Warren Ellis' Apparat

[Niglo]

Warren Ellis’ Apparat
(Avatar, 2004)

Frank Ironwine #1
Par Warren Ellis & Carla Speed McNeil.

Quit City #1
Par Warren Ellis & Laurenn McCubbin.

Simon Spector #1
Par Warren Ellis & Jacen Burrows.

Angel Stomp Future #1
Par Warren Ellis & Juan Jose Ryp.


A l’origine de la ligne Apparat, il y a une interrogation de Warren Ellis sur ce qu’auraient pu être les comics aujourd’hui s’ils n’avaient pas été phagocytés par un genre exclusif : les super-héros. Si les comics avaient su garder leur diversité, prolonger sous forme graphique des genres qui firent l’heure de gloire des pulps au début du siècle (et se portent toujours très bien dans les autres média, cinéma, télévision ou littérature, merci pour eux), polar, science-fiction ou aventure. D’où l’idée de créer un label fictif, Apparat, et d’y faire paraître quatre titres, one-shots déguisés en numéro un d’une série régulière.




Frank Ironwine est un flic new-yorkais. La cinquantaine fripée, peu soucieux de sa santé (on le rencontre au début du récit en train de finir de cuver dans une benne à ordure) ou de son apparence, mais doté de compétences hors-pair pour trouver l’indice qui dénouera le fil de son enquête, ainsi que d’une empathie et d’une magnanimité peu communes pour les suspects qu’il interroge.

A travers ce personnage, Warren Ellis dessine l’archétype du flic tel qu’il le conçoit, et du genre tel qu’il l’aime, s’intéressant moins aux procédures qu’aux acteurs des drames mis en scène. Pour se faire, le scénariste se penche sur un double crime passionnel, et colle dans les pattes du détective une débutante dont les méthodes traditionnelles serviront à mettre en valeur celles plus particulières d’Ironwine.

L’intrigue n’est pas renversante, mais les pages lui étant comptées, Warren Ellis se débrouille plutôt pas mal pour la développer de façon intéressante. La déception en revanche vient de Carla Speed McNeil, qu’on a connu nettement plus inspirée ailleurs (je pense en particulier à ses Queen & Country). Ses planches semblent ici assez bâclées, son encrage à la limite de l’amateurisme. Frank Ironwine reste néanmoins une bonne lecture, et la postface d’Ellis consacrée au polar et à son évolution particulièrement intéressante.




Quit City se penche sur un genre tombé en désuétude, celui mettant en scène les exploits des aventuriers des airs. Héros oubliés des pulps, qu’ils se nomment Bill Barnes l’aventurier des airs ou G-8 and his Battle Aces, et dont l’incarnation la plus célèbre dans les pages des comics est sans doute la série Blackhawk.

A première vue, on peut croire que Warren Ellis triche avec le thème qu’il s’est lui-même imposé. Hormis un atterrissage en première page, pas le moindre avion ne pointe le bout de son nez dans cette histoire. En fait, son personnage principal, Emma Pierson, vient de quitter Aeropiratica, le groupe de justiciers aériens dont elle faisait partie. Le récit est celui de son retour dans la vie civile et la ville qui l’a vue grandir. Et sa rencontre avec un fantôme de son passé.

En fait, Quit City est aux histoires d’aventuriers du ciel ce qu’Alias est aux récit super-héroïques. Ellis utilise le genre en arrière-plan pour raconter une histoire plus personnelle, évitant ainsi de passer par les figures imposées du genre tout en lui donnant une forme de modernité.

Les dessins de Laurenn McCubbin, que je ne crois pas avoir déjà rencontrée auparavant, sont intéressants. Travaillant visiblement à partir de photos, son style évoque assez fortement celui de Tony Harris. On regrette pour le coup qu’elle soit contrainte au noir et blanc, ces planches mises en couleurs auraient probablement gagné en réalisme.




Warren Ellis présente Simon Spector comme un hommage à des héros tels que Doc Savage, the Shadow ou the Spider. Presqu’un surhomme, doté en tous cas d’un intellect hors du commun – même si pour cela il doit user de substances prohibées. Le moment fort du récit est ce moment où le héros, son esprit boosté par l’absorption d’une pilule aux effets remarquables, va en quelques secondes résoudre l’enquête qu’il s’est vu confier. La suite est plus classique, et permet à Jacen Burrows (déjà croisé au côté d’Ellis sur Dark Blue et Scars) de mettre en scène quelques fusillades très percutantes.

Des quatre one-shots, celui-ci est probablement le plus classique. Peut-être aussi celui qui appelle le plus volontiers à une série régulière, autant par son concept que par la personnalité de son héros.




Las but not least, Angel Stomp Future est dédié à ce qui est peut-être le genre de prédilection de Warren Ellis : la science-fiction. Une s-f résolument moderne, ce qui n’étonnera pas les lecteurs de Transmetropolitan, Ocean ou Orbiter, mais qu’il est l’un des rares scénaristes de comics à pratiquer.

Pas vraiment d’intrigue dans ce one-shot, plutôt une visite guidée d’un futur cauchemardesque. L’héroïne s’adresse d’ailleurs directement au lecteur pour lui faire découvrir ce monde où manipulations génétiques, greffes et modifications mentales sont monnaie courante.

Cet univers déjanté est surtout l’occasion pour Juan Jose Ryp de faire preuve de tout son talent. Ses planches fourmillent de détails et évoquent celles de Geoff Darrow et Steve Skroce. On pourra passer des heures à les scruter et se surprendre à repérer un détail qui nous avait échappé jusque là. Absolument superbe.

Globalement, on conseillera donc à tous de se pencher sur cette quasi-uchronie qu’est le label Apparat. Le projet est intéressant, et la réalisation à la hauteur.

[mr nix]

Next issues: "Millie the Crackhead Whore" et "Two-Fisted Anal Tales"

Je plaisante, ca a l'air cool.

[Niglo]

C'est très sobre pour du Warren Ellis. Surtout pour du Warren Ellis publié chez Avatar (pour ce que j'en ai vu en tous cas)

[mr nix]

Ouais, la sobriete c'est tres surfait quand meme

Mais oui, en fait j'avais ete un peu apeure par les covers a l'epoque et je n'avais pas pris. Faudra que j'essaie de les retrouver.

C'est toujours une erreur de sous-estimer Ellis

[Mycroft]

Il devait y avoir un Apparat 2, il me semble ... ca a été reporté ?

[Niglo]

Ah oui, zut, j'ai oublié de mettre un lien vers le thread où Paulie évoquait la parution l'an prochain d'autres titres sous ce label Apparat, et où il se dit plein de choses très intéressantes autour de Warren Ellis (entre autres).

C'est ici.

[Niglo]

	Citation:			Posté par mr nix
	Mais oui, en fait j'avais ete un peu apeure par les covers a l'epoque et je n'avais pas pris. Faudra que j'essaie de les retrouver.(

J'avais récupéré Frank Ironwine et Quit City au moment de leur sortie, je viens de récupérer les 2 autres. Donc ça se trouve sans trop de problème (pour le Simon Spector, c'est une espèce d'édition collector à la con, limitée à 650 ex., avec certificat d'authenticité et gnagnagna. Comme on en trouve encore 6 mois après pour pas très cher, c'est signe que ça c'est super bien vendu )

[Paulie Walnuts]

again, frank ironiwine est un des meilleurs scripts d'ellis depuis longtemps (bon, la phrase est d'epoque, à savoir pre-desolation jones).
un trade devrait sortir pour ton noel, et apparat 2 est pour 2006, il devrait y en avoir plus de 4 là mais devrait ne pas sortir tout d'un coup, plutot mensuellement (bon, en pratique c'était pas sorti tout d'un coup non plus la première fois, certes)

[Virgule]

hhéhéhé bueno.

[Ben Wawe]

le concept me rappelle 1963 fait par Moore et d'autres en 1993 avec des séries calquées sur celles des débuts de Marvel et en fait on voyait des épisodes de séries fictives. paraît que c'était pas mal.

en tout cas ça a l'air intéressant, surtout le premier en fait.

[Mycroft]

	Citation:			Posté par Ben Wawe
	le concept me rappelle 1963 fait par Moore et d'autres en 1993 avec des séries calquées sur celles des débuts de Marvel et en fait on voyait des épisodes de séries fictives. paraît que c'était pas mal. en tout cas ça a l'air intéressant, surtout le premier en fait.

Au nombre des références d'Ellis il y avait les Tangent Comics, et la ligne ABC.

[ollieno]

	Citation:			Posté par Ben Wawe
	le concept me rappelle 1963 fait par Moore et d'autres en 1993 avec des séries calquées sur celles des débuts de Marvel et en fait on voyait des épisodes de séries fictives. paraît que c'était pas mal. en tout cas ça a l'air intéressant, surtout le premier en fait.

il n y a jamais eu la fin ..qui aurait du paraitre dnas un annual Youngblood il me semble ...

pas mal ..le mot est fort , parodie des seriesmarvel des annees 60 est plus vrai ...

c etait plaisant a lire ..sans plus .

[Paulie Walnuts]

"pas mal.. le mot est fort"?
uh?

euh, c'est pas une bombe, 1963, mais c'est la grande classe quand même, plus pour les extras (pubs, courriers des lecteurs ou ces interviews de l'equipe creative que tu peux trouver sur le comicon) que les comics eux-mêmes, mais ils se lisent tout de même bien mieux que des trucs "pas mals" (au sens où bon, quand ce truc est sorti, ça devait être le meilleur comic superheroique de l'année)

et non, la fin aurait du être dans un "1963 annual" avec team-up contre l'image U, qui aurait du être dessinné conjointement par veitch/bissette/totleben/lee/liefeld/larsen/silvestri puis que jim lee puis personne.
veitch a parlé il y a peu d'un possible retour pôur finir la série mais d'une autre façn que celle prévue

mais la reference à ABC est la plus evidente car l'idée de base est la même: une ligne d'un monde où le genre superheros n'a pas fleuri et qui présente les genres qui ont été pervertis par les superheros: pulp, polar, sf...
la référence à tangent (ou, ouais, 1963) est pour l'aspect "imaginaire" de la ligne

[ollieno]

a la meme periode il y avait ( de memoire) le DP de morrison et son animal man ( ou peut etre delano sur AM ) qui etaient plus prenant ..ainsi que quelques autres mini Vertigo tres sympa.

[Paulie Walnuts]

ouais, okay, morrison finissait certes son run sur la DP en 93 (vertigo commence en janvier 94) ce qui fait de 1963 le numéro 2, ok (ou ex-aequo, vu que la dernière année de la DP n'est pas la meilleure) mais AM était dans le flou post-milligan pre-delano. après, hors-superhéros il y avait de la classe mais c'est une periode supersombre pour ce genre, y'avait même pas encore un starman ou de trucs comme aç.