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  #166  
Vieux 11/02/2009, 19h16
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Donne-m'en un demain.
Merci en tout cas. J'appréciais beaucoup les séries que tu évoques et c'est souvent vers ça que je veux m'orienter : des petites histoires bizarres, aux fins surprenantes pour finalement avoir un fond pas forcément toujours très fort (même si j'essaye, maladroitement, de "passer" quelques choses) mais un plaisir à l'écriture et je l'espère à la lecture.

Bon, voir tous ces gens me lire aujourd'hui, ça me fait tout plaisir.

EDIT : et mon texte s'excuse de t'avoir blessé ; mon texte va se suicider pour cette honte.
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  #167  
Vieux 11/02/2009, 20h19
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Il y a souvent une réflexion dans tes textes, et c'est plutôt bien... (tu te contente pas de raconter des histoires de zombies qui bouffent du paysan médiéval toi au moins...).
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  #168  
Vieux 12/02/2009, 14h19
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Je l'ai fait aussi !
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  #169  
Vieux 12/02/2009, 15h06
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EDIT : et mon texte s'excuse de t'avoir blessé ; mon texte va se suicider pour cette honte.
Pas la peine j'ai presque plus mal
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  #170  
Vieux 12/02/2009, 15h37
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Il est déjà loin, devenu cendres de flammes honteuses et désespérées.
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  #171  
Vieux 12/02/2009, 15h40
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Et tu fais comme Paul Sheldon dans le roman Misery je présume? Aucune autre version n'existe?
Je suis Annie Wilx !
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  #172  
Vieux 12/02/2009, 16h00
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Je ferais comme Joseph Smith, je donnerais la même histoire avec une version différente car Dieu le veut.
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  #173  
Vieux 03/04/2009, 00h56
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Hop, grâce à Steuf! j'ai eu l'envie d'écrire une histoire un peu steampunk : ça a dérivé et donné ça. Je n'en suis pas trop mécontent.

Toujours un prix.

2 avril 2009.

« Quelle heure est-il ?
- Moins le quart.
- De quoi ?
- Moins le quart.
- Oui mais moins quart de quelle heure ?
- De quatre.
- Il est quatre heures moins le quart ?
- Ouais.
- Du matin ?
- De l’après-midi. T’as ‘têt trop bu, toi. Et pas assez dormi. »

Warren se cogna le front en se levant trop vite de son lit superposé : un grognement de douleur accompagna sa rapide descente de l’échelle pour sauter sur le sol sale de la chambre de six mètres carrés qu’il partageait avec Louis, son collègue de jour qui le regardait comme toujours étrangement. Warren boutonna sa salopette bleue qu’il n’avait pas quitté depuis trois jours ; encore quatre et il pourrait la mettre au sale et en récupérer une autre. Pour le moment, l’odeur n’était pas encore insupportable, il avait de la chance : d’habitude, c’était une torture dès le milieu de la deuxième journée.
Malheureusement, il semblait que la chance ne soit pas plus présente ; il était en retard et ne prit même pas le temps de prendre son petit-déjeuner, composé d’une soupe de pois et d’un vague jus qui n’avait d’orange que le nom. Encore de la sous-marque en provenance d’Asie, mais c’était tout ce qu’ils pouvaient se payer.

Sans même saluer son collègue qui s’était couché sur son lit après ses onze heures trente de travail, Warren passa la porte et se dépêcha de sauter dans le long escalier de leur résidence. Le bâtiment avait été construit six ans auparavant mais puait déjà la pisse et l’abandon de l’espoir. Ceux qui vivaient ici savaient très bien quelle existence ils devaient mener, et l’acceptaient jusqu’à ce qu’ils en finissent. Warren passa à l’étage des prostituées puis termina sa course sur le palier de l’immeuble. Il avait fait en moins d’une minute la descente de six paliers, c’était impressionnant…mais peut-être pas assez pour avoir son train.

Il continua de courir, espérant que ses poumons fatigués par la cigarette et les fumées de l’Usine tiendraient encore. Il n’avait que vingt-six ans mais en semblait quinze de plus, comme à peu près tous ceux de son immeuble. Warren était une des Petites Mains de l’Usine, ceux qui travaillaient quasiment douze heures par jour sans relâche pour un salaire de misère et le « droit » de vivre dans un des bâtiments de la Compagnie, moyennant la moitié de leurs revenus, bien sûr.
Il savait très bien que c’était injuste et horrible, mais il ne pouvait faire rien d’autre ; malgré la pisse, malgré les maladies transmises par les prostituées du premier étage, malgré Louis qui avait parfois les mains baladeuses la nuit, il était toujours mieux traité que ceux vivaient dans les égouts et plus généralement au niveau inférieur, qui mangeaient rats et déjections pour survivre. Jamais il ne pourrait élever son niveau de vie – c’était réservé aux Grands Yeux et aux Beaux Esprits –, il ne pouvait donc que se battre pour garder ce qu’il avait.

Un siècle plus tôt, des hommes et des femmes s’étaient battus pour plus d’égalité dans le monde : l’Amérique s’était soulevée, bientôt suivie par la France. Malheureusement, tout ça avait disparu : le XIXe siècle n’avait pas su relever les défis de la fin du XVIIIe, et alors qu’ils approchaient bientôt du XXe, Warren savait que rien ne changerait. Le Fer règnerait toujours et la Vapeur continuerait ses avancées : on parlait de plus en plus de machines censées joindre les continents pour que les automobiles puissent passer de l’un à l’autre sans trop de souci, avec en plus des possibilités pour aller dans des « royaumes souterrains ». Avec des gens comme Von Horlow et Gallach, la Science semblait sans limite…du moment qu’elle s’occupait d’enrichir la Compagnie.

Warren avait déjà mal aux pieds mais parvint finalement à son arrêt. Plusieurs personnes étaient déjà présentes et avaient sorties leurs morceaux de charbon ; heureusement, il préparait toujours le sien dans la poche de sa salopette avant de s’endormir. Il reprit difficilement sa respiration, passant doucement sa main dans ses cheveux sales. Il n’était pas beau à voir, n’était pas lavé depuis trois semaines et faisait peur, mais personne ne le regardait – car tout le monde était comme lui.
Ils étaient à dix-huit mètres du sol, avec au-dessus d’eux trois autres arrêts du long réseau du train passant dans la Ville. Il y avait différents points pour rejoindre les autres niveaux mais Warren n’aurait jamais le droit d’y parvenir : il n’avait pas son code sur le bon côté de sa main pour ça – il l’avait sur le dos de son poing.
Seuls les Grands Yeux pouvaient allés au niveau deux car ils avaient dans la paume, seuls les Beaux Esprits pouvaient accéder au niveau trois car ils avaient le leur sur l’avant-bras et enfin le dernier était réservé aux Maîtres de la Compagnie, ceux que personne ne connaissait.

Pour les gens comme lui, c’étaient des figures quasi divines, inconnues et inébranlables ; il était né alors que le système avait déjà été mis en place, avec les Couveuses Spéciales au deuxième niveau où les enfants étaient gardés jusqu’à leur huit ans, où ils commençaient en Petites Mains. Le monde ne tournait peut-être pas rond, mais pour Warren ça avait toujours été comme ça…il ne pouvait rêver d’autre chose que dans les quelques livres qu’il trouvait, mais rien de plus.

Le train arriva alors, accompagné de son escorte de fumée noire. On ne voyait presque pas le corps du véhicule tant le relent de la grande machine à vapeur était forte, et cela ressemblait plus à une locomotive menant aux Enfers que le moyen de transport que c’était censé être. Tous les jours, Warren le prenait pour rejoindre l’Usine où il devait travailler pendant six heures avant d’avoir une pause de trente minutes pour manger, pour finalement reprendre et finir, exténué, sa nuit. Il faisait partie de l’équipe nocturne, et ne connaissait presque plus les rayons de soleil. Les seuls qu’il voyait, c’étaient ceux de la Journée des Joies, instituée une douzaine d’années plus tôt quand la France avait définitivement perdu la Guerre Vapeur face à la Prusse. Depuis, le pays n’était plus qu’une colonie germano-anglaise, et les conditions de vie étaient paraît-il pires.

Sans volonté, il entra dans le train, donnant au contrôleur son morceau de charbon ; comme pour tout, il fallait payer : rien n’était gratuit en cette fin de siècle. L’accès aux toilettes de l’immeuble étant payant, Warren préférait se retenir toute la journée pour la petite commission et pendant deux jours pour la grosse. Avec l’argent qu’il « économisait », il espérait pouvoir s’acheter un autre livre, mais jamais il ne pisserait dans l’escalier comme les autres. D’une, il ne voulait pas s’abaisser à ça mais surtout il savait que la Force passait souvent pour emmener ceux qui s’adonnaient à ces « plaisirs coupables » ; et il n’avait aucune envie de finir dans les prisons du niveau zéro.

Le voyage fut comme d’habitude long et morne.
Nul plaisir, nul loisir n’était présent dans le train : personne n’avait l’argent pour, et personne n’y songeait finalement ; chacun acceptait son existence, triste et lasse, comme une des finalités de l’univers. Tout le monde était entassé l’un sur l’autre, debout. Certains chanceux se trouvaient près des fenêtres à un quart ouvertes, par crainte d’un suicide ; non pas que la Compagnie ait peur de perdre un élément – il lui suffirait de chercher dans les égouts du niveau zéro pour retrouver de la main d’œuvre aisément manipulable – mais surtout qu’il était toujours ennuyeux de chercher le corps au sol, du fait que plus personne ou presque ne vivait là-bas. C’était le territoire des prisonniers et des abandonnés, et s’il était aisé d’y chercher des employés, il était beaucoup plus dangereux d’y retrouver un corps. Même si la Compagnie en laissait souvent, elle préférait les récupérer pour d’obscures raisons…Warren ne préférait ne pas y penser avant d’arriver.

Finalement, le train s’arrêta devant l’Usine, monstrueux bâtiment prenant racine sous le niveau zéro et terminant au niveau quatre. Il s’agissait du bâtiment le plus impressionnant de la Ville : si celle-ci était faite d’immeubles monstrueux, de buildings sombres et froids autour desquels le train zigzaguait abondamment, l’Usine était véritablement à part. Construite plusieurs années plus tôt, elle était le centre économique et géographique de la cité ; elle était ce qui la faisait vivre et ce qui régnait sur les vies de ceux qui y travaillaient.
Dans la Ville, on naissait grâce à l’Usine qui finançait les Couveuses Spéciales, on travaillait à l’Usine, on dormait grâce à l’Usine et on y mourrait pour y « revenir », sans que personne ne sache vraiment comment. Warren aurait bien voulu découvrir ce mystère, mais nul ne semblait vouloir en parler. Tout le monde avait peur de savoir, en fait.

Avec un visage fermé, il s’avança donc vers l’entrée de l’Usine, comme tous les autres. Pas un ne risqua un regard sur les autres niveaux : tous savaient qu’ils seraient soit dévorés d’envie, soit terrifiés en voyant ceux du sol s’acharner contre l’Usine. Ils la tenaient comme responsable de leurs malheurs, même si personne ne savait vraiment ce que ça voulait dire ; plusieurs légendes courraient sur le fait qu’ils seraient d’anciennes Petites Mains ayant été rejetés par les Beaux Esprits, mais rien de concret. Comme d’ailleurs les mystérieux bruits qu’on entendait la nuit quand on se baladait : des sortes de cris inhumains et déchirants étaient poussés à cause de hurlement quasiment animaux. Warren n’avait assisté à ça qu’une seule fois, mais ça lui avait suffi pour ne pas dormir plusieurs semaines durant.

Comme d’habitude, il se présenta à la porte de sa section, spécialisée dans l’assemblage de la partie inférieure des sièges d’automobiles. Toute la journée, il montait les deux mêmes pièces aux mêmes endroits et vérifiait que son collègue avait précédemment bien mis une autre pièce au bon endroit. Tout le temps, encore et encore, les mêmes gestes, les mêmes attitudes. Beaucoup devenaient fous à cause de tout ça mais la Compagnie leur donnait des cachets – moyennant un quart de leur salaire, bien sûr. Ces pauvres types étaient quasiment catatoniques et ne mangeaient presque plus, mais au moins continuaient leur travail.
Pour la Compagnie, c’était parfait. Pour Warren, ça ne semblait pas « juste » mais il ne savait pas vraiment ce que ça voulait dire ; il avait appris le mot dans un livre acheté au marché de son niveau, et en avait conçu une certaine définition, mais tout ça restait très flou.

Sans entrain, il passa donc devant un des Grands Yeux qui cochait sur sa liste les employés de sa partie de section dès qu’ils lui présentaient leur code : chaque section étant immense, il y avait à chaque fois six Grands Yeux, chacun s’occupant d’une zone différente et devant connaître chaque travailleur pour pouvoir le surveiller et le noter présent ou non. Du fait de leur emploi, ils avaient un pouvoir de vie ou de mort sur les gens comme Warren et en abusaient : des cas de viols et d’abus étaient fréquents, et tous les Grands Yeux étaient corrompus pour « augmenter » les notes qu’ils rendaient aux Beaux Esprits. Bien sûr, ils ne changeaient jamais rien sous crainte de redevenir des Petites Mains, mais empochaient quand même l’argent ; et les gens payaient par crainte d’être encore plus mal notés.

« Toi. »

Warren déglutit quand le Grands Yeux le pointa de son doigt sale et noirci par son crayon. Souriant sadiquement, habillé d’une chemise jadis blanche et désormais beige, il lui fit d’approcher avec son os à peine couvert de chair ; immédiatement, il obtempéra, le cœur battant la chamade. Il avait peur comme jamais : ce n’était pas bon signe d’être appelé par un Grands Yeux, surtout par un vicieux comme lui. Ca ne faisait que quelques mois qu’il avait été affecté là, et voulait se faire encore bien voir par les Beaux Esprits par des excès de zèle. Quelques collègues avaient déjà fait les frais de sa politique de tolérance zéro, et Warren se voyait déjà abandonné dans les égouts pour une erreur bête ; même s’il ne s’en rappelait d’aucune, il savait que ça ne changeait rien pour les Grands Yeux.
Après tout, un employé ne comptait nullement pour l’Usine et à fortiori pour la Compagnie, qui exportait ses produits dans des endroits inconnus des gens comme lui. Il ne représentait rien, encore moins que ceux du niveau zéro qui semblaient ennuyer la Compagnie et dont elle se préoccupait au moins un peu.

« On te demande derrière.
- Qu…quoi ?
- Vas-y. Maintenant. »

Le Grands Yeux montra de son ponce osseux une porte derrière lui, que Warren n’avait jamais vu auparavant. Etait-elle nouvelle ? Venait-on de la construire ? Il savait que c’était impossible, que ça aurait nécessité des travaux qui auraient nui à l’efficacité de la section et que personne ne pouvait accepter ça ; ça voulait donc dire qu’elle avait toujours été là, mais qu’il ne l’avait jamais remarqué.

Autour de lui, ses collègues passèrent, le visage morne et les yeux rivés sur le sol, apparemment détachés de son sort. Il aurait été comme eux si c’était arrivé à quelqu’un d’autre : en plus du fait que les Grands Yeux n’appréciaient jamais qu’on s’occupe de leurs affaires, les employés étaient toujours plus absorbés par leurs propres tâches que par celles de leurs collègues.
Ne voulant pas énervé le Grands Yeux, Warren se dépêcha donc de passer à côté de lui et de passer la porte, entrant dans une pièce sombre…très sombre. Il ne pouvait dire sa taille tant l’obscurité régnait : seule une table était visible, avec une petite lampe au milieu. Il distinguait les mains d’un homme et un costume gris, mais ne voyait nul visage et nul code – ça devrait quelqu’un d’important. Il s’approcha et se rendit compte qu’il n’y avait pas de chaise : il voulut ouvrir la bouche pour le signaler mais une voix froide et métallique le coupa.

« Vous n’avez pas besoin de vous asseoir. Vous êtes le Petites Mains K140607 de la section 7b-t-r du niveau un, c’est ça ?
- Je…oui.
- Répondez clairement, Petites Mains.
- Oui.
- Vous vivez dans l’immeuble 11e-d-g, au sixième étage ?
- Oui.
- Votre colocataire est aussi Petites Mains, code J897865, vous vivez ensemble depuis trois ans.
- Oui.
- Que pouvez-vous dire sur lui ?
- Quoi ?
- Répondez : dites-nous ce que vous savez sur lui. »

Warren ne comprenait rien : qu’est-ce que ça voulait dire ? Pourquoi cet interrogatoire ? Louis avait trois ans de plus que lui, était gros, un peu fainéant mais faisant son travail aussi bien qu’un autre. Il était certes déviant et il devait réfréner ses ardeurs, mais…mais il y en avait bien d’autres comme ça ! Il en avait fait l’amère expérience lors de ses premières colocations…il ne comprenait donc pas pourquoi il devait répondre à ces questions.
Néanmoins, l’homme avait de belles mains : propres, manucurées, elles n’avaient jamais connu le travail et le costume était de très bonne facture, lavé aussi. Ca devait être un Bel Esprit, ou au moins un Grands Yeux ; se le mettre à dos était une folie qu’il ne ferait jamais.

« Louis…Louis n’est pas différent des autres : il travaille de jour, fait son travail. Mange selon les rations qu’il peut acheter, va aux toilettes une fois par jour même pour…même pour ce qui n’est pas la pisse. Je ne le connais pas beaucoup, mais c’est un employé honnête…enfin, il fait comme tous les autres. »

Warren essayait de parler le mieux possible, mais il savait que ce n’était pas parfait. Il voulait faire la meilleure impression possible pour éviter de perdre sa tête, si tant est que c’était encore possible.

« Nous savons que votre colocataire est déviant, qu’il ne se donne pas autant qu’il le faut au travail et qu’il a déjà tenté d’abuser de vous. Nous savons aussi qu’il a uriné dans l’escalier et qu’il a pris de force une des prostituées de votre immeuble. »

L’homme marqua alors un silence.
Warren ne voyait toujours pas son visage et ne devinait même pas sa silhouette. Tout ce qu’il entendait, c’était une voix mécanique, sûrement modifiée par un de ces appareils reliés aux énormes machines de l’Usine permettant de communiquer à distance ou plein d’autres choses fantastiques.

« Nous savons aussi que vous savez tout cela. »

Il ne sut pas quoi dire alors : devait-il acquiescer ? Protéger son collègue ? Tenter de l’excuser ? S’ils savaient, ils savaient et nier serait stupide. Il était en face d’un Bel Esprit, quelqu’un de deux niveaux supérieurs à lui : mentir serait une injure, presque un blasphème. Il n’était qu’une Petites Mains, moins important que ceux du sol, après tout ; moins que rien.

« Je…oui.
- Répondez distinctement. »

Sa voix avait été faible, et Warren sentit presque une émotion dans la voix métallique, comme un début d’excitation. Il ne comprit pas pourquoi, mais savait qu’il devait suivre cet ordre : sa vie en dépendait.

« Oui. C’est vrai.
- Bien, vous pouvez disposer. »

Warren fut interdit : c’était tout ? C’était fini ? On l’avait convoqué, on l’avait apeuré juste pour quelques questions menant à une vérité qu’ils connaissaient déjà ? Ils ne voulaient rien d’autre ? Encore une fois, il ne comprenait rien et voulait des réponses ; pour la première fois de sa vie, il s’opposa à la Compagnie en n’obtempérant pas : il ne bougea pas. Plus par stupéfaction que par réel sentiment révolutionnaire.

« Vous. Pouvez. Disposer. »

La voix se fit plus forte, et il eut mal aux oreilles d’entendre ce son métallique certainement poussé plus fort ; mais il ne bougea pas. Warren voulait des réponses, au moins savoir ce qu’il venait de se passer. Mû par une inspiration inconnue, peut-être du courage mais sûrement de la folie, il parla sans qu’on l’ait invité.

« Je…qu’est-ce qu’il va arriver à Louis ? Il…il ne sera plus après, hein ? Quand je reviendrais, il ne sera plus là, hein ? »

Un long silence suivit à nouveau ces quelques mots.
Warren s’attendait à être saisi par des Grands Yeux, être lancé au niveau zéro ou être rabaissé par le Bel Esprit ; il s’attendait à voir son existence détruite par ce réflexe humain mais suicidaire…mais rien ne se passa. Les secondes s’égrenèrent, tendues, tandis qu’il fixait l’homme dans l’ombre, qui tenait sa vie entre ses mains – et qui le savait, et qui en jouait.

Finalement, un petit rire mécanique rompit le silence, terrifiant par son aspect inhumain qui ne tenait pas seulement à l’appareil utilisé. L’être qui riait n’était pas comme Warren : il était plus dur, plus froid et même son rire n’était pas naturel…pas sain. Il était différent…inhumainement différent aurait dit Warren s’il avait eu le vocabulaire pour.

« Non, il ne sera plus là. Vous aurez un autre colocataire, mais ne vous inquiétez pas pour Louis : il va faire un voyage.
- Un…un voyage ?
- Oui, un voyage. Avec nous. Nous allons l’emmener dans un endroit qu’il connaît, que tout le monde connaît mais que personne n’a jamais visité. Nous allons l’emmener, et nous amuser avec lui. Ça sera très drôle, nous nous amuserons beaucoup : nous faisons ça souvent, pour nous détendre et nous emmenons quelques élus qui nous semblent conformes, qui nous semblent suivre les profils recherchés. C’est vraiment très amusant. Et qui sait, peut-être un jour aurez-vous aussi la chance de faire ce voyage avec nous…je pense même que ça peut s’arranger, dans quelques années. »

Crispé, Warren réussit par un petit miracle à sourire et sortit sans rien dire, trop heureux d’avoir échappé à la foudre du Bel Esprit. Il n’avait rien compris mais était trop heureux d’être encore vivant ; il retourna donc à son travail, se laissant aller dans ses gestes répétés qui lui semblaient si merveilleux après avoir vécu un tel moment.
Le soir, quand il rentra, Louis n’était plus là comme on le lui avait dis. Et cette nuit-là, il ne parvint pas à dormir, plus habitué à être seul dans sa chambre et encore retourné par ce qui lui était arrivé. Il avait failli tout perdre, quand même ! Et il s’en était sorti par il ne savait quelle chance folle. Marchant dans la nuit, Warren avait alors le cœur léger : il se rendait maintenant compte qu’il n’aurait plus à craindre les assauts de Louis quand il rentrerait plus tôt ou partirait tard, ou bien le dimanche matin ; il n’aurait plus à espérer qu’il ne lui prendrait pas ses rations. Il serait plus libre, maintenant…peut-être même vraiment libre ! Il pourrait s’arranger avec son nouveau colocataire pour qu’ils n’aient pas les mêmes rapports : vu qu’il serait l’ancien, il pourrait poser de bonnes conditions et être peut-être plus heureux. Il pourrait même bien s’entendre avec lui ! Ou sinon lui rendre la vie impossible pour avoir ses avantages à sa place…c’était lui qui déciderait, c’était lui qui serait libre d’avoir le pouvoir en tant qu’ancien.

Un énorme sourire apparut alors sur son visage, tandis qu’il se baladait tranquillement près de l’arrêt de train, sourire qui ne disparut que lorsqu’il entendit à nouveau les cris et hurlements étranges venant du niveau zéro. Comme d’habitude, la nuit était trop sombre pour voir quelque chose, mais cette fois-ci, Warren frissonna en entendant un des cris…et en reconnaissant la voix. L’être ou la chose qui venait de crier, de peut-être rendre son dernier soupir était connu par Warren, lui qui l’avait entendu tellement chanter lors des Journées de la Joie qu’ils avaient passés ensemble et lors des répétitions les précédent.
Et alors qu’il se pressait vers son immeuble, terrifié, il se rendait alors compte que la liberté qu’il avait chéri quelques instants plus tôt avait un prix, comme chaque chose en cette fin de siècle.

Seuls les plus forts, les prédateurs, comme dans une chasse, survivent.
Et s’amusent.
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  #174  
Vieux 21/04/2009, 16h51
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Thoor change la caisse du Fauve
Un petit arrière gout de 'Soleil Vert' dans ce récit noir à souhait

:Clap: à toit Ben
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  #175  
Vieux 21/04/2009, 16h58
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Merci, content d'être lu.
J'avais juste eu l'idée d'un truc à la steampunk avec une usine omni-présente. J'avais songé à partir dans une direction à la The Machinist mais c'est devenu quelque chose d'autre, qui me plaît plus.
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  #176  
Vieux 05/06/2009, 22h42
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Voici un texte que j'apprécie : il part d'une idée basique, est sûrement très manichéen mais j'assume cette pensée et surtout cette crainte d'un futur que je sens malheureusement de plus en plus évident et tangible. J'ai tenté quelques jeux de style, j'ai essayé de signer une fin qui me satisfait...je ne suis pas sûr que ça fonctionne. En tout cas, j'apprécie ce texte pour ce qu'il est : un sentiment que je devais sortir.

Peut-être
5 juin 2009.

« Alexandre Durand ?
- Euh…oui. Qui êtes-vous ?
- Police nationale, monsieur. Pouvez-vous nous ouvrir ?
- Euh…bien sûr. »

Alexandre était encore à moitié endormi : un coup d’œil à la montre murale lui apprit qu’il était à peine deux heures du matin. Il ne comprenait pas vraiment ce qu’il se passait, il avait du sommeil en retard mais il savait qu’il ne fallait jamais refuser un ordre policier ; en plus, ça ne devait être qu’une banale enquête de voisinage.

En quelques secondes, il entendit les lourdes bottes ferrées claquer dans les escaliers et s’arrêter devant sa porte. Barbara devait être encore endormie, et il espérait pouvoir régler cette affaire assez vite pour la rejoindre. Il se levait tôt demain, et son patron n’accepterait pas qu’il soit en retard ou qu’il soit moins efficace que d’habitude. Avec le chômage qui menaçait encore avec cette troisième Crise, mieux valait être au top en allant bosser.
Alexandre fut tiré de ses réflexions par une lourde main retombant sur la porte de son appartement. Il se dépêcha de l’ouvrir, faisant désormais face à trois BRC – Brigadiers de la Répression contre la Criminalité. Il recula d’un pas en voyant l’ombre le recouvrir.

« Alexandre Durand ?
- Euh…
- Alexandre Durand ?
- Euh…oui ! Oui, oui, c’est moi. »

Les BRC n’étaient pas recrutés en dessous d’un mètre quatre-vingt dix et quatre-vingt dix kilos de muscles. Les BRC n’étaient pas recrutés avec un QI au-dessus de 80. Les BRC étaient abonnés à la salle de gym et connaissaient toutes les techniques de combat rapproché, ainsi que le maniement des différentes armes en circulation dans l’Union Européenne. Les BRC étaient habitués aux combats de rue et savaient contrôler une manifestation en moins de quinze minutes, avec arrestations, humiliations, bastonnades et achèvements des récalcitrants.
Les BRC faisaient peur.

« Vous êtes bien employé chez Bouygues Information ?
- Euh…oui…
- Au service du courrier ?
- Oui. »

Le BRC qui lui parlait avait l’accoutrement habituel : recouvert d’une combinaison en cuir bleu marine, avec des plaques de métal aux genoux, autour de la taille et sur les pectoraux, il avait en plus des bottes et des gants sombres métallisés, une matraque à la ceinture avec ses deux armes et son Taser, ainsi que son casque qui ne laissait apparaître que sa bouche. Le reste était caché par une étroite visière noire, surmontant un blindage grisâtre qui recouvrait tout son crâne. Evidemment, le symbole des BRC était affiché sur ses pectoraux métallisés, et affiché fièrement par le fonctionnaire.
Celui-ci fit un signe à ses collègues de droite et de gauche, avant de poser sa main sur sa matraque, dans un geste d’apparence très naturel, comme s’il voulait prendre appui dessus.

« Je…peux vous aider… ?
- Non, ça ira. »

Le BRC parlait d’une voix calme, posée. Tout semblait terriblement naturel et tranquille chez lui, et Alexandre eut la même impression quand la matraque vint rencontrer sa mâchoire. Il recula sous le choc, sentant ses os se disloquer et le sang couler sur son menton et dans sa gorge. Des étoiles apparurent devant ses yeux, mais il sentit à nouveau une douleur atroce dans son ventre, puis à l’arrière de sa nuque. Il se retrouva en quelques secondes à genoux, incapable de bouger ou même de respirer ; ses poumons semblaient bloqués, refusant d’aspirer ou même de relâcher l’air. Il commençait à en manquer, et tenta de relever les yeux pour comprendre ce qu’il se passait, mais un nouveau coup vint fracturer son crâne, le faisant cette fois-ci s’écraser sur sa moquette désormais recouverte de son sang, le même qui décorait la tenue du BRC.

« Tu devrais encore lui donner un coup.
- Non, je ne crois pas.
- Alex ? Qu’est-ce qu’il se passe… ? Oh mon dieu Alex ! Qu’est-ce que vous lui avez fait ? Qu’est-ce que vous lui avez fait ?! »

Une femme en robe de chambre venait d’arriver dans l’entrée où baignait dans son sang son mari. Les trois BRC se tournèrent vers elle alors qu’elle se précipitait vers le corps inconscient, mais celui qui s’était occupé de son époux sortit son Tazer avec sa main libre et appuya sans réfléchir sur la gâchette. Une gerbe électrique vint alors l’entourer, et elle s’écroula sans comprendre vraiment ce qu’il se passait – et ce n’était pas si grave.

« Le boulot est fini. »

Le BRC qui avait agi jusque-là rangea sa matraque et son Tazer avant de communiquer avec son gant à l’attention de ses supérieurs.

« La cible a été stoppée, dommage collatéral : femelle, âge quarante ans environ, blonde. Par Tazer. Pas d’autre dommage, non. Merci. »

Il se tourna ensuite vers ses deux collègues, qui s’étaient déjà dirigés vers les escaliers.

« Mission terminée, oui. On a un nouvel ordre. »

Les trois BRC laissèrent donc Alexandre Durand en train de mourir d’une commotion cérébrale et de séquelles graves au niveau des vertèbres supérieures, tandis que sa femme était secouée de spasmes liée au choc électrique qui avait dangereusement troublé son système nerveux. Au loin, les bottes claquaient sur les escaliers froids de la résidence. Personne ne bougeait.



« Mélanie André ?
- Mouais… ?
- Police nationale, mademoiselle. Pouvez-vous nous ouvrir ? Mademoiselle ? »

Mélanie avait déjà laissé tomber le combiné pour se précipiter dans sa chambre. En peignoir, elle n’avait aucune chance de s’en sortir dehors : avec une femme sur deux violée dans la ville, il était clair qu’elle y passerait si elle sortait comme ça. Elle enfila rapidement un jeans et une grosse chemise d’un vieux plan-cul, avant de ramasser le sac d’urgence qu’elle avait préparé quelques semaines plus tôt. Elle avait su dès le début qu’un tel moment allait arriver, et elle espérait que son plan d’évasion fonctionnerait.

En moins d’une minute, elle s’était habillée et avait son sac, contenant le nécessaire de survie pour une semaine, une arme et de faux papiers. Mélanie avait conscience qu’elle n’avait quasiment aucune chance de s’en sortir face à la Police, mais elle n’avait pu accepter de voir son pays tomber dans un tel totalitarisme. Depuis que la deuxième Crise avait achevé certaines économies de l’Union Européenne, des milliers de personnes avaient exposé leur colère à la face des multinationales en s’en prenant à leurs infrastructures, et les gouvernements avaient très rapidement réagi en punissant en masse ceux qui n’avaient plus rien. Les liens entre les politiques et les grands groupes s’étaient alors fait évidents, et le gouvernement avait imposé un surplus de pouvoir pour cause de « danger national » ; clairement, le Président avait utilisé cette excuse pour priver de prérogative l’opposition, pour la réduire au silence et instaurer un Etat policier.
Evidemment, ça devait être temporaire mais ça durait depuis trois ans, maintenant. Et Mélanie n’avait pu l’accepter : elle était entrée en résistance ; elle faisait sauter des entrepôts, dérangeait le trafic des trains et des avions, taguait des insultes présidentielles sur les murs. Elle était devenue un des grains de sable du pouvoir, et celui-ci avait décidé de souffler un grand coup. Mais elle n’allait pas se laisser faire.

La jeune femme de vingt-quatre ans se précipita alors vers la fenêtre de sa salle de bains, où devait normalement se trouver un tuyau d’évacuation des gouttières qu’elle pourrait user pour descendre dans l’arrière cour et rejoindre son scooter, caché dans un garage qu’elle sous-louait sous un faux nom. Ca pouvait fonctionner s’ils lui laissaient quelques secondes : elle était consciente de la rapidité des fonctionnaires de la Police, mais elle avait souvent répété avec ses camarades dans leurs « abris »…oui, ça pouvait coller. Si elle avait du temps pour ça.

Dans un geste presque désespérée, Mélanie ouvrit la fenêtre et jeta un coup d’œil pour voir s’il n’y avait pas déjà de flic en bas…heureusement non. Ils ne devaient pas connaître l’existence de son plan, ce qui voulait dire qu’ils ne savaient pas grand-chose sur elle et ses contacts ; c’était déjà ça. Ca voulait dire qu’elle avait une chance de s’enfuir avant de voir son portrait affiché dans toutes les gares du pays, à côté de ceux de tant d’amis aujourd’hui disparus.
Rapidement, elle laissa tomber son sac et se hissa sur la gouttière. Elle n’avait pas le vertige, mais avec le stress, la peur au ventre, elle sentit sa tête lui tourner – mais elle ne devait pas flancher. Si elle tombait entre leurs mains, s’ils l’attrapaient, elle finirait par leur révéler ce qu’elle savait et il était hors de question que les copains prennent pour elle. Elle devait fuir, autant pour eux que pour elle.

Mélanie se laissa donc glisser le long de la gouttière, se forçant à regarder le sol sans trembler et en accélérant son allure. Elle ne pouvait pas se permettre de perdre du temps, de gâcher le peu d’avance qu’elle avait. Les yeux fixés sur ce qui équivalait à la terre promise, elle sentait sous ses doigts le fer froid et irritant qui défilait. Elle était terrifiée, mais elle devait penser à la Cause, aux camarades qui l’attendaient…elle n’avait pas le droit de faillir. Malheureusement, ce n’était pas elle qui décidait.

Alors qu’elle continuait à descendre, elle sentit une terrible douleur dans le creux du genou droit, si forte que ça lui arracha un cri déchirant. Elle parvint à se retenir, mais des larmes de souffrance naissaient dans ses yeux ; elle ne sentait déjà plus sa jambe, et ses doigts semblaient de plomb. Un deuxième coup, évidemment sur l’autre genou, l’acheva et elle ne put s’empêcher de répondre favorablement à l’étreinte de la gravité.
Sentant le monde tourner autour d’elle, la jeune femme n’arriva même pas à pousser le moindre cri, cette fois-ci ; son regard était embué de larmes de douleur alors qu’il se posait sur l’air impassible d’un BRC à une fenêtre, évidemment muni de sa matraque. Elle ne sentit même pas quand elle s’écrasa, sa tête rebondissant lourdement sur le sol après l’avoir heurté. Du sang gicla de sa bouche où elle venait de mordre sa langue, mais déjà Mélanie n’était plus consciente. La douleur et la peur l’avaient rendu incapable de rester éveillée, et elle venait de subir le choc sans s’en rendre compte. Néanmoins, son corps, lui, savait bien ce qui venait de lui arriver et son système de guérison tentait déjà de s’occuper de chaque souci ; néanmoins, il semblait y en avoir trop pour qu’il puisse faire quelque chose.

« Agent 1 en position. Agent 2 ?
- Agent 2 en position : les voisins m’ont laissé entrer et agir comme prévu. Permission de me retirer.
- Permission accordée. Agent 3 ?
- Agent 3 en position : je commence la perquisition. Je décompte déjà trois délits.
- Je m’occupe de la cible. »

Sans aucune prudence, sans aucune manière, le BRC prit dans ses bras Mélanie et donna un gros coup de pied dans son sac pour le faire approcher de leur camionnette. Si elle avait été encore consciente, la jeune femme aurait pu dire qu’ils n’en avaient pas besoin : maintenant qu’elle était en leur possession, ils construiraient un dossier selon leur convenance pour la faire plonger après l’avoir interrogé. Comme à chaque fois.



« Henri Ludwig ?
- Qui ?
- Henri Ludwig.
- Ah oui…il est dans la salle trois, avec les autres prématurés. Il y a un souci, messieurs ? Ses parents ont eu un problème ? »

Sans répondre, les trois BRC laissèrent l’accueil du service des naissances pour se diriger vers la salle indiquée, leurs lourdes bottes claquant sur le carrelage. Comme d’habitude, ils ne montraient aucune émotion, aucun sentiment : ils étaient là pour faire leur travail, et la jeune infirmière qui les avait informés se demandait ce qui les menait ici.

Toujours silencieux, toujours quasi robotiques, les trois BRC ouvrirent la porte et passèrent dans les rangs où se trouvaient une douzaine de jeunes bébés, nés avant terme et nécessitant une assistance médicale plus ou moins poussée. Certains avaient arrêté de se développer trop tôt et demandaient des sondes et des apports que seule la médecine moderne pouvaient leur donner, d’autres n’étaient là que par mesure de sécurité en attendant de trouver les bras chauds et réconfortants de leurs parents, d’autres encore n’avaient que peu d’espoir de sortir d’ici vivants tant leur développement était faible et leur sort incertain ; et dans tous ceux-là se trouvait le jeune Henri Ludwig, devant lequel les trois fonctionnaires se stoppèrent.

La jeune infirmière, Jeannette, n’avait pu contrôler sa curiosité et se retrouvait maintenant dans l’embrasure de la porte, fixant les BRC alors qu’ils étaient placés en triangle autour de l’enfant. L’un d’entre eux, celui qui lui avait parlé et semblait être le chef, appuya alors sur un bouton de son avant-bras droit ; une autre voix se fit alors entendre.

« Agent 1 ?
- Présent. Sommes en position devant la cible.
- Bien. Agissez comme prévu. Des témoins ?
- Pas en vue. »

La voix se tut alors, et le premier BRC sortit son Tazer pour le poser sur le crâne d’Henri Ludwig. Jeannette n’en croyait pas ses yeux, ne pouvait accepter une telle vision, mais pourtant elle voyait bien un fonctionnaire de police en train de menacer un pauvre bébé ! Elle n’était pas vieille dans le métier et avait toujours respecté la Loi, mais elle était certaine que ce genre de choses n’était pas normal, qu’il n’était pas acceptable et logique que les BRC viennent de nuit dans un hôpital et se mettent à viser des bébés ! Des bébés, merde ! Si c’étaient des terroristes ou des criminels, elle pouvait comprendre – elle savait bien que les terroristes étaient partout et qu’il fallait protéger les frontières de l’Union Européenne – mais ce n’était qu’un bébé, là !

Elle devait faire quelque chose, crier, attirer leur attention, appeler la Police – mais ils étaient la Police. Ils étaient les BRC, les membres et représentants de la Brigade de la Répression contre la Criminalité. La fine fleur du fonctionnariat national, la ligne de défense des « bons citoyens ». Ils étaient ceux qu’elle devait appeler en cas de souci ; mais en cas de souci avec eux, qui appeler ? A qui faire confiance ? A qui demander de l’aide ?

Perdue dans ses hésitations, incapable de bouger et surtout de détourner les yeux, la jeune femme ne put qu’assister, volontairement impuissante, à la gerbe électrique entourant le corps endormi d’Henri Ludwig. Elle ne parvint logiquement pas à retenir un cri de désespoir, et fut bien sûr immédiatement reconnue par les trois BRC. La suite ne s’écrivit qu’en larmes et en cris, en actions violentes et rageuses qui ne menèrent qu’à un abandon de conscience et à des coups de plus en plus sourds.
Jeannette avait été au mauvais endroit au mauvais moment.



« C’est toi Michel
- ‘Soir M’man.
- Bonsoir, mon grand. Bien travaillé ?
- Ça allait. »

Michel déposa son lourd casque sur la commode familiale, avant de s’écrouler sur l’antique chaise qu’il laissait toujours près de la porte pour se délester de tout son équipement. Sa mère était déjà dans la cuisine à préparer son repas, qui serait prêt dans quinze minutes, le temps pour lui d’être enfin libéré.

« Qu’est-ce qu’on mange ?
- Pâtes carbonara.»

Comme d’habitude, Michel était en simple caleçon et maillot de corps : après une journée à porter l’uniforme officiel, il ne pouvait supporter autre chose. Il devait réapprendre à être libre de ses mouvements, à marcher sans trop d’effort et surtout à ne pas faire attention à ce qu’il touchait ou approchait. Le trentenaire avait dès le début compris qu’il n’appréciait ses instants à la maison que quasi-nu, et sa mère n’avait rien trouvé à redire. Sainte femme, pensa-t-il en avalant une grosse bouchée.

Sans rien dire, la quinquagénaire aux cheveux gris et déjà en peignoir alluma la télévision, placée directement à l’autre bout de la table, là où se tenait jadis le chef de famille. Le père de Michel avait disparu quelques années plus tôt, et si son départ avait été un choc, Christine avait rapidement réagi en avançant l’écran qui leur plaisait tant. Ils s’abreuvaient de sa présence, ne parlaient presque jamais ensemble sauf pour quelques phrases basiques et de préférence courtes – ce évidemment pour profiter au maximum de l’écran.
En fixant le présentateur du journal de 13 heures sur la première chaîne, qui annonçait les sujets – un peu d’actualité internationale où les voisins continuaient leurs pseudos guerres civiles, un peu de sport, deux sujets sur les artisans et agriculteurs de l’arrière-pays, deux sujets sur la crise des banlieues, un sujet sur le racket scolaire et deux sujets sur le couple présidentiel – avec sa voix calme et tranquille, elle passait la bouteille de vin rouge à son fils, qui comme d’habitude la servait d’une main, les yeux aussi rivés sur l’écran.

Pas un mot ne fut prononcé entre les deux êtres humains durant tout le repas, ce dernier ne fut ponctué que par les informations retransmises par le divin écran. Ils étaient captés, paralysés de plaisir devant le déluge d’images et de commentaires sur l’évolution de la société, apparemment perdue entre le classicisme et les efforts difficiles pour donner à manger à tous et leur assurer une continuité nationale dans la production et les soucis de sécurité. Ils finirent leurs assiettes en silence, Michel laissant bien sûr sa mère débarrasser alors qu’il allait dans sa chambre. Il avait des choses à faire avant de dormir.

Refermant rapidement sa porte derrière lui, il alla s’asseoir sur son lit parfaitement fait par Christine, celle-ci ayant bien fait attention à ne pas déranger ses posters et fanions aux couleurs de leur pays et de leur Président. Au-dessus de son oreiller était accrochée la photographie où le chef de l’Etat avait décoré la Brigade pour ses services, et où il avait été au deuxième rang, à quelques mètres à peine de l’estrade où le discours s’était tenu ; on distinguait un bout de son visage à un endroit, et ça suffisait à son bonheur.
Sa chambre, finalement, ne faisait que refléter son mode de vie et sa passion : austère, stricte mais clairement le théâtre d’une ardeur étonnamment sans fin et sincère envers son pays. Si le bureau était entièrement et strictement rangé, si le mobilier était réduit au minimum, les posters et drapeaux présents n’en gagnaient qu’en force malgré leur petit nombre. Ils sautaient directement aux yeux, informaient de suite le visiteur qu’il se trouvait désormais dans une pièce où la fierté nationale n’était pas une valeur oubliée ; Michel aimait son pays, et ça se voyait.

Il posa sa lourde main sur son téléphone et composa le numéro qu’il connaissait par cœur mais qu’il n’avait jamais noté ; il avait trop peur que sa mère tombe dessus.
Son cœur ne semblait battre qu’à chaque sonnerie, chacune étant plus cruelle que la précédente. Il était terrifié à l’idée de tomber sur la messagerie, terrifié à l’idée que ce qui l’avait obsédé depuis huit heures déjà ne puisse arriver. Il s’était fait une telle joie d’avoir ça, de pouvoir en jouir qu’il aurait beaucoup de mal à accepter que cela n’arrive pas. Il était rongé par l’impatience.

« Allo ?
- Clara ? »

Un sourire immense apparut sur son visage alors que sa poigne se fit plus forte sur le combiné et son souffle plus court.

« Michel ?
- C’est moi, oui. Tu es libre ?
- Quand ?
- Aujourd’hui.
- Ce soir ?
- Non, cet après-midi. J’ai travaillé trente-six heures, je dois dormir ce soir.
- Je…je ne sais pas, Michel.
- Quoi ? »

Michel n’était pas habitué à une telle réponse. D’habitude, Clara était toujours partante : ça se faisait vite, bien et il pouvait après aller dormir. Sa mère n’en savait rien, il allait mieux et pouvait passer à nouveau une semaine sans ressentir de manque ou de besoin. Il n’avait qu’à dépenser un peu d’argent pour ça, et c’était réglé ; en plus, Clara était très jolie et comme il faut, blonde et bien claire. Qu’est-ce qu’elle avait, aujourd’hui ? Il n’aimait pas ça.

« Je ne sais pas si je peux, Michel.
- Tu as un autre client ?
- Non…non, pas aujourd’hui.
- Alors qu’est-ce qu’il y a ? Si tu n’as pas d’autre client, tout va bien, non ?
- Je…non. Il…il s’est passé quelque chose. Je ne me sens pas très bien.
- Tu es malade ?
- Non.
- On t’a fait du mal ?
- Je…non.
- Tu es sûre ?
- Oui…oui, on ne m’a rien fait. Promis.
- Si tu as été agressée, je peux m’en occuper, tu sais. Je peux faire ça pour toi, si tu veux. Tu sais qui je suis, je serais là pour te protéger. C’est mon boulot. »

Il fit un grand sourire en ponctuant sa phrase, espérant qu’elle soit rassurée. Il ne savait pas ce que Clara avait et n’était clairement pas un spécialiste en matière de femmes, mais s’il y avait une chose que Michel savait faire, c’était assurer la sécurité des gens. Il voulait que Clara soit mieux, qu’elle soit plus ouverte et surtout qu’elle soit comme d’habitude ; il était sûr qu’en parlant ainsi et en se proposant, ça irait mieux. Pourtant, seul un silence pesant répondit à ses paroles.

« Clara ?
- Je…oui ?
- Tu n’as pas répondu.
- Je…je sais.
- Pourquoi ? Il y a un souci ? Je t’ai dis que je peux te protéger. C’est mon métier.
- C’est ça le problème. »

Michel fronça les sourcils, il n’aimait pas le tour que prenait la conversation.

« Quoi ?
- Je…rien. Laisse tomber.
- Non, dis-moi ce qu’il ya ! C’est moi, Clara : Michel. On se connaît depuis longtemps. Dis-moi ce qui va pas, vraiment.
- Je…laisse tomber. Je t’appelle demain. »

Elle raccrocha. Michel n’apprécia pas.



« Clara ?
- Michel ? Qu’est-ce que tu fais ici ?
- Je n’ai pas compris ce que tu disais au téléphone, je suis venu voir ce que tu avais. Tu me laisses entrer ? »

La jeune femme se mordit les lèvres : que devait-elle faire ? Elle n’avait aucune envie de voir Michel, mais elle ne pouvait pas non plus le laisser dehors – ça serait trop dangereux. Elle n’avait finalement pas le choix, et lui en voulait de lui avoir imposé sa présence ; elle avait espéré qu’il comprenne qu’elle avait besoin de solitude pour réfléchir, mais apparemment il n’avait pas su saisir les nuances de sa conversation.

En quelques instants, le trentenaire gravit les marches sans trop de bruit et se présenta devant la porte de Clara, qui lui ouvrit recouverte d’un gros peignoir beige, tout sauf sexy. Lui qui était habitué à la voir plus mise en avant sembla quelque peu déçu, mais elle s’en fichait : il savait que ce n’était pas un bon jour pour venir, mais il s’était présenté à elle quand même ; qu’il en subisse les conséquences.

« Bonjour.
- Bonjour. Je vais bien, tu le vois. J’ai pas besoin de protection.
- T’avais pas l’air très bien, au téléphone, alors je me suis inquiété.
- C’est gentil, mais tu vois bien que ça va. Je veux juste me reposer, avoir une journée rien que pour moi.
- Mais…je t’ai appelé.
- Et ? »

Clara fronça les sourcils. Elle savait que Michel n’était pas du genre rapide, enfin ça dépendait à quel moment, mais elle était quand même assez claire là. En plus, elle avait toujours du mal avec son regard froid et vide, surtout pendant les moments où ils étaient très près l’un de l’autre : ça la gênait terriblement de voir ce manque d’expression, cette inhumanité dans les yeux d’un homme. Elle n’était pas habituée, et sentit la chair de poule sur ses bras ; instinctivement, elle recula alors qu’il la fixait encore.

« Mais…tu n’as pas de client, donc j’ai pensé que je pouvais venir.
- Je t’ai dis que je ne suis pas bien, que ce n’est pas une bonne journée.
- Je comprends pas.
- Pourquoi ?
- T’as pas de client, je suis ici…et j’ai de l’argent. On pourrait faire comme d’habitude. Non ?
- Non.
- Mais pourquoi ?
- Parce que je n’ai pas envie. »

Michel se passa la main dans les cheveux, semblant ne pas comprendre ce que Clara disait. Celle-ci se sentait de moins en moins à l’aise avec lui, consciente qu’il pouvait être dangereux surtout quand les choses ne se passaient pas comme il le voulait. Il avait l’air du type qui avait toujours ce qu’il voulait quand il avait l’intention de l’avoir, et qui trouvait ça normal. Il n’était pas de ceux qui prenaient de force, il était plutôt de la race des êtres qui voyaient le monde sous un regard biaisé, selon une vision qui n’était et ne pouvait être celle du bas peuple.
Michel était un fonctionnaire de l’Etat, un de ceux à qui tout était permis. Il ne pourrait jamais comprendre qu’on lui dise « non » parce qu’on n’avait pas envie, ça n’était tout simplement pas dans son mode de fonctionnement. A nouveau, Clara recula.

« Je…je comprends pas. On est biens ensemble, ça se passe bien. Je viens toutes les semaines ou tous les dix jours, je paye bien, je suis gentil…je t’ai même donné un pourboire quand je le pouvais ! J’ai jamais été méchant, j’ai toujours été correct…je pars même vite…
- Je…oui. C’est vrai.
- Alors qu’est-ce qui va pas ? J’ai fait quelque chose de mal ? »

Clara secoua la tête : il ne comprenait vraiment pas. Il étai là, dans sa veste en jean entièrement mouillée par la pluie tombante, le visage recouverte de grosses cernes et rasé de près, comme la Brigade l’imposait toutes les six heures pour lui donner une bonne image. Il semblait complètement perdu, et elle aurait eu un pincement au cœur en le voyant aussi pathétique, aussi incompris et incompréhensible si elle ne savait pas qui il était.

« T’as rien fait, j’ai juste pas envie. T’arrives pas à comprendre ça ?
- Non. »

Elle était face à un mur d’incompréhension et de préjugés. Dans le monde de Michel, elle ne semblait être qu’un objet, dont il se servait selon lui toutes les semaines ou tous les dix jours, et qui se devait d’être à sa disposition ; éventuellement, il acceptait qu’elle ne soit pas là quand elle était avec quelqu’un d’autre, mais il ne pouvait imaginer qu’elle n’ait juste pas envie ou qu’elle éprouvait des sentiments.

« T’es Clara, je t’appelle, je viens, je suis gentil, je paye, je pars : voilà. Je…je comprends pas, t’es sûre que quelque chose ne va pas ? D’habitude, t’es jamais comme ça, tout est toujours bien…c’est pour ça que j’aime bien venir ici, tu ne poses pas de problème. T’es toujours gentille, tendre…j’aime venir te voir. J’aime être ici, avec toi…j’aime vraiment ça, tu sais. Je me sens bien, détendu…loin de mon travail. Tu sais, ça n’est pas facile, ce que je fais : faut être dur pour faire ça, faut pouvoir tenir pour imposer l’Ordre…c’est pas simple. Et c’est un peu grâce à toi que ça va. »

Clara savait qu’il disait ça pour être gentil, pour la flatter mais surtout pour la forcer à accepter qu’il reste. Elle était consciente qu’il parlait ainsi pour essayer de s’imposer, pour lui dire qu’elle comptait pour lui ; au fond, c’était une petite déclaration qu’il venait de faire, avec sa voix faible et ses grands yeux sombres posés sur elle qui ne comprenaient rien. Elle avait déjà eu de tels discours venant de certains de ses habitués, et ça l’avait toujours touché ; et de la part de Michel, qui venait depuis si longtemps, ça aurait normalement dû aussi lui faire quelque chose, l’émouvoir. Mais ça n’était pas un bon jour.

« Michel…pars. Sincèrement, pars. Je n’ai pas envie, je me sens pas bien, alors pars s’il-te-plaît.
- Mais…ça te ferait peut-être du bien…comme à chaque fois…
- Je ne crois pas. Pars, s’il-te-plaît.
- Mais j’ai besoin de toi ! Mon travail a été dur…vraiment, j’ai besoin que tu m’aides à tenir le coup…j’y arrive pas aussi bien, sinon. Tu peux bien faire ça pour moi, non ? Mon boulot me prend tant de temps… »

Ses doigts se crispèrent alors qu’elle se détournait de lui : elle ne pouvait plus le regarder, l’entendre se plaindre de son boulot après ce qui était arrivé. Elle le haïssait. Elle le haïssait de ne pas comprendre, de ne pas partir, de faire son Caliméro et d’être ce qu’il était ; il se croyait malheureux, il pensait qu’il était en droit de lui demander ça.
Mais pas une fois il ne cherchait à savoir ce qu’elle avait vraiment, pas une fois il ne se rendait compte qu’elle tiquait dès qu’il parlait de son boulot. Elle le détestait.

« Clara ? Ecoute, si ça ne va pas, je peux demander aux collègues de surveiller ton appartement…un client t’embête, c’est ça ? Je peux m’en occuper, c’est mon boulot et je le fais bien. Fais-moi confiance, les copains et moi on peut t’aider. On peut faire ça à côté du boulot, et…
- Mais fous-moi la paix avec ton boulot ! Tu comprends pas que c’est ça qui me bloque ? Que je veux que tu t’en ailles ?! Je supporte pas de te voir ! Je supporte pas de voir un de ces enculés des BRC ! »

Clara étouffa un cri quand elle eut terminée : elle savait qu’elle venait de faire une erreur, une de celles qu’on regrette toute sa vie. Se retournant immédiatement vers Michel en espérant qu’elle ne venait pas de dire ça, qu’elle avait tout imaginé, elle sut que la vision qu’il avait d’elle venait de changer : elle basculait maintenant dans le clan de ceux qui insultaient la Brigade, considérés comme « ennemis ».
En une minute, en quelques mots, la jeune femme venait de briser quelque chose en lui, et il affichait un visage terriblement neutre, un masque d’incompréhension…un véritable mur. Elle était terrifiée.

« Tu…tu es des leurs ?
- De…de quoi ?
- Tu es des leurs ?
- Qui ?
- Les terroristes. Tu es une terroriste ?
- Je…non. »

Elle avait hésité. Elle était perdue.

« Tu es des leurs.
- Mais non !
- Si. Je vais devoir t’arrêter.
- Mais non ! Michel, c’est moi : Clara ! Clara, ta Clara ! Je n’ai rien fait, je te jure ! Moi, je n’ai jamais rien fait !
- Toi ? »

Erreur. Encore.

« Quoi ?
- Toi, t’as jamais rien fait ?
- Je…non, je te l’ai dit.
- Ça veut donc dire que tu connais quelqu’un qui a fait quelque chose.
- Mais…mais non ! Je te promets !
- Je suis peut-être pas le plus intelligent, mais on m’a appris à savoir qui ment et qui se trahit. C’est la base, à la Brigade. C’est notre boulot, et on le fait bien. »

Clara se mit à trembler sans s’en rendre compte. Désormais collée contre un des murs de son appartement, terrorisée à l’idée de subir le sort attendu aux terroristes, elle était consciente qu’elle enchaînait connerie sur connerie. Comme il le disait, il n’était pas très intelligent, sûrement un peu bête mais la Brigade apprenait aux siens comment reconnaître ceux qui hésitaient et comment transformer leur incertitude en réalité absolue. Elle était perdue.

« Je…je n’ai jamais rien fait, Michel. Jamais ! Elle…elle m’a toujours proposé, mais j’ai jamais trompé là-dedans…j’ai toujours eu trop peur…
- Qui ? »

Sa voix n’avait plus rien de doux, plus rien d’implorant : oublié Michel venu pour sa séance quasi-hebdomadaire, bonjour au BRC implacable.

« Mélanie…
- Son nom complet et tes liens avec.
- Mélanie…Mélanie André…elle…c’est…une copine…elle…elle a été arrêtée, c’est pour ça que je vais pas bien…j’ai peur pour elle…
- J’ai appréhendé Mélanie André hier, elle est actuellement en soins intensifs. Ses jours sont comptés, mais elle sera quand même jugée pour ses crimes contre la Nation.
- Tu…c’est toi ?! Tu l’as arrêtée ? Et…qu’est-ce que tu dis ? Elle est blessée ?
- Sûrement. C’est une terroriste, elle a été interpellée. Tu vas l’être aussi. »

Son ton était froid, cassant. Il semblait avoir oublié qui il était, qui elle était…qui elle était pour lui. Seul subsistait le BRC et l’Ordre qu’il devait protéger. Clara était désormais accroupie, tétanisée alors que l’ombre du fonctionnaire l’englobait totalement, la privant littéralement de lumière.

« Michel…c’est moi, Clara…ta Clara. Tu vas pas me faire ça, hein ? Tu vas pas me faire ça ?
- Tu es une criminelle : c’est mon métier de t’interpeller.
- Mais j’ai rien fait !
- Tu étais en lien avec une terroriste et tu n’as rien dis : tu es autant coupable qu’elle. C’est mon boulot de t’arrêter.
- Ton boulot, t’as que ça à la bouche ! T’en es si fier que ça, de ton boulot ? Tu penses qu’il est si utile ? T’es qu’un monstre ! Tu fais peur à tout le monde !
- Je fais ce qui doit être fait. »

Plus aucune émotion ne se dégageait du fonctionnaire : il semblait entièrement robotisé, transformé irrémédiablement par les écarts de langage de Clara. Celle-ci ne savait quoi faire, consciente que le trentenaire n’était plus que le flic, le BRC qui refusait toute remise en question et suivait sans réfléchir les ordres donnés par la hiérarchie. Elle s’était crue à l’abri en s’occupant de lui, elle ne se rendait compte que maintenant qu’elle s’était délibérément mise en danger.

« Ah ouais ? Et qu’est-ce que tu as fait, hier ? T’as bien bossé ? Qu’est-ce que t’as fait ?
- Je dois t’interpeller, je ne te dois rien.
- Mais dis-le ! Dis ce que t’as fait ! T’as arrêté une amie à moi…une amie ! Elle est blessée, et elle risque d’y passer ! Alors dis-moi tout ! De toute façon, j’ai perdu, hein ? De toute façon, tu vas m’arrêter. Tu me dois bien ça avec ce que je t’ai fait, sois honnête pour une fois. »

Clara ne savait pas d’où elle tirait la force de dire tout ça. Depuis qu’elle avait appris que Mélanie avait été appréhendée, elle attendait, terrifiée, qu’on vienne la chercher et s’était presque habituée au fait que sa vie était terminée. Elle n’aurait jamais pensé que le fonctionnaire puisse être celui qui détruirait son existence, mais elle était tellement énervée, tellement en colère contre lui et ce système qu’elle voulait savoir ; il n’était pas forcément un type méchant, il était juste entièrement moulé pour être ce qu’on attendait de lui : une machine, implacable et respectueuse de la hiérarchie. Il ne pourrait jamais comprendre pourquoi elle n’avait pas dénoncé Mélanie, et pourquoi Mélanie avait agi ainsi.

« Je ne te dois rien. Je fais mon boulot parce qu’il doit être fait.
- Tu me refuserais ça ? Tu sais ce que la Brigade va me faire, Michel. Donne-moi au moins ça avant que ça n’arrive. »

Il était debout devant elle, une masse de muscles et de détermination. Elle était consciente que pour lui, l’Ordre et la Nation passaient avant tout ; ils n’en avaient jamais discuté, mais elle lisait la presse, regardait les informations : les BRC faisaient régner la peur parce que le pays avait peur. Les Crises avaient affaibli l’Union Européenne, les autres pays devenaient de plus en plus fous et les gens avaient commencé à s’en prendre aux « responsables », les dirigeants des grandes entreprises. Il y avait eu des lynchages, des bastonnades…et des choses pires encore. Le gouvernement avait été obligé d’intervenir, c’était évident ; elle avait même été d’accord avec l’établissement des BRC et des politiques répressives…car elle avait eu peur. La colère des gens était compréhensible, mais ils étaient allés trop loin : il fallait que ça cesse. Et ça avait cessé, mais les BRC étaient encore là.
C’était ça qu’elle ne supportait pas, qu’elle n’acceptait pas. Mélanie était entrée dans la lutte armée, elle non mais elles partageaient un même rejet des BRC – même si son amie était beaucoup plus extrême dans ses prises de position. Clara, elle, avait eu encore une fois trop peur pour la suivre.

« J’ai agi selon l’Ordre : trois cibles ont été appréhendées et leur cas a été réglé.
- Trois cibles ? »

Elle était surprise qu’il se laisse aller : ce n’étaient pas dans les habitudes des BRC que de laisser une dernière volonté aux criminels. Apparemment, ce mur semblait avoir plus de sentiment pour elle qu’elle ne le pensait…mais ça ne changerait rien.

« La première était le descendant d’un militant d’extrême-gauche qui avait jadis fait partie d’un groupuscule terroriste. Son épouse a été stoppée mais non-arrêtée, pour le moment. »

Une moue de dégoût apparut sur son visage quand il annonça la couleur politique de l’homme.

« La seconde était ton amie, une terroriste dangereuse, brutale…anarchiste. »

S’il avait pu cracher sur Mélanie, Clara était sûre qu’il l’aurait fait. Ses mains se crispèrent sous l’émotion.

« La dernière était le fils d’un terroriste, appréhendé rapidement mais devant une infirmière qu’il fallut stopper aussi pour éviter que les terroristes n’en fassent un martyr.
- Une infirmière ? Mais où était-il ?
- Dans une maternité, bien sûr. »

Elle eut le souffle coupé en croyant comprendre ce qu’il venait de dire. Etait-ce possible qu’ils soient capables d’aller aussi loin ?

« Toutes les cibles ont été appréhendées et seront bientôt traitées…enfin, pour les deux premières. La dernière a été de suite transférée vers la morgue. »

Clara transpirait, les yeux exorbités. Ça n’était pas possible…ça ne pouvait pas être possible. C’était trop gros. Même si les BRC étaient des monstres, même si Mélanie avait été appréhendée et devait bientôt mourir…ils ne pouvaient pas être capables de ça. Même eux.

« Lèves-toi. »

Sans ménagement, le fonctionnaire la prit par le bras et la remit sur ses jambes ; Clara se laissa faire, elle qui était passée dans un autre monde.
Il la poussa violemment contre la porte de son appartement, et encore une fois elle ne dit rien. Elle n’avait plus les forces, l’envie pour se battre. Michel la dominait, et elle était consciente que lutter ne servirait à rien. Les BRC étaient allés trop loin : la résistance contre eux était inutile s’ils allaient aussi loin.

Pourtant, alors qu’elle s’attendait à ce que le BRC ouvre la porte et l’emmène de force dans les escaliers, il ne fit rien. De longues secondes s’écoulèrent, sans qu’elle sache pourquoi le fonctionnaire ne faisait rien ; elle bougea fugacement son regard vers lui avant de baisser à nouveau les yeux, consciente que la Police n’acceptait jamais qu’on la fixe. Pourtant, il ne réagit pas, et elle glissa à nouveau ses yeux vers lui.
Il était là, debout, la dévisageant, imperturbable. L’eau gouttait encore de ses manches, ses rares cheveux étaient eux aussi mouillés mais il semblait ne pas être concerné. Il la fixait, avec ses yeux sombres grands ouverts. Il ne donnait pas l’impression de vouloir bouger.

Que faisait-il, pensa-t-elle en se collant un peu plus contre la porte ? Etait-il en train de réfléchir à ce qu’il allait faire maintenant ? Il lui avait dit qu’il l’appréciait, qu’elle comptait pour lui…qu’elle l’aidait à faire son boulot, à tenir même. Elle semblait plus importante pour lui qu’elle ne le pensait, et c’était sûrement à ça qu’il songeait maintenant, alors qu’il devait décider de leur destin mutuel.
Il n’avait pas été habitué à ça, ce n’était pas dans sa façon de fonctionner que de devoir choisir entre deux solutions aussi différentes. Il semblait perdu.

Peut-être allait-il la laisser partir, finalement. Peut-être était-il en train de se rendre compte que son boulot n’était pas aussi bon qu’il le pensait s’il l’obligeait à condamner la femme qui lui apportait tant. Peut-être songeait-il aussi à ce qu’il avait fait lors des trente-six heures précédentes, quand il avait estropié, mutilé et même assassiné des êtres qui, au fond, n’avaient pas fait grand-chose de mal. Mélanie était un cas à part, mais pour l’homme et le bébé…pour eux, c’était quand même bien différent.
Il devait réfléchir à tout ça, pensa Clara en s’en voulant de reprendre espoir. Même si ça semblait fou, elle était en train de croire à une issue positive, à ce qu’elle s’en sorte malgré tout. Et chaque seconde qui s’écoulait intensifiait cette petite flamme en son cœur.

Au fond, Michel n’était pas méchant : il était juste victime du système qui l’avait modelé, des Crises qui avaient mené un gouvernement en proie au doute à user des bonnes vieilles méthodes et à ne plus pouvoir s’en lasser. Il était finalement un homme comme les autres, en proie aux doutes et aux sentiments – même si ceux-ci étaient logiquement moins mis en avant. Peut-être que tout ça, que toute cette vie, que la perspective d’être encore plus seul le faisait définitivement cogiter et qu’il en sortirait, sûrement pour la première fois de sa vie, une conclusion personnelle ; et peut-être aussi qu’il l’écouterait, et qu’il reconquérait une sorte de dignité ou d’indépendance.
Peut-être.

« Mi…Michel ? »

Clara était presque sûre que c’était ce qui était en train de se passer, que ce type qu’elle connaissait si peu était en train de changer…ou au moins était sur la bonne voie. Elle savait qu’elle avait toujours été optimiste et un peu naïve, mais là…là, elle était certaine que ça fonctionnerait, que ça se passerait bien. Elle se releva, tout lentement, consciente qu’il ne fallait pas le brusquer ; il était encore debout, avec son visage inexpressif si habitué aux bastonnades et aux actes d’inJustice.
Elle s’approcha, leva un bras tremblant vers lui, les yeux embués de larmes et fixés sur lui. Ses doigts voulaient le toucher, créer un contact. A nouveau, ils ne devaient faire qu’un. A nouveau, ils devaient s’unir – pour fuir. Et vivre.
Mais le seul contact qu’eut son être anxieux et terrifié fut celui du revers de la main du fonctionnaire, fendant entre autres ses lèvres.

« Mi… »

Un nouveau coup tomba dans le bas de son dos. Elle ne cria pas.

« Criminelle appréhendée en civil, liée à une terroriste arrêtée hier. Demande soutien terrien et agent pour perquisition dans son appartement. »

Clara se laissa alors tirer par le bras jusque dans le couloir et dans les escaliers, son corps blessé subissant la difficile descente des marches – mais ça ne la concernait déjà plus. Elle avait les yeux vides, repliée qu’elle était en elle-même, dans un monde nouveau où sa naïveté avait disparu et où l’espoir avait été soufflé. Un monde où les BRC étaient éternels et la paix un souvenir oublié.
Elle avait cru, espéré trouver le meilleur en l’homme lors de ses pires moments ; elle se rendait compte qu’elle n’avait toujours fait face qu’à un fonctionnaire, qui n’avait cure de son humanité quand il pouvait suivre les Ordres. C’était tellement naturel.
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  #177  
Vieux 06/06/2009, 00h54
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Steuf ! change la caisse du Fauve
Je ne le trouve pas forcément manichéen ton texte... Tu fais de l'anticipation, c'est tout.
Bon sujet, je vois avec plaisir que le style est plus centré sur l'action que tes précédents. Par contre une petite critique : gaffe aux répétitions. Pas forcément au niveau de la syntaxe mais je trouve que tu as parfois un peu tendance à répéter plusieurs fois une idée que tu souhaite faire passer. Par exemple :

Citation:
La voix se tut alors. Le premier BRC sortit son Tazer pour le poser sur le crâne d’Henri Ludwig. Jeannette n’en croyait pas ses yeux, ne pouvait accepter une telle vision, mais pourtant elle voyait bien un fonctionnaire de police en train de menacer un pauvre bébé ! Elle n’était pas vieille dans le métier et avait toujours respecté la Loi, mais elle était certaine que ce genre de choses n’était pas normal, qu’il n’était pas acceptable et logique que les BRC viennent de nuit dans un hôpital et se mettent à viser des bébés ! Des bébés, merde ! Si c’étaient des terroristes ou des criminels, elle pouvait comprendre – elle savait bien que les terroristes étaient partout et qu’il fallait protéger les frontières de l’Union Européenne – mais ce n’était qu’un bébé, là !
Si tu fais ça :

Citation:
La voix se tut alors, le premier BRC sortit son Tazer et le posa sur le crâne du bébé. Jeannette n’en croyait pas ses yeux. Elle n’était pas vieille dans le métier et avait toujours respecté la Loi, mais elle était convaincue que ce genre de choses étaient inacceptables. Des bébés, merde ! Elle savait bien que les terroristes étaient partout et qu’il fallait protéger les frontières de l’Union Européenne, mais là, ce n’était qu’un bébé !
Tu gardes l'effet que tu veux donner, mais ton paragraphe est plus fluide (à mon avis en tout cas).

Bon sinon, t'as plein d'idées et tu gère plutôt bien ta barque. Il y a quelques très bon moment de tension dans ton texte (pendant les interpellations). Bravo !
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  #178  
Vieux 06/06/2009, 01h10
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Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
Ah oui, ça rend beaucoup mieux. Un de mes gros soucis, c'est toujours vouloir trop bien faire : ça fait souvent des paragraphes où j'explique bien l'idée, son origine, l'origine de l'origine, la portée de l'idée, ce qu'elle implique, ce qu'elle n'implique pas, etc. Et ça fait aussi des faits trop longues où je cherche LA phrase de fin. J'essaye de lutter contre ça.
Quand je relirai ce texte pour le corriger encore plus, j'inclurai ça. Merci !

EDIT : ah, les interpellations et l'action sont biens ? Je trouve toujours que je suis lourd et ampoulé durant mes scènes de bagarre !
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  #179  
Vieux 08/07/2009, 19h11
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wallyvega change la caisse du Fauve
Un bon texte, en effet. On pense parfois à Kafka; j'imagine que ce n'est pas fortuit. En ce qui concerne les "longueurs" dont tu parles, elles se gommeront avec le temps et la pratique. Tu en es conscient donc tu travailleras en ce sens. J'ai exactement le problème inverse; je fais trop dans l'implicite et l'ellipse si bien que, parfois, je ne sais même plus ce que je voulais exprimer.
Tu gagneras en impact, me semble-t-il, si tu abrèges certains paragraphes (pas tous,évidemment).
__________________
"Please allow me to introduce myself. I'm an alien superfiend. I've come tonight to judge you all. Let me say you what I mean! Pleased to meet you. Judge Death is my name!"

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Moi aussi, je raconte des histoires.
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  #180  
Vieux 12/07/2009, 23h25
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