotion brutale... je crois que vous dites stress aujourd'hui. Ta transformation n'était pas prévue aujourd'hui, et n'aurait jamais dû se produire ici. Elle peut se déclencher sous l'effet de la honte, de la colère, de la peur, de la fatigue... tu as vécu une mauvaise journée, je pense.*»

«*Jay, j'ai trouvé*: Claude Dufour, 32 ans, célibataire. Cadre dans une filiale de Bouygues, envoyée en mission pour décrocher un contrat. Elle... a eu une amende de 900 euros hier soir pour avoir endommagé le train. Elle a failli le rater, en fait.*»
Il s'arrête à trois mètres de la créature*; il sent son haleine, fétide, à chaque expiration.
«*Je la vois.*»
Ses yeux se sont habitués à l'obscurité. Il découvre enfin la créature*: haute de deux mètres, recouverte d'une épaisse fourrure, avec un crâne déformé par un immense museau et des dents acérées. La transformation en loup-garou est complète.
«*Jay, elle est forte – trop forte. Elle ne pourra pas changer avant plusieurs heures, et tu sais que la première fois est la pire. Sa puissance n'a pas d'égale, et toi... toi...*»
Chloé ne finit pas sa phrase*; ni elle, ni lui n'en ont besoin, ils savent ce qu'elle n'ose pas dire.

«*Je sais.*»
Elle a raison*: il n'aurait pas le temps de donner le premier coup que Claude l'aurait déjà décapité. La première transformation libère une énorme énergie, incontrôlable et instoppable. Le massacre du train n'a été qu'un simple échauffement.
«*Elle est forte – et elle le sait. Elle veut jouer avec moi, et elle veut me dévorer.*»
Ses poings se serrent, alors que ses yeux fixent le regard rouge de la bête. Il a déjà souvent affronté des loups-garous, toujours des femmes transformées par des aléas génétiques hérités d'ancêtres maudites. La lune agit comme un déclencheur sur certaines, et l'affaire doit être étouffée.
«*Elle me croit faible, et elle n'a pas tort. J'ai perdu tous ceux que j'ai aimés, tous ceux que j'ai créés. Qu'importe le lieu, qu'importe l'époque, j'ai vu ceux et celles que j'avais façonnés pour m'entourer disparaître. Hercule est mort. Amon n'est plus. Thalna m'a oublié. J'ai perdu Mjöllnir. L'Olympe a coulé.*»
Ses phalanges craquent quand il rouvre ses paumes. Sa respiration devient plus lourde, alors que la luminosité baisse peu à peu autour d'eux. C'est désormais son travail de l'arrêter – de chasser les monstres, après les avoir créés. Après en avoir été un lui-même.
«*J'ai porté les noms de Tinia, de Rê, d'Indra ou de Bhal, et je les ai tous salis.*»
La bête s'approche, déploie ses membres pour le frapper.
«*Mais, même affaibli, même vieux et usé...*»
Le ciel, bien au-dessus d'eux, est soudain sombre et terrifiant.
«*Je reste Jupiter.*»
Ses yeux deviennent bleus – d'un bleu vif et dangereux.
«*Roi des Rois.*»
Un bruit de fin du monde, un roulement terrible les entoure, et fait hésiter la créature.
«*Maître du Tonnerre.*»

Un éclair s'échappe des nuages, descend du ciel et frappe la gare. Il forme un trou terrible dans le toit, et vient s'écrouler entre lui et Claude, avec une puissance jamais vue depuis des années. Le choc les fait tous deux reculer, mais ses yeux fixent toujours la bête.
La créature recule, terrifiée, et se pelotonne contre le mur du wagon. Le feulement est remplacé par des jappements de peur, alors qu'elle n'ose le regarder en face.

«*Jay*! C'était quoi, ça*?!*»
La voix terrifiée de Chloé tambourine à son oreille.
«*Une démonstration.*»
La peur a changé de camp, maintenant. C'est agréable.
«*Et... et...*»
Il se détourne de la bête, et se dirige vers le précédent wagon.
«*C'est un animal, un loup : elle se soumet à plus fort qu'elle, comme dans toute meute. Et j'ai apparemment encore assez de puissance pour m'imposer comme le dominant entre nous. La crise est terminée..*»

***

Non loin, Chloé soupire et éteint son micro et son écouteur. Elle range sa tablette devant des policiers médusés, cherchant encore à comprendre ce qu'il vient de se passer. Elle se détourne d'eux, et se dirige vers l'autre bout du quai, les mains dans les poches.
«*Sa puissance a faibli, pas son ego.*»
Elle n'est pas surprise de découvrir à ses côtés une silhouette bien connue, qui n'était pas en ce monde la seconde d'avant. Un homme mince, de taille moyenne, engoncé dans un imperméable marron, marche avec elle. Son visage anguleux est caché derrière ses lunettes rondes et son chapeau Stetson, mais il est aisé de reconnaître Lord Corlatius, voyageur entre les mondes.
«*Le tien non plus. Je ne pensais pas que tu reviendrais ici... ils te cherchent. Les Sphères Unies veulent ta tête pour ce qui est arrivé à Oliver.*»
Il esquisse un sourire triste, marchant calmement avec les mains derrière le dos.
«*En effet, et ils l'auront quand tout sera terminé. Je viens vous demander de payer la dette que tu as contractée quand je t'ai sauvé de la Chute d'Elonar.*»
Elonar – le Royaume des Fées, anéanti par l'Enfant-Fou. Une pluie de souvenirs cauchemardesques s'écroule dans son esprit. Elle soupire, et se crispe en continuant d'avancer.
«*Je sais. J'espérais... mais j'ai toujours su que ce jour viendrait. Est-ce si grave*?*»
Son visage se tourne, et elle découvre dans ses yeux quelque chose qu'elle croyait impossible. La peur.
«*C'est la Guerre. Les armées sont constituées, et tu fais partie de la mienne. Et, que tous les dieux m'en sont témoins, je suis plus que désolé des horreurs que tu vas bientôt vivre, petite Clochette..*»

***

Il n'existe pas qu'une seule Terre – des dizaines, des centaines de mondes parallèles coexistent entre les dimensions dans le Multiverse.
Certains se ressemblent, certains n'ont rien en commun*; certains n'existent plus, certains viennent à peine de faire naître la Vie.

Seuls quelques êtres peuvent voyager entre les dimensions et les visiter.
Les Liktalzzz, un peuple de monstres qui œuvrent à l'annihilation de tout être vivant, peuvent glisser de monde en monde quand des fenêtres de transfert apparaissent sur leur planète, l'Anté-Monde.
Lord Corlatius, à contrario, lutte contre les Liktalzzz dans chaque dimension, se téléportant à sa guise et changeant d'hôte humain pour abriter son âme, le seul élément qui lui reste de son premier corps – celui du Roi des Liktalzzz, renversé par un coup d'état destructeur.

Sur chaque monde, Lord Corlatius, qui a désormais pris le parti de l'Humanité et développé un goût pour les imperméables, les chapeaux et les lunettes rondes, se cherche des alliés, des partenaires dans son conflit.

L'affrontement a désormais pris un nouveau tournant.
Les combattants se préparent, enfilent leurs armures, lustrent leurs boucliers. Les monstres sortent de leurs grottes.
La Guerre est déclarée. Personne n'y réchappera.

Plus d'informations sur Lord Corlatius ici : LIEN.

Dernière modification par Ben Wawe ; 25/01/2014 à 23h34.
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  #245  
Vieux 25/01/2014, 23h47
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C'est toujours aussi agréable de lire ta prose. Je suis surpris du changement de ton assez abrupte que prend ta nouvelle (je l'ai lu comme telle). Je ne m'attendais pas à cela mais plutôt comme un récit dans la veine de JC Grangé ou Frederic Thilliez. Cela méritera une nouvelle lecture à coup sur.

Well done


petites remarques de professionnel :


Le train est sur le point de partir, et les agents sur le quai s'en détournent déjà vers la salle de pause. : Pas possible Ben ils doivent attendre le défilé du train

Même si la compagnie est continuellement critiquée pour ses retards, ses tarifs, ses grèves, certains devraient se rappeler que la mécanique et la logistique pour permettre de tels déplacements sont de véritables miracles : c'est bien vrai

il s'approche d'un wagon de première classe : alors quand on parle d'un train de voyageur on dit voiture. Si c'est un train de marchandise on parle de wagon

Ses mains se posent sur la porte coulissante menant au prochain wagon. L'électricité a été coupée, mais quelques mouvements brusques suffisent pour l'ouvrir définitivement. : je pense que dans un cas comme cela l'électricité serait maintenue.

Elle... a eu une amende de 900 euros hier soir pour avoir endommagé le train : tu y va fort quand même.
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Vieux 26/01/2014, 00h04
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Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
Citation:
Posté par arrowsmith
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C'est toujours aussi agréable de lire ta prose. Je suis surpris du changement de ton assez abrupte que prend ta nouvelle (je l'ai lu comme telle). Je ne m'attendais pas à cela mais plutôt comme un récit dans la veine de JC Grangé ou Frederic Thilliez. Cela méritera une nouvelle lecture à coup sur.

Well done
Merci beaucoup ! Je suis très content que tu ais lu et apprécié.
Par curiosité, quand est selon toi le changement de ton ? J'ai essayé plusieurs petites choses sur cette nouvelle, donc je voudrais voir ce qui a fonctionné !

Citation:
petites remarques de professionnel :

Le train est sur le point de partir, et les agents sur le quai s'en détournent déjà vers la salle de pause. : Pas possible Ben ils doivent attendre le défilé du train
Exact, mais j'avais envie de montrer des agents fainéants et fatigués.

Citation:
Même si la compagnie est continuellement critiquée pour ses retards, ses tarifs, ses grèves, certains devraient se rappeler que la mécanique et la logistique pour permettre de tels déplacements sont de véritables miracles : c'est bien vrai
La pression de ma belle-famille, qui y travaille, a été trop forte.

Citation:
il s'approche d'un wagon de première classe : alors quand on parle d'un train de voyageur on dit voiture. Si c'est un train de marchandise on parle de wagon
Ah, merci, je ne savais pas !

Citation:
Ses mains se posent sur la porte coulissante menant au prochain wagon. L'électricité a été coupée, mais quelques mouvements brusques suffisent pour l'ouvrir définitivement. : je pense que dans un cas comme cela l'électricité serait maintenue.
J'ai hésité, j'avoue. J'ai simplifié et voulu montrer la force surhumaine du personnage, avant la révélation du nom.

Citation:
Elle... a eu une amende de 900 euros hier soir pour avoir endommagé le train : tu y va fort quand même.
J'avoue humblement ne pas connaître les tarifs, mais j'avoue que ça doit être fort... peut-être pas autant, mais au moins 500 € à mon sens.

Merci de tes remarques constructives !
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  #247  
Vieux 26/01/2014, 00h17
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Citation:
Posté par Ben Wawe
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Par curiosité, quand est selon toi le changement de ton ? J'ai essayé plusieurs petites choses sur cette nouvelle, donc je voudrais voir ce qui a fonctionné !
Pour moi (et cela n'engage que moi) j'ai vu 2 moments précis qui m'ont fait basculer de l'ambiance polar à celle plus fantastique :

- la première c'est quand il y a accumulation d'un champ lexical assimilé aux Dieux car ils n'ont pas tous avoir entre eux :

Citation:
Hercule est mort. Amon n'est plus. Thalna m'a oublié. J'ai perdu Mjöllnir. L'Olympe a coulé.*»
Ses phalanges craquent quand il rouvre ses paumes. Sa respiration devient plus lourde, alors que la luminosité baisse peu à peu autour d'eux. C'est désormais son travail de l'arrêter – de chasser les monstres, après les avoir créés. Après en avoir été un lui-même.
«*J'ai porté les noms de Tinia, de Rê, d'Indra ou de Bhal, et je les ai tous salis.*»

- forcement l'apparition de Lord Corlatius car on pouvait finalement encore se raccrocher à l'idée d'un polar bien sombre et horrifique :

Citation:
mais il est aisé de reconnaître Lord Corlatius, voyageur entre les mondes
Belle maitrise.
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  #248  
Vieux 26/01/2014, 00h30
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Ca a donc fonctionné.
J'ai voulu clairement brouiller les pistes, autant sur le domaine de la nouvelle (polar, fantastique, Corlatius) que sur quelques détails (l'identité des deux "nouveaux", le sexe de Claude), pour un petit "mystère".

Merci beaucoup en tout cas !
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  #249  
Vieux 29/04/2014, 23h48
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Un texte dont le titre est un cri du coeur, et dont le contenu est conforme à mon style, que j'espère direct, simple, avec une fin à chute et une volonté d'hommage au classique.
Bonne lecture, et rebonjour à tout le monde.

Je ne suis pas mort

Je ne suis pas mort.
Le 4x4 Chevrolet Blaker frôle de près le vide, mais le chauffeur se reprend et le ramène au milieu de la minuscule route montagneuse. Les phares éclairent à peine le chemin de terre, et je sens que le véhicule tangue beaucoup trop. La faute à la demi-douzaine de bouteilles de bière bon marché qui trône aux pieds de mes deux chauffeurs.

Ces derniers sont saoul, mais semblent pouvoir encore tenir le volant et rester éveillés. Ils parlent d’une voix fatiguée, le regard figé sur la route et les mains crispées. L’atmosphère est lourde, âpre, et ma gorge est agressée par les relents d’alcool et de tabac. Tony et Eddie préfèrent fumer les fenêtres fermées, et ils sont suffisamment fatigués pour se construire un joli cancer en enchaînant les cigarettes.

Le 4x4 passe dans un nid de poule, et je ressens le choc dans mes fesses. J’ai envie de bouger pour me masser, j’ai envie de retirer les cheveux qui gênent ma vue. J’ai envie de me lever un peu et de demander une pause pipi.
Mais le bâillon dans ma bouche et les liens de plastique qui enserrent mes chevilles et mes poignets m’en empêchent.

***

Je ne suis pas mort.
Tony réveille Eddie qui vient de s’assoupir, quelques secondes avant un choc définitif contre la paroi rocheuse. Un rire gras s’échappe de leurs gorges, rapidement éteint par de longues gorgées de bière. Deux nouvelles bouteilles rejoignent rapidement leurs grandes soeurs, alors que l’accélérateur est enfoncé ; le 4x4 rugit à nouveau. Nous accélérons.

Ils m’ont enlevé il y a deux heures. Ils sont arrivés sans prévenir, alors que j’étais en train de me raser dans ma salle de bain ; je crois que j’ai encore un peu de mousse à raser sur la joue, et mon caleçon est à l’envers. Eddie m’a forcé à m’habiller à la hâte, son arme sur la tempe. Tony vérifiait à l’extérieur qu’aucun de mes voisins n’ait eu la très mauvaise idée de sortir les poubelles ou son chien pendant que j’étais propulsé à l’arrière du véhicule.

Hélas, personne n’a été là pour m’aider, pour appeler les autorités. J’ai été enlevé, et j’essaye de me persuader que tout ça n’est qu’un leurre, un grossier montage pour me faire parler et avouer où se trouve la mallette que je n’ai pas livrée à temps.
Mais leurs gestes naturels, la banalité de leurs actes et une destination à l’écart… je sais ce que ça veut dire. Ils ne veulent pas me faire parler - ils ne veulent plus que je parle.

***

Je ne suis pas mort.
Eddie a allumé la radio et tous deux lâchent quelques commentaires lourds sur les informations. S’ils sont intéressés par les résultats des sports, et les défaites à répétition de leur équipe de football préférée, ils sont bien sûr silencieux sur le résultat des négociations au Moyen-Orient ou sur une mystérieuse explosion dans un centre militaire dans l’Etat voisin… de vrais débiles.

Je ne suis même pas sûr qu’ils savent ce qu’il y a dans la mallette que j’ai cachée à leur patron, mais je ne suis même pas sûr que ça les intéresse. Ce sont des brutes typiques, engagées par des gens peu fréquentables avec qui j’ai eu la bêtise de fricoter. Je sais que j’aurais dû jouer franc-jeu, mais la tentation de gagner plus était trop grande… je suis devenu gourmand, et j’apprends là que la Monroe-Suzuki-Terrier-Etouhaa-Ramenberg Corporation ne l’accepte pas.

Maintenant, je suis prêt à jouer le jeu, à suivre les règles et à rendre la mallette pour obtenir les deux cent mille dollars qu’on m’a promis. Je suis prêt à tout oublier, à tout rendre si on me laisse partir, même en haut de cette fichue montagne.
Mais voir Tony charger son arme, et vérifier celle d’Eddie, puis préparer des silencieux et un grand sac pouvant contenir un corps me fait comprendre que c’est trop tard. J’ai déconné.

***

Je ne suis pas mort.
Eddie m’a sorti du 4x4 et jeté sur le sol sale et aride. Je ne sais pas bien où je suis, et la nuit est si sombre que je ne repère rien. Tony m’a arraché mon bâillon, mais la douleur sur mes lèvres est trop forte : parler m’est impossible. Je baisse les yeux, incapable de les regarder en face ; l’odeur de mon urine se mêle à une puanteur âpre tout en haut de la montagne.

Tous deux discutent du futur match des Hawks, en installant les silencieux sur leurs armes. J’essaye de baragouiner quelques mots, de les supplier, de leur dire où j’ai caché la mallette, mais ça ne les intéresse pas. Je glisse un regard vers eux, moi qui suis à genoux à quelques mètres, et ils ne me regardent même pas. Je ne suis pas vraiment là pour eux, même pas un homme digne de leur attention et de leur écoute.

Je pleure, je rampe, j’essaye d’avancer et d’attraper leur regard. Je veux les forcer à me voir, les forcer à voir en moi un foutu être humain… je sais que ça ne sert à rien face à deux psychopathes comme eux, mais je ne veux pas mourir comme ça. Pas sans me battre.
Mais Eddie et Tony finissent par s’accorder sur un pari pour le match de la semaine prochaine, et se serrent la main en signe d’accord. Ils se tournent vers moi, et appuient sur la gâchette.

***

Je ne suis pas mort.
Je suis en train de mourir.

Je sens la vie quitter mon corps, et c’est la seule chose que je crois sentir encore. Le choc des deux balles m’a propulsé en arrière, mais je n’ai presque plus de douleur, ni de sensation.
Je suis allongé sur le sol, entre les cailloux. Du sang coule de ma poitrine, et je me mets à tousser sans comprendre pourquoi. Ma respiration devient plus difficile à chaque instant, et ma vue se brouille. Je tremble… j’ai peur.

Je suis en train de mourir. Je ne peux rien faire.
Je vois Eddie et Tony s’approcher, ils discutent encore mais je n’entends plus rien. Ils me regardent enfin, s’intéressent finalement à moi… pour se débarrasser de moi.
C’est terminé. J’ai déconné, et j’espère juste que ce sera rapide. Que toutes les sensations vont finir par disparaître, que je ne tousserai plus - que je ne souffrirai plus.

Et ça fonctionne. Eddie s’accroupit, et je n’ai plus que la vue maintenant. Tout le reste a disparu, et je sens une sorte de paix s’emparer de moi.
Je vais bien. Je vais aller mieux… il suffit juste que la vue disparaisse. Que tout disparaisse. Que la faim disparaisse.

Eddie se penche vers moi pour écouter ma respiration, et vérifier que je suis mort. Sans comprendre, je propulse ma tête en avant et arrache son oreille.
Le cartilage craque sous mes dents, le sang coule entre mes dents et dans ma gorge, la chair est brisée par ma machoire. Un hurlement de douleur et d’épouvante s’échappe d’Eddie, qui essaye de se dégager, mais j’ai réussi à briser mes liens sans savoir comment.

Lentement, je me relève et m’approche d’eux. Eddie essaye de ramper vers Tony, et Tony essaye de se défendre en me tirant dessus. Une, deux, trois, quatre balles sont expulsées de son arme vers moi.
Je les prends toutes - je continue d’avancer.

Je ne sais pas ce qu’il se passe, je ne sais pas ce que j’ai, mais j’ai une demi-douzaine de balles dans le corps et je continue d’avancer. Mon esprit se trouble, penser… penser devient difficile, et penser devient accessoire.
Un pas après l’autre, même si c’est difficile. Les mains en avant, la bouche ouverte. J’avance. Je ne pense plus - je ne comprends plus. Je dois juste avancer, vers eux… vers leur chair.

Un enlèvement. Six balles. Une exécution.
Mais je suis debout - sans comprendre pourquoi, sans vouloir comprendre pourquoi.

J’ai été assassiné.
Mais je ne suis pas mort.
Et j’ai faim.
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  #250  
Vieux 29/04/2014, 23h58
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J'ai laché mon roman pour te lire et je ne suis pas déçu. On sent bien ta rage et ta volonté d'en découdre. Texte brillant encore une fois.

Welcome back, Ben
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  #251  
Vieux 30/04/2014, 00h00
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Merci. Content que le truc ait fonctionné, et que la chute soit bien équilibrée (enfin, je crois que je l'ai bien réussi, là).
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  #252  
Vieux 30/04/2014, 11h25
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Vieux 30/04/2014, 17h30
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excellent !
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  #254  
Vieux 30/04/2014, 21h16
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Merci également à vous deux.
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  #255  
Vieux 11/08/2014, 21h47
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Un récit plus long, toujours dans la même thématique.
Bonne lecture.

***

Détective privé 2.0

"Ah, je suis désolée… je n'aurais jamais dû vous appeler."
Elle murmure, les yeux rivés sur sa tasse de café. Les mains glissées dans ses longs cheveux blonds, son visage résume son état : elle est déboussolée, dépassée.
"Détendez-vous… mademoiselle ? Ma soeur ? Je m'excuse, je ne sais pas comment…"
Ma voix est douce, posée. J'affiche le sourire rassurant et cordial que j'ai appris à adopter lors de chaque entrevue avec un client ; c'est idéal pour mettre en confiance.
"Ma… mademoiselle suffira. Je ne prononce mes voeux que dans huit jours…"
Ses mots ne sont qu'un souffle, perdus dans le brouhaha ambiant. Il est dix-huit heures treize, les fonctionnaires et employés de bureau finissent leur journée et viennent se détendre dans ce genre de pub avant de rentrer chez eux.
"D'accord. Mademoiselle, je pense que vous avez bien fait de m'appeler : vous avez besoin de réponse, et je peux vous aider à les trouver."
Contrairement à ce que la majorité des gens pense, une discussion dans une atmosphère silencieuse, entre deux personnes seules, ne facilite pas les confidences. C'est au milieu d'une foule, avec beaucoup qui discutent autour, que les gens peuvent plus aisément faire des révélations qui leur seraient plus difficiles dans une ambiance feutrée, où chaque mot est plus dur à prononcer et à entendre.
"Je… peut-être. Je ne sais plus, Monsieur Constantin. Je ne sais plus quoi faire."

Et elle continue son histoire, que je retranscris sur mon petit ordinateur portable, en veillant à ne jamais quitter son regard. Prendre de bonnes notes, synthétiques, rapidement et en maintenant le lien visuel avec le client, ça fait partie des fondamentaux du boulot.
Elle s'appelle Mary Jordan, vingt-et-un ans d'une vie entièrement dédiée à Dieu. Elevée dans un orphelinat catholique pauvre après avoir été abandonnée devant l'entrée sans un mot des parents, elle a décidé de devenir nonne pour respecter ses croyances, et vivait jusque-là une vie idéale, en plein respect de ses valeurs et dans le milieu qu'elle a toujours connu.
Cependant, il y a une dizaine de jours, Mary Jordan a été contactée par un homme qui se prétend son père et qui voudrait lui offrir tout ce dont elle a toujours manqué… si elle renonce à sa vie religieuse. Sans donner plus d'explication sur ce rejet définitif de la vocation de sa prétendue fille.
Et Mary Jordan, qui souhaitait entrer dans un couvent rigoriste où tout contact avec l'extérieur est interdit, doute suite à cette étrange révélation. Doit-elle continuer l'oeuvre de sa vie, repousser ses voeux pour connaître un père qui a refusé de fournir jusque-là toute explication sur son absence ? Faire confiance à un inconnu, et bouleverser entièrement son existence ? Ou regretter à jamais ?

"Je… je suis perdue, Monsieur Constantin. J'ai l'impression que tout s'écroule…"
J'acquiesce, et laisse un petit silence s'installer. C'est elle qui doit demander, maintenant. Ce sont toujours les clients qui doivent formuler leurs demandes, pour qu'ils ne me reprochent pas, par la suite, de les avoir forcés à me confier une enquête.
"Est-ce que… est-ce que vous pouvez… faire quelque chose ? Me… m'en dire plus sur lui ?"
J'offre mon meilleur sourire, plus grand et chaleureux, pour lui répondre. La mettre en confiance, toujours.
"Je peux, Mademoiselle Jordan. Je peux chercher quelques informations et vous les livrer, pour vous aider à prendre la meilleure décision pour vous."
Mary essuie quelques larmes qui coulaient silencieusement sur ses joues blêmes, et esquisse un semblant de sourire.
"J'aurais des résultats rapidement, je vous les présenterais avant… avant. Nous nous retrouverons ici, si ça vous convient."
Elle acquiesce pendant que je range mon ordinateur dans sa pochette. Les voeux sont dans huit jours… il faudrait livrer les informations dans cinq, maximum.
"D'a… d'accord… mais… enfin, c'est un peu bête. Nous ne regardions pas beaucoup la télévision quand j'étais petite, et je n'ai plus rien vu depuis… des années, mais… enfin, j'avais en tête l'image d'un détective privé, dans son bureau, et… enfin, l'image héroïque, vous voyez, du détective privé un peu romantique… prêt à tout pour la vérité…"
Je laisse filer un petit rire, presque un gloussement. La question classique - j'ai abandonné l'espoir de ne plus l'entendre, je préfère me demander quand les clients auront le courage de la poser.
"Je comprends. La profession souffre d'une image classique, clichée, véhiculée par les films policiers et les séries télévisées. Si mes prédécesseurs avaient des bureaux sales, fumaient de gros cigares, employaient des secrétaires sexys et enfonçaient leurs carcasses usées et alcooliques dans de longs manteaux, ce temps est révolu."
Je tapote sur le dos de mon ordinateur portable, avant de le ranger dans mon sac à dos de cycliste.
"Je ne fume pas, je gère seul mon agenda et mes dossiers, je n'utilise que mon vélo en ville pour lutter contre l'obésité morbide américaine et pour éviter les transports en commun. Tout ce qui m'est utile se trouve dans ce petit ordinateur, et je suis mobile : je peux me déplacer partout pour aider mes clients ; de ce fait, je n'ai aucun bureau. Je suis un détective privé 2.0, si vous voulez."

Mary Jordan rit, comme ces gens suffisamment polis pour faire semblant de comprendre une blague qui ne les intéresse pas.
Nous nous séparons avec quelques banalités, et je la regarde s'éloigner, engoncée dans sa longue robe sombre, les yeux rivés au sol. Pauvre petite. Sa vie était parfaite, entièrement réglée et filait vers une issue idéale pour sa vision de l'existence. Hélas, l'arrivée d'un père inconnu bouleverse tout, et je comprends son hésitation.
C'est maintenant à moi de prendre la suite, de trouver les renseignements suffisants sur Monsieur Anton Ramenberg, industriel surgi de nulle part. Je dois comprendre pourquoi, et qui il est vraiment. Pauvre petite. Je lui ferais peut-être une ristourne, si je finis vite.

*

Les trois jours qui suivent me permettent d'obtenir les deux tiers des informations nécessaires à la décision de Mary Jordan.

Vu l'urgence de la mission, je mets de côté les deux autres enquêtes qui sont encore en cours.
J'ai déjà obtenu les preuves de l'adultère de la femme d'un conseiller municipal local : il me suffira de nettoyer l'image et de finir le montage des images issues de la micro-caméra installée à leur domicile pour terminer le dossier demandé par le client ; il pourra régler la facture du gigolo que j'ai embauché pour séduire sa femme, et avoir le divorce que sa maîtresse exige depuis plusieurs mois.
Enfin, concernant la disparition du compagnon d'une employée d'assurance, j'attends un peu avant de lui révéler son départ pour l'Europe. J'ai bon espoir qu'il revienne après avoir été largué par sa maîtresse beaucoup trop jeune, et beaucoup trop intéressée par son compte en banque. Avec un peu de chance, il pourra inventer une bonne excuse, à base d'enlèvement et de rançon, et tout pourra redevenir à la normale entre eux.
Mensonges, sexes, manipulations. Le gagne-pain des détectives privés.

Ces trois premiers jours suivent la routine habituelle des enquêtes : recherches sur Internet sur la cible, recherches sur les logiciels bloqués des banques de données du Gouvernement, recherches sur la véracité des informations trouvées dans les banques de données.
Et ce que je trouve ne me plaît pas.

Anton Ramenberg, cinquante-six ans, associé principal de la Monroe-Suzuki-Terrier-Etouhaa-Ramenberg Corporation, gigantesque conglomérat qui trempe dans la majorité des affaires financières de Wall Street. En lien avec l'Armée Américaine, l'O.T.A.N. et des compagnies de mercenaires ; détient de nombreuses parts dans des sociétés pharmaceutiques ; a participé au financement initial de Facebook et d'Amazon.
Le père prétendu de Mary Jordan est un des maîtres d'une société qui domine le monde. Et je ne trouve rien sur lui avant 2009, quand la Bourse a livré un grand nombre d'explications sur les principales entreprises responsables de la Crise financière. Si la Corporation n'a pas été parmi les coupables, elle a été obligée de révéler son existence aux yeux de tous, et les associés ont commencé à fournir quelques interviews dans la presse pour justifier la puissance et la "bonne conduite" de leur organisme.

Or, même les entreprises les plus secrètes, même les entrepreneurs les plus discrets laissent des traces. Universités, clubs, associations d'anciens élèves, compétitions sportives… les gens laissent des traces, et tout se retrouve en ligne, même les archives.

Et il n'y a rien sur Anton Ramenberg. Ni sur aucun autre de ses associés.

C'est comme si chaque associé de la Corporation n'était apparu qu'en 2009, comme si aucun d'entre eux n'avait eu d'existence avant la Crise et l'obligation faite à Wall Street et à ses maîtres d'en dire un peu plus.

A ce jour, je n'ai aucune information véritable à donner à Mary Jordan. Je ne sais pas si Anton Ramenberg a pu avoir une fille vingt-et-un ans plus tôt, s'il a pu l'abandonner ; je ne sais pas si c'est un homme de bien, ou si c'est un manipulateur. Je ne sais pas pourquoi il a contacté cette jeune fille, et si elle doit le fuir ou lui donner sa chance.

C'est pour ça que j'ai décidé de mettre le quatrième jour pour rencontrer directement Anton Ramenberg. J'ai pénétrer le logiciel interne de l'agenda de sa Corporation, et j'ai décalé des rendez-vous pour bloquer une entrevue entre lui et moi en milieu de journée.
J'aurais enfin des réponses, en voyant directement qui est ma cible. Je pourrais fignoler le dossier pour le lendemain, et finir à temps. Parfait.

*

"Je ne pense pas avoir bien saisi votre nom, ou la raison de votre présence ici."
Sa voix est mielleuse, troublante. Chacune syllabe est prononcée avec lenteur, et avec un léger accent européen. Allemand, ou plus à l'Est peut-être.
"Je m'appelle Byzance Constantin, Monsieur Ramenberg. Je suis ici pour une interview pour un magazine en ligne."
Il acquiesce calmement, les mains parfaitement calmes, posées à plat sur le sous-main de son bureau qui vaut quinze fois le montant de la maison de mes parents. Je ne l'aime pas.
"Byzance Constantin… quel étrange patronyme… de quelle origine êtes-vous ?"
Il change de sujet, et m'offre un sourire étrange, où je n'aperçois aucune dent. Son crâne est chauve, mais sa peau est tellement frippée que j'ai l'impression que sa chair a été retirée de son corps, puis roulée sur plusieurs mètres, avant d'être remise sur ses os. Le résultat est troublant, surtout avec son costume dépassé, qui rappelle plus le début du XXe siècle que le style classique et habituel des businessmen actuels.
"Monsieur Constantin ?"
Il ne bouge aucun muscle - absolument aucun. C'est ce qui me trouble le plus, je crois. Cet immobilisme total. Je dois me reprendre, et arrêter de le fixer, de trouver de nouveaux bizarreries pour reprendre mes questions et l'interroger.
"Oh, ça… oui, j'utilise rarement mon prénom, il déclenche de nombreuses questions. Mes parents se sont rencontrés au début des années 70, et m'ont conçu après de nombreux abus d'alcool… ils ont choisi mon prénom en planant avec de la drogue turque. Byzance est l'ancien nom d'Istanbul, comme Constantinople, nommée ainsi par l'Empereur Constantin. Mes parents étaient persuadés qu'accoler tout ça serait cool. Ca ne l'est pas, mais tout le monde doit assumer les choix de ses parents... d'ailleurs, pour reprendre l'interview, une question classique mais incontournable : avez-vous une famille, Monsieur Ramenberg ?"
La transition est grosse, mais ça me permettra de reprendre le cours de l'enquête. Je dois en savoir plus sur ce type, et savoir si son passé rend crédible la conception et l'abandon de Mary Jordan. Le plus dur sera de me passionner pour l'histoire d'un homme comme lui.

Il impose soudainement un lourd silence entre nous, Ramenberg refusant de me répondre. J'accepte sa décision, mon regard fixé sur lui, attendant son bon vouloir. J'ai tout mon temps, et je ne céderai pas ; je dois obtenir ces réponses, c'est pour ça qu'on me paye, et c'est pour ça qu'on me paye bien.

"Je suis bien le père de la petite Mary, Monsieur Constantin."
Si je suis habitué aux surprises, aux rebondissements, je ne réussis certainement pas à cacher ma stupéfaction. Mes yeux ronds restent fixés sur lui, alors que son sourire s'étend et révèle désormais sa dentition complète ; chacune de ses dents est tellement pointue qu'on dirait de véritables crocs. C'est terrifiant.
"Je l'ai bien abandonné devant l'orphelinat, il y a une vingtaine d'années. J'ai volontairement refusé tout contact avec elle, et j'ai volontairement attendu ce moment, quelques jours avant ses voeux, pour revenir dans sa vie. C'est, je crois, ce que vous vouliez me demander, non ? Je préfère aller directement à ce sujet, et éviter vos maladroites tentatives d'influence et de manipulation."
Ma bouche est sèche, mes mains tremblent et je me trémousse sur mon siège. J'ai déjà été dans des situations difficiles, mais j'ai toujours réussi à trouver une échappatoire ; là, je n'ai pas encore réussi à en trouver une, piégé dans ce bureau hors de prix en face d'un prédateur.
"Vous avez été engagé par ma petite Mary, et vous espérez lui donner dès demain le résultat de vos recherches. A ce jour, vous ne savez pas si mes intentions envers elle sont pures ou non. Je vais vous aider, Monsieur Constantin."

Je cligne des yeux, et tout change.
Quand je rouvre les paupières, Anton Ramenberg a disparu de son bureau. Je m'avance sur mon fauteuil, mais deux mains puissantes et gelées bloquent mes épaules. Une haleine fétide, terrible, agresse soudainement mes narines. Une voix mielleuse et troublante vient alors à mes oreilles, et me fait trembler l'échine.

"Elles ne sont pas pures, Monsieur Constantin."
Il est derrière moi. Je ne sais pas comment il a fait, mais il est derrière moi.
"Mary est mon enfant, et j'ai voulu qu'elle mène une existence de religieuse, qu'elle épouse la Foi la plus rigoriste, la plus pure. J'ai forgé, de loin, son désir de devenir nonne, et je suis volontairement intervenu dans son existence pour la faire douter. Pourquoi, n'est-ce pas ? Comment ? Ce sont les questions qui hantent votre esprit, je le sais."
Il… il a raison. J'en tremblerais, si mon corps n'était pas déjà ponctué de spasmes parce que sa langue froide et râpeuse lèche l'arrière de ma nuque. Insupportable.
"Nous ne sommes pas semblables, Monsieur Constantin. Nous ne sommes pas de la même race. Mes objectifs sont trop éloignés des vôtres, de votre conception de l'existence… mais je puis vous éclairer. Vos minables tentatives pour venir ici, pour trouver la vérité sont inutiles, mais touchantes."
Ses ongles s'enfoncent dans ma chair. Je grimace de douleur, en essayant de retenir un hurlement de rage.
"Je veux troubler Mary, Monsieur Constantin. Je veux ravager son esprit, je veux qu'elle ne sache plus quoi faire - et je veux la cueillir. Je veux lui montrer ma vraie nature, lui proposer le Baiser Rouge et la renvoyer dans son couvent. Elle passera son existence rongée par le doute, par la peur de devenir comme moi, tout en sachant que je suis déjà une partie d'elle. Et, dans ce couvent si rude, si protégé, il y aura un ver dans le fruit… et cela me comblera de bonheur. Tout simplement parce que je peux souiller une nonne à la Foi aussi pure."

*

La suite est floue.

Après ces quelques mots d'Anton Ramenberg, le seul souvenir véritable que j'ai est mon réveil dans mon appartement, sur mon lit. Entouré par mon sac, mon ordinateur, mon vélo - comme si tout était normal, comme si je m'étais simplement endormi en travaillant.
Ce n'est pas le cas.

Ca fait une semaine, maintenant, que j'ai rencontré Ramenberg. J'ai livré, il y a peu, les rares informations que j'avais à Mary Jordan ; elle a été déçue par mes faibles résultats, et je ne lui ai rien fait payer.
Je ne lui ai rien dit. En fait, je n'ai rien osé dire.

Je ne sais pas ce que j'ai vraiment vu ou entendu chez Ramenberg, mais je sais que j'ai découvert deux traces sur ma nuque - deux morsures. Profondes, encore sanglantes et douloureuses.
Je ne sais pas qui est vraiment Anton Ramenberg, mais je sais que je n'ai pas à continuer mes recherches sur lui. Cet homme est dangereux… si c'est un homme.

Je n'ai rien dit à Mary Jordan, mais j'ai… des flashs. Des bouts d'image, des bouts de souvenirs et de ressentis après mon entrevue avec son père.
Une orgie. Du sang. Des femmes et des hommes, nus et en plein coït. Du sang. Des lames. Des cris. Du plaisir. Du sang. Toujours du sang… et des tortures, et du sexe, et mon corps obligé de suivre toutes les exigences, toutes les horreurs voulues par Ramenberg. Avec, le long des murs, des caméras qui filmaient toutes les scènes.

Rapidité inhumaine. Dents en formes de crocs. Contact gelé. Griffes à la place des ongles. La connaissance de la moindre de mes pensées. Deux traces de morsure. Une orgie de sang et de sexe, où je crois me souvenir qu'il a bu le sang de plusieurs jeunes femmes.
Je… je ne sais pas si je peux arriver au bout de mon raisonnement. Je ne sais pas si j'en ai vraiment envie.

Je n'ai rien dit à Mary Jordan, et je l'ai laissé seule dans cet enfer. Je sais que Ramenberg va la recontacter, qu'il va la harceler et finalement la laisser partir après lui avoir révélé sa… nature. Et je sais que ça la rendra folle.
Mais je ne lui ai rien dit.

Je n'en ai pas le courage : je ne m'occupe que des adultères et des retrouvailles. Face à quelqu'un comme Ramenberg, je préfère m'enfoncer dans la peur et l'ignorance plutôt que d'aider une innocente. On ne se refait pas : je ne suis pas un détective privé "à l'ancienne", je ne suis pas un héros de film ou de série qui se battra jusqu'au bout pour une bonne cause.
On n'est plus comme ça. Je suis… juste un détective privé de ce temps. Un vrai détective privé 2.0 ; ce n'est pas le modèle des héros. On ne peut pas me demander de forcer ma nature - de forcer le modèle.
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