Précédent   Buzz Comics, le forum comics du monde d'après. > > A vos plumes !

Réponse
 
Outils de la discussion Modes d'affichage
  #121  
Vieux 24/08/2008, 21h18
Avatar de Ben Wawe
Ben Wawe Ben Wawe est connecté maintenant
Dieu qui déchire sa race
 
Date d'inscription: juin 2004
Messages: 19 050
Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
Pas le texte prévu, encore un récit triste mais qui est basé sur une interrogation légitime de ma part vis-à-vis de mes études, de certains principes et de ce que je ferais dans un tel cas. C'est un choix difficile et j'espère ne pas être pompeux dans ce texte qui ressemble un peu à quelques autres mais qui a une fin assez spéciale - mais que j'aime bien car ça semble suivre mon personnage. Bonne lecture.

Le choix.

Ils rient de moi, tous. Surtout lui, qui me regarde et a du mal à garder son masque de neutralité mêlée de tristesse alors qu’il voudrait exploser de rire. Il pense pouvoir s’en sortir en faisant ça, en perturbant les jurés mais ça ne fonctionnera pas : je vais m’en occuper moi-même ; je sens le canon froid de l’arme à neutrons dans ma poche, mes doigts entourant la crosse en argent comme si c’est la dernière chose qui m’appartienne vraiment. Il va payer pour ce qu’il m’a fait.

Quand l’holo-juge apparaît dans la salle, on ordonne à tous de se lever mais des regards gênés se posent sur moi : je ne vais pas pouvoir suivre la loi, aujourd’hui. Et pas uniquement parce que je suis désormais piégé dans un fauteuil roulant, mon nouvel enfer. Aujourd’hui, je vais faire quitter la vie d’un corps et je n’en éprouverai aucun remords. L’homme qui est jugé aujourd’hui est celui qui m’a pris ma vie, ma raison d’être ; il est normal que je fasse de même, non ? Après tout, c’est un peu ça la Justice.
Oh, évidemment, je sais déjà tout ce qu’on me dira quand j’aurais fait ça : que ce n’est pas bien, que c’est immoral, que j’aurais dû attendre la fin du procès pour qu’il soit vraiment jugé et puni – mais ce ne sont que des conneries. Les gens croient encore en la Justice alors qu’elle prouve depuis des années qu’elle se prostitue au plus fort ou au plus offrant, ce qui est régulièrement la même chose. Cette ordure va profiter de pseudos circonstances atténuantes et je devrais le voir partir libre ou pour quelques petits mois dans la prison 59, celle basée sur la Lune. C’est ça, la Justice ? Si oui, je n’en ai pas besoin.

L’holo-juge commence à réciter tous les chefs d’inculpation contre ce monstre mais je n’écoute pas : je connais ça par cœur, j’ai été aux premières loges. Je l’observe lui, comme il me regarde. Il veut me jauger, voir ma réaction, savoir si je tiens le coup ou si je me laisse aller ; il veut découvrir de lui-même si je suis sa victime ou son exécuteur. Il le verra bien assez tôt.

Ça fait des mois que j’attends ce moment et je ne peux décocher mon regard de son visage, de sa face sclérosée par la maladie et les drogues. Les cellules d’incapacité ne sont plus si efficaces depuis la troisième révolution russe et je sais que leurs produits ne sont plus ce qu’ils étaient, mais le gouvernement continue de s’approvisionner chez eux, comme si de rien n’était. On me dit que c’est politique, que c’est une affaire d’Etat mais tout ce que je vois, c’est que l’assassin de ma femme vit depuis des mois dans une cellule où il devrait être immobile mais conscient et que son visage reflète un abus de drogues bien récent – comme son gros ventre qui démontre qu’il ne jeûne pas tant que ça.
Evidemment, tout ça fait plaisir aux défenseurs des détenus, à ceux qui veulent revenir au système précédent avec des manières plus humaines de faire, mais je n’arrive plus à comprendre ces gens. J’ai perdu ma femme, j’ai perdu mes jambes à cause d’un homme qui se trouve en face de moi et qui va s’en tirer sous peu ; et on veut qu’il soit bien traité le temps de son incarcération ? Et on veut que je comprenne qu’il puisse vivre tranquillement, comme si de rien n’était ? Je ne peux pas accepter ça.

Même si ça fait longtemps que son aéroglisseur a heurté notre véhicule, même s’il est évident qu’il ne contrôlait pas ses gestes, il ne doit pas échapper à la Justice. Il m’a tout pris ce jour-là et l’abus de drogue ne peut pas être une excuse. Son avocat est déjà en train d’expliquer qu’il a eu une jeunesse difficile, qu’il n’a trouvé son plaisir uniquement dans les abus de substances illégales mais qu’est-ce que ça peut me faire ? Qu’est-ce que je peux en avoir à faire qu’une ordure comme ça a préféré se laisser tomber dans la misère plutôt que de relever la tête ? Il rentrait d’une rave party et était totalement défoncé quand il nous est rentré dedans ! Nous sommes les victimes, pas lui !

Mon sang bouillonne quand je le vois se morfondre face à l’holo-juge – les juges humains ont disparu après les statistiques de massacres récurrents dans leur profession – mais j’essaye de me contenir. Mon beau-frère est là, essayant de me rassurer par quelques sourires par-delà la vitre blindée qui sépare les principaux acteurs du procès de la foule compacte amassée là pour le spectacle. Depuis la disparition de la télévision à cause de la crise économique et des monstruosités qu’elle faisait commettre aux gens qui voulaient à n’importe quel prix ce qu’il y avait dans les publicités, les procès sont devenus une des rares attractions de la cité et je sais que je serais sûrement à leur place si rien de tout ça ne s’était passé. Les comportements qui m’écœurent désormais étaient les miens jadis et je ne sais pas si je dois me haïr pour ça ou tenter de changer les choses. Je crois que je vais plutôt laisser ça à d’autres et je resserre l’arme contre moi, bien conscient de ce que je dois faire aujourd’hui – et de ce que je vais sacrifier.

Même si je leur ai demandé de ne pas venir, toute ma famille est ici et il me suffirait d’un seul coup d’œil en arrière pour voir leurs mines rassurantes et c’est bien pour ça que je ne le fais pas. L’ordure continue de me fixer alors que mon avocat essaye de convaincre des jurés terrorisés par une attaque suicide des terroristes de la Libre Information – qui adore massacrer ceux qui doivent condamner les criminels, eux qui considèrent que tout le monde est innocent et que le gouvernement manipule tout – que je mérite la Justice et que ma femme ne doit pas être morte pour rien. Il perd son temps : le délai de réflexion est inférieur à cinq minutes en moyenne et conduit toujours à la grâce du prisonnier. Les gens sont tellement terrifiés qu’ils en oublient ce qui est juste ; nous vivons dans la peur et je dois changer ça en prouvant que tous les criminels ne peuvent pas échapper à la Justice. Que celle-ci est peut-être aveugle mais qu’elle peut bien viser quand on le veut vraiment.

Je sais qu’avant, ce genre de pensée aurait terrifiée le procureur que je suis mais les choses ont changé. Jeannie est morte, j’ai perdu mes jambes et tout ça à cause de l’ordure. Qu’est-ce que je suis censé faire ? Attendre qu’un système pourri le laisse sortir ? Espérer qu’il soit quand même condamné alors que c’est improbable ? Je ne pourrais pas me regarder en face si je faisais ça ; et pire encore, je ne pourrais plus regarder les photos de ma femme.

Jeannie. Ma Jeannie. Même après tous ces mois passés, je ne parviens pas à faire disparaître mon chagrin. Elle est partie en un instant mais j’ai l’impression que ses derniers moments furent les plus longs et les plus douloureux de son existence. Quand l’ordure nous fonça dedans, elle fut catapultée contre la vitre et je pus voir son visage quand la vie quittait son corps.
J’avais l’impression qu’elle priait pour que tout aille vite : elle ne me dit rien, n’invoqua pas notre amour et ne me demanda pas de continuer sans elle après tout ça, comme on pouvait s’y attendre la connaissant. Alors que mes propres jambes étaient détruites par l’impact, mes yeux étaient rivés sur le visage de ma femme qui voulait juste mourir tandis que toute sa colonne vertébrale était brisée et que les morceaux déchiraient l’intérieur de son corps dans une agonie terrifiante. Les dernières secondes de Jeannie furent horribles et c’est pour ça que je ne peux lui pardonner ; c’est pour ça qu’il doit mourir.

Ma femme était tout pour moi et maintenant qu’elle n’est plus là, je ne sais pas comment vivre. Mon beau-frère est là autant qu’il le peut même si son métier de Chasseur de l’Ordre le prend beaucoup et la sœur de Jeannie…et bien je ne veux pas la voir. Ou plutôt je ne peux pas : elles sont…étaient jumelles. Ça m’est trop dur de revoir ce visage que j’ai tant aimé sur quelqu’un qui n’est pas elle. Même si je sais que ça me ferait du bien de parler d’elle avec quelqu’un qui l’a autant connu que moi, je n’y arrive pas, c’est trop dur. Ma seule échappatoire fut l’attente de ce procès et mon entraînement au tir – et ça a payé.

J’ai passé des semaines entières à viser des hologrammes de l’ordure et je sais maintenant exactement où tirer pour le tuer et le faire souffrir. Je veux qu’il meurt dans une douleur effroyable, comme Jeannie : c’est ça la Justice. Ma femme a prié pour mourir vite, il fera de même mais lui saura pourquoi. Elle n’a pas su qui lui prenait sa vie et pour quelle raison même s’il n’y en avait finalement pas, la « malchance » nous faisant rencontrer l’ordure ce soir-là ; ça ne sera pas pareil pour lui et je pourrais profiter totalement de ses yeux me cherchant et me trouvant alors que la vie quittera son corps.

Je veux qu’il meurt, oui. Et alors que les avocats finissent leurs jacasseries, je sais que ma chance approche. Je refuse de me tourner vers ma famille car je sais que je vais les décevoir, mais c’est tout ce que je peux encore faire. Même si ça veut dire sacrifier ceux que j’aime et qui me restent, je ne peux pas continuer à voir ce type marcher et vivre quand je suis cloué là et que Jeannie n’est plus. C’est…c’est trop dur, vraiment. Chaque nuit, je la vois en rêve et elle m’appelle et je veux la rejoindre – mais pas encore. L’ordure doit payer avant : il doit subir la Justice, la vraie. Pas celle de ce foutu système.

C’est amoral, peut-être. C’est mal, sûrement. Mais ça me semble juste. Le monde ne tourne plus rond et je n’ai plus l’envie de le changer comme avant : on m’a retiré mon feu sacré…ou plutôt lui me l’a retiré. Je ne vis plus depuis qu’elle n’est pas là et tout ce que je veux, c’est juste un peu de Justice. Ici, on libère les criminels sauf quand tout prouve qu’ils sont coupables – et encore. Je ne pourrais pas le supporter, je ne pourrais pas vivre en voyant son sourire arrogant quand il ressortira d’ici en étant sûr de s’en sortir. L’ordure doit mourir, je ne peux faire autrement.

Lentement, les gens se lèvent et évidemment on me fixe à nouveau mais je ne réagis toujours pas. Ce monstre sort du box, entouré de gardes du corps et s’approche de moi. Je sens la crosse chauffer sous ma pression et je sais que c’est là, le moment clef. Je n’ai qu’à sortir l’arme, la lever et tirer ; je perdrai tout ce que j’ai encore mais ça n’est plus important, hein ? Jeannie est partie, je me fiche des autres. Tout ce qui compte, c’est de la veng…de lui rendre Justice.
Non, ça n’est pas de la vengeance, je le sais. Pourquoi est-ce que je pense à ça ? Pourquoi, alors que c’est le moment le plus important de tout ce qui reste de ma vie, je crois que c’est de la vengeance ? Ca n’en est pas ! Jeannie est morte à cause de l’ordure, il doit payer ! Le système ne le permet plus, alors c’est à moi de gérer ça. Pourquoi est-ce que je doute ? Pourquoi est-ce que je me pose toutes ces questions ? Tous ces mois sont passés et jamais je n’ai songé à ça – alors pourquoi maintenant ?

L’ordure passe à côté de moi et me regarde comme si j’étais un sous homme et je ne connais que trop bien ce regard : je le subis depuis l’accident. Même dans notre ère surévoluée où l’homme dépasse toutes les limites, nous ne sommes pas encore parvenus à retoucher les jambes et les colonnes vertébrales pour qu’elles refonctionnent après de tels accidents et je ne suis plus considéré comme un vrai être humain, maintenant. Je ne suis qu’un être pathétique qui va vivre un enfer jusqu’à ce qu’on lui enlève enfin la vie, comme un acte humaniste. Et il sait que je déteste ça : personne ne peut aimer un tel traitement ; et pourtant, il me défie et rit de moi. Je ne peux pas supporter ça.

Lentement, je tourne ma chaise en le regardant, les dents serrées. J’ai ma main sur l’arme, je n’ai qu’à la sortir et à faire feu pour faire disparaître son petit sourire et vraiment le faire payer pour ce qu’il a fait. C’est mal mais le monde ne tourne plus rond et ma Jeannie…ma Jeannie mérite une vraie sanction pour cette ordure. Elle ne doit pas tomber dans l’oubli : il doit souffrir pour ce qu’il a fait.
Je sors doucement l’arme de ma poche, me fichant complètement que quelqu’un puisse me voir ou non. Mais alors que je vois déjà son torse exploser sous l’attaque, alors que je jouis déjà de son cri de douleur, je me stoppe ; je me stoppe parce que je la vois. Christie. Sa sœur.

Je ne peux pas faire ça : pas devant elle, pas devant le visage de celle que j’ai tant aimé – et elle le sait. Elle a dû se douter que j’avais quelque chose en tête et elle se place juste à côté de lui, à l’autre bout du cordon de sécurité. Je ne peux pas la manquer et je ne peux pas tirer : ça m’est juste impossible. J’aime Jeannie de tout mon cœur et je mourrais sur place si elle me voyait faire quelque chose d’aussi horrible ; même si ça n’est pas elle, même si elle est morte, je ne peux décemment pas tirer quand « elle » est en face de moi.

Lentement, les larmes coulent le long de mon visage et ma main lâche pour la première fois depuis trois heures l’arme qui devait servir à faire rendre l’âme à l’ordure. Christie me regarde et elle aussi pleure. Elle a perdu sa sœur, la personne la plus proche au monde d’elle et je sais qu’elle souffre – nous souffrons tous les deux mais je n’ai pas voulu aller la voir car j’avais peur et mal. J’ai préféré m’enfermer dans mon idée de…de vengeance et c’était stupide. C’était bien de la vengeance, oui : j’ai cru que c’était la Justice mais ça ne peut pas être ça. Même si le système est pourri, on ne doit pas se laisser aller à ses plus bas instincts, on ne doit pas faire ça soi-même. C’est mal, tout simplement.
Evidemment, je ne sais pas si je vais pouvoir vivre en sachant que ce type va survivre mais…mais ça n’est pas à moi de décider. Le système est pourri et si je veux éviter que ça se reproduise, je dois changer ça. Je ne dois pas me laisser aller à vouloir ôter la vie de quelqu’un – même de quelqu’un comme lui. Jeannie ne le voudrait pas…et elle ne le supporterait pas.

Pour la première fois depuis le…l’accident, je pleure vraiment et je baisse les yeux. Je veux me laisser aller, je veux me calmer et permettre à Christie de partager avec moi pour guérir de ça. Je peux le faire, je peux y arriver…pour Jeannie. Je sais que c’est ce qu’elle voudrait.

BANG.

Les gens hurlent, courent partout. Christie est tétanisée et me regarde comme si j’étais le plus grand monstre de tous les temps ; elle n’a pas tort. Le dos de l’ordure est désormais criblé de balles et il s’écroule tandis que ses gardes du corps se jettent sur moi, mais je souris. Je vais me faire tabasser mais je m’en fiche ; je vais me faire enfermer et être un des rares reconnus coupables mais ça ne m’intéresse pas le moins du monde.
C’est vrai, c’était de la vengeance et non pas de la justice. C’est vrai, je n’aurais pas dû faire ça, c’est mal – mais ça m’a fait du bien. Je ne peux pas continuer à vivre alors que ma femme est morte et qu’on me voit comme un sous être, même si ça veut dire qu’elle m’en voudrait si elle savait ce que j’ai fait…mais elle n’est plus là pour me le dire à cause de lui et c’est donc normal qu’il paye pour ça. Je ne veux pas changer un système alors qu’on ne me prendra pas au sérieux tant que je ne serais qu’un sous être. L’ordure me fixe et alors que les coups tombent sur moi, j’éclate de rire. Il souffre et je ris. Même si c’est ma dernière journée libre, tout ça m’aura bien plu – et peut-être que je rejoindrais enfin ma Jeannie dans quelques jours, quand on m’aura agressé en prison ou tué lors du transfert. C’est tout ce qui m’importe – la seule raison pour laquelle j’ai fait tout ça, au fond.

C’est bête mais je souris alors que mes yeux se ferment, peut-être à jamais. Bientôt…bientôt, tout sera fini et je ne pars pas seul. Enfin.
Réponse avec citation
  #122  
Vieux 25/08/2008, 10h27
Avatar de Deadpoule
Deadpoule Deadpoule est déconnecté
Super Héros maitre du monde
 
Date d'inscription: mai 2008
Messages: 499
Deadpoule change la caisse du Fauve
Je lis ça dans la semaine
__________________
- Bon, fallait s'y attendre, je comprends rien à cette BD ; je ne sais même pas comment la lire ; et en plus c'est écrit très petit et la police est moche :-(
Maman

>> J'écris des trucs ici
Réponse avec citation
  #123  
Vieux 27/08/2008, 14h40
Avatar de Ben Wawe
Ben Wawe Ben Wawe est connecté maintenant
Dieu qui déchire sa race
 
Date d'inscription: juin 2004
Messages: 19 050
Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
T'auras une autre lecture.
C'est un petit polar, évidemment inspiré de Sin City mais dans un univers différent. J'espère ne pas être trop lourd, mais je me suis bien éclaté dans la description de ce monde. Le personnage est classique mais je crois qu'il est à sa place ici. Bonne lecture.

Hope.

La lumière était tamisée, les verres sombres et sales et les gens n’osaient pas parler plus fort qu’un murmure. Le temps était à la peur, à la paranoïa et à la recherche de paradis virtuels pour échapper à la froide réalité. Le temps était à l’abandon de l’espoir et c’était exactement ce qu’il était venu chercher ici. Lentement, il fit coulisser en arrière une chaise à une table près des toilettes, s’asseyant dos contre le mur et bien loin de la porte principale. Ne jamais avoir l’entrée dans le dos, ne jamais laisser aux autres une chance de vous flinguer ; c’était sa devise.

« J’vous sers quelque chose ? »

Ses yeux fatigués et rougis par les drogues se levèrent sur la jeune femme qui le regardait comme une poubelle remplie à ras bord. Elle était simplement habillée d’un petit haut noué autour de ses seins, avec un jeans deux tailles trop petit pour elle qui la mettait logiquement en valeur. Malheureusement, alors que son corps était bien fait, son visage montrait toute sa fatigue et son abattement : des cernes cerclaient ses yeux alors que sa lèvre inférieure était rougie – sûrement par les coups de son mac. Ses cheveux étaient coiffés en chignon sans grâce et elle perdait ainsi toute la beauté qu’elle aurait pu avoir. Ça arrivait souvent par ici.

« Vodka. Pure. »

Sa voix était celle d’un homme las : rauque, fatiguée, elle n’était qu’un murmure dans la nuit, un croassement difficile à entendre et désagréable. Il passa lentement sa main dans ses longs cheveux sales et se laissa aller contre le mur, ses yeux vagabondant dans la salle. Il n’aimait pas venir ici mais c’était un des rares bars à lui accorder encore le droit de consommer – il n’était pas vraiment aimé par les propriétaires, en fait. Il avait la mauvaise réputation d’en dire trop quand il buvait un peu et de toujours s’attirer des ennuis. C’était vrai mais on pouvait dire la même chose de tous ceux qui vivotaient dans la ville basse ; seulement, lui en savait plus qu’eux et c’était pour ça qu’il n’était plus le bienvenu dans chaque rade après quelques visites. Heureusement, il avait encore de la marge ici.

La serveuse acquiesça sans rien dire et disparut dans la foule compacte des habitués et consommateurs de passage. C’était un petit bar paumé sur les docks d’une ville d’Afrique de l’Ouest, un de ces coins paumés où la recherche du pétrole, de l’or ou de toute autre chose capable de ramener de l’argent avait ruiné les gens et asséché les cœurs. Depuis la crise du précieux liquide noir et les émeutes qui avaient explosées dans les pays du Nord, le Sud s’était lentement laissé glisser dans la folie qui le menaçait depuis si longtemps et les lois n’étaient plus que des lointains souvenirs – même si ça avait été le cas auparavant.
Beaucoup de blancs étaient descendus dans ces villes où la chaleur était étouffante la journée pour espérer trouver quelque chose pour travailler ou au moins des drogues et de l’alcool pour passer le temps ; vu les plans de reprise drastiques au niveau mental et physique des pays occidentaux, l’Afrique et l’Asie étaient devenues les nouvelles destinations préférées des drogués et autres branleurs, et Hark en faisait partie.

Il était arrivé ici, dans cette cité désormais appelée Hope malgré le désespoir ambiant presque palpable, où survivaient différentes tranches de la population. Comme toute ville pourrie, on avait les politiques, les héros locaux, les flics, les gens normaux et les sous êtres qui gravitaient dans la ville basse. Avec les changements climatiques et surtout sociaux qui étaient intervenus depuis le début du XXIe siècle, bien des blancs étaient tombés dans la misère et c’étaient désormais les noirs qui étaient les plus puissants dans cette partie du monde.
Eux qui avaient été réduits à l’esclavage, qui avaient subi durant des années la pseudo supériorité des blancs et leurs diktats sur la gestion du monde, voilà qu’ils avaient l’occasion de vraiment reprendre le contrôle de leur continent, qui avait été encore tellement sous la coupe de la « race blanche » après les décolonisations. Ils ne laissaient passer aucune occasion de faire mal aux pauvres hères qui étaient venus quémander un peu d’argent ou de survie, et on ne pouvait pas les en blâmer ; la roue avait tournée, eux aussi avaient le droit de jouer.

Hark était donc un de ces imbéciles qui avaient fui leur pays natal pour éviter d’être redressé par les nouvelles politiques occidentales censées « sauver l’individu de lui-même face aux défis du réchauffement planétaire et des propres erreurs humaines ». Tout ça faisait froid dans le dos et lui avait rappelé ses lectures d’enfance, de George Orwell à Philip K. Dick et il ne pouvait s’empêcher de penser que si ces types vivaient encore, ils se seraient plombés pour éviter de voir ça. Ou alors ils se seraient drogués pour changer de chaîne dans la réalité ; le résultat serait de toute façon le même à la fin.

La serveuse revint et déposa sans envie la boisson sur sa table où plusieurs marques d’ongles étaient visibles et il ne voulait pas savoir pourquoi elles étaient là. Elle ne dit rien, ne lui demanda pas de payer tout de suite : ça ne se passait pas comme ça, dans la ville basse. Autant la ville haute tenait encore aux protocoles et à la politesse, autant celle située sous les rochers entourant la cité et accessibles uniquement par des cocottes dignes de leurs ancêtres dans les montagnes jadis propices au ski ne tenait plus à ça. Désormais, le consommateur venait de lui-même payer ou alors il sortait du bar les pieds devant – quand ça allait vite.
Les patrons de ce genre de rades avaient eu assez de souci pour ne plus prendre de risque, en fait : finies les dettes, finis les mauvais payeurs. Avec des anciens soldats blancs engagés comme mercenaires ou gardes du corps, les types qui voulaient boire à l’œil savaient qu’ils signaient leur arrêt de mort. La police fermait les yeux quand ses membres ne participaient pas eux-mêmes à ces opérations ; il n’y avait pas de petit profit, après tout.

Ses lèvres trempèrent dans la vodka pure mais une grimace apparut immédiatement sur son visage : elle était chaude. Même si la nuit était plus fraîche que la journée, l’Afrique restait l’Afrique – surtout avec le réchauffement planétaire. Les gens ne sortaient presque plus la journée, du moins ceux qui n’avaient pas l’équipement nécessaire pour survivre. Les ténèbres étaient rassurantes car plus fraîches même si la température était quand même de 35° en hiver. Evidemment, avec ça, les gens ne portaient pas grand-chose sur eux même si Hark avait toujours sa bonne vieille veste en daim.

Ça valait une jolie petite fortune même si elle était en mauvais état : sale, fatiguée, il était clair qu’elle n’avait plus été lavée depuis des années et il y avait même un trou sur le flanc droit – à l’endroit où on lui avait planté un couteau deux ans plus tôt. Ça ne se voyait pas vraiment mais c’était présent, et ça pourrait faire baisser la côte de la veste s’il se décidait à la vendre. Il empocherait un joli pactole car peu de gens pouvaient encore fabriquer ou porter ce genre de chose, mais jamais Hark ne ferait ça ; la veste avait une valeur sentimentale forte, son dernier vrai effet personnel sur la planète et donnée par quelqu’un qui avait beaucoup compté pour lui. Même s’il crevait de faim et de chaud, jamais il ne s’en séparerait. Et ça, les gens l’avaient bien compris – surtout après les multiples disparitions de ceux qui avaient été assez intéressés pour tenter de la lui prendre.

En plus de sa veste, qui lui donnait un air romantique même si ça n’était plus vraiment un compliment dans ce nouveau monde, Hark n’avait qu’un vieux jeans élimé et des baskets vertes. Il portait aussi un simple t-shirt blanc qui avait viré au gris depuis qu’il l’avait mis pour la première fois – trois semaines auparavant et sans aucune infidélité. Il puait, n’était pas rasé, ses cheveux étaient sales et ses yeux étaient plus rouges encore que le sang qui coulait dans ses veines, mais il tenait au moins sur sa chaise et pouvait encore se commander un autre verre après celui qu’il venait de terminer en deux coups. La soirée n’était pas si mauvaise, finalement.

Et lentement, elle passa.
Entre les types qui ne se contenaient plus et qui étaient amenés dans l’arrière salle pour être « calmés », ceux qui cherchaient à aller plus loin avec la serveuse et qui se rendaient compte de leur erreur vu le regard noir des gorilles ou encore les désespérés qui s’étalaient sur le sol après avoir absorbés trop d’alcool et de drogues, il n’y eut pas grand-chose d’exceptionnel. Hark se paya une deuxième vodka, lâcha les billets dès la deuxième venue de la serveuse et lui fit un petit sourire d’alcoolique. La pauvre fille devait vivre un enfer par ici mais ça ne le concernait pas plus que ça ; chacun avait ses propres problèmes et les siens étaient assez grands pour remplir le grand manoir au-dessus de la ville. Sachant que le bâtiment faisait plusieurs kilomètres de longueur, ses soucis étaient assez énormes.
Mais bon, ça n’était pas la mort non plus. Qui n’avait pas des problèmes dans la ville basse ? Qui ne devait pas de l’argent à quelqu’un ? Hark n’était qu’un raté parmi tant d’autres, un petit voleur, un petit tueur, un petit intermédiaire. Un type dont on avait besoin parfois pour gérer des choses pas trop compliquées et qu’on oubliait après. Il gagnait sa vie avec ses petits talents et il s’était fait une réputation avec sa veste : on l’appelait le poète avec elle, alors même qu’il n’était jamais parvenu à écrire le moindre ver décent. Il s’était fait connaître sous ce nom et il gagnait sa vie avec de petits larcins, dont l’argent filait directement dans ses narines. Sa vie n’était qu’une longue succession de déceptions en attendant le grand final, comme chaque personne vivant ici. Il n’était en rien quelqu’un d’original ; il se fondait complètement dans la masse miséreuse de cet endroit.

Il se leva tranquillement, nullement pressé. Il salua la serveuse et le patron du bar qui lui permettait encore de venir le soir prochain : il n’y avait pas eu de problème jusqu’à maintenant, c’était rare mais appréciable. Hark n’était pas aimé parce qu’il avait trempé dans beaucoup de sales affaires et beaucoup pensaient qu’il en savait de trop sur des gens importants ; évidemment, ce n’était pas le cas mais la peur pouvait faire beaucoup de chose et il en usait pour se jeter sur des coups qui pouvaient rapporter, mais ça ne lui faisait pas toujours du bien. Beaucoup de types donneraient cher pour lui filer une correction et il vivait une partie de cache-cache incessante dans la ville basse – même s’il n’était pas le seul à faire ça. Dans le bar, plus de la moitié des consommateurs vivait le même calvaire et c’était même l’habitude dans cette partie du monde que d’être pourchassé par des gros bras. Lui ne s’en tirait pas trop mal pour le moment, il n’avait pas à se plaindre.

La porte électrique – toutes les portes de la cité n’étaient que de grands rideaux d’électricité pure et sombre, faisant bien mal aux fous qui voulaient entrer sans que le dispositif soit activé pour ça – s’ouvrit sur la bouffée d’air chaud de l’extérieur et il toussa légèrement à cause de cette humidité terrifiante qui lui montait à la gorge. C’était ça le pire : il faisait chaud mais tout l’air était humide, moite comme s’il allait pleuvoir sous peu mais que ça ne venait jamais. Les nuages avaient abusés de leurs petites drogues pleines de gaz d’origine humaine et ils ne savaient plus vraiment ce qu’ils faisaient. Les météorologues s’étaient laissés aller aux drogues et au hasard pour prédire le temps du lendemain et il n’y avait même plus de météo après les journaux télévisés. Comme toujours, les gens vivaient avec ça, s’adaptaient et oubliaient bien vite le passé qu’ils avaient tant chéri jadis. L’Humanité semblait avoir un sens de la survie assez impressionnant, mais elle ne faisait pas de sentiment : ceux qui ne pouvaient pas aller de l’avant, ceux qui ne parvenaient pas à se détacher du passé ou avaient été blessés lors des grandes modifications étaient laissés de côté. L’Europe et l’Amérique se plongeaient têtes baissées dans la nouveauté et le changement, mais ses rejetons indignes, ses bâtards étaient jetés dans les anciennes poubelles du monde en espérant qu’ils y pourriraient aussi bien qu’ils l’avaient fait avant. Et ça fonctionnait.

Alors qu’il sortait une petite pilule grise pour la mettre sous sa langue, Hark se rappelait combien ça avait été facile de fuir l’Occident pour venir ici. Il était un raté et le savait mais ça avait été encore pire là-bas, où des campagnes entières de propagande avaient été faites pour faire partir ceux qui étaient considérés comme des parasites. Jadis, on avait jeté l’opprobre sur des franges particulières de la population pour expliquer les soucis économiques ou sociaux : les noirs, les juifs, les syndicalistes, les chômeurs…tout y était passé mais les manières de faire avaient évoluées d’un cran, maintenant.
A l’heure de la grande métamorphose de l’âme humaine, au moment où les gouvernements voulaient former des corps ultimes d’hommes et de femmes nés du même moule et élevés dans la même vision, les gens socialement originaux ou physiquement inférieurs aux autres n’étaient pas bien vus. Il avait eu l’impression de revenir dans le monde du début du XXe siècle avec tous les délires de certains petits êtres complètement fous qui avaient voulus forger un Reich de mille ans, simplement parce qu’ils avaient peur de disparaître sans n’avoir rien fait. Il n’était pas sûr que ça ait été vraiment la raison de leurs conduites, mais les livres d’histoire enseignaient ça et qui était-il pour aller contre leur savoir ? Après tout, il n’était qu’un raté.

« Oh pardon. »

Hark envoya un regard noir au crétin qui venait de le bousculer. Il le connaissait : c’était Job, un petit trafiquant comme lui qui était spécialisé dans l’import de drogues venues d’Asie. Il n’était qu’un des rouages d’une grande machine et n’était pas apprécié de ses supérieures, qui pouvaient le remplacer dans l’heure. Au fond, il était exactement comme tous les autres : il savait faire son boulot mais d’autres en étaient capables. Avec ses petites lunettes sombres et rondes, son crâne rasé et son grand manteau noir, il n’était qu’un cliché vivant de l’habitant de la ville basse, surtout avec sa petite taille. Il n’était rien d’autre qu’un élément interchangeable à chaque instant, une poussière sur le grand échiquier de l’univers – comme tout le monde, finalement. Mais lui était encore moins intéressant que d’autres et ne méritait même pas d’y figurer.

« Dégage. »

Il n’aimait pas les gens et Job ne faisait pas exception. Celui-ci bredouilla encore des excuses avant de passer à côté du bar pour se diriger vers une des rues annexes de ce labyrinthe. La ville basse était un gigantesque plateau de jeux contenant énormément de rues, ruelles, couloirs étranges, passages plus ou moins secrets, ponts au-dessus d’une rivière polluée et autres choses dignes des meilleurs anciens jeux vidéos. La réalité dépassait ici la fiction et les créateurs – des architectes fous s’étant défoncés à l’opium – avaient lâchés toutes leurs idées bancales dans cette pseudo cité. Hark la connaissait maintenant par cœur et se doutait déjà de la destination de Job : un type comme ça ne pouvait qu’aller voir les prostitués transsexuels de la rue Rouge. Il avait besoin de bonnes fessées et d’une domination totale, et seuls eux pouvaient lui donner ça. Il haussa les épaules avant de se remettre à marche, sentant les effets de la pilule dans ses yeux et dans ses mains.

En fait, c’était assez simple : ça picotait et il adorait ça. Cette drogue lui donnait l’impression que des petits insectes gravitaient sous sa peau ou ses yeux et c’était excellent malgré l’aspect répugnant que ça pouvait avoir en description. Il aurait pu se coller contre un mur et profiter pleinement de tout ça, et c’était d’ailleurs son intention, mais Hark fut troublé par des coups sourds contre un corps humain et des gémissements réguliers. Il savait que s’il ne se laissait pas rapidement aller, la drogue ferait son effet mais serait moins forte que s’il se concentrait totalement dessus ; il risquait donc de perdre une partie de son investissement mais en même temps, il voulait aussi savoir ce qu’il se passait – et pas par bonté d’âme.
Dans la ville basse, si quelqu’un se faisait frapper, il valait mieux regarder pour savoir qui s’en prenait à ce pauvre type et peut-être en profiter pour récupérer des choses sur le cadavre. La morale avait disparu depuis bien longtemps des esprits des hommes et Hark ne faisait pas exception. Même s’il perdait un peu de l’effet de la drogue, la perspective de récupérer quelque chose était bien plus attractive que quelques secondes de pur bonheur.

Discrètement, il s’approcha de la ruelle d’où provenaient les coups et s’accroupit pour regarder au mieux et prudemment ce qu’il se passait. Un type était couché sur le sol tandis que deux gorilles blancs aux cheveux longs en queue de cheval s’acharnaient sur lui. Ils étaient habillés d’un simple pagne autour des hanches et il les reconnut aussitôt : c’étaient des mercenaires barbares, des types qui se prenaient pour des héritiers de héros de vieux livres ou de vieilles bandes dessinées. Ils étaient réputés pour être durs, violents et ne laissaient surtout jamais de survivant. L’homme qui les avait embauchés devait vraiment en vouloir à sa cible – et Hark se rendit alors compte que c’était lui qui était visé.

Le type noir qui regardait calmement les deux gorilles tabasser le pauvre hère au sol était Julius Jules, un de ceux avec qui il avait négocié quelques jours auparavant…et ça s’était mal passé. L’opération s’était bien déroulée jusqu’à ce que Hark décide de partir avec la moitié de la cargaison de pilules grises – comme celle qu’il venait de prendre et qu’il avait racheté à celui qui avait hérité du butin – pour payer une vieille dette. Maintenant, il avait des soucis avec ce type et se préparait à escroquer quelqu’un d’autre pour lui rendre ce qu’il lui devait, mais Julius Jules semblait avoir d’autres projets en tête.
Evidemment, le seul fait de voir un des petits parrains de Hope dans la ville basse ne pouvait lui permettre de se sentir la cible de sa vengeance. C’était plutôt ses paroles, dites sur un ton calme et posé comme s’il était simplement en train de négocier un prix alors que le pauvre homme mourrait sous les coups des barbares, qui lui prouvaient ça.

« Dis-moi où est le poète. Je sais qu’il a été dans ce bar et c’est pour ça qu’on t’en a sorti, alors rends-toi la mort plus rapide et dis-moi vers où il est parti. »

Hark n’avait jamais vu la victime de sa vie mais ça ne l’intéressait pas : tout ce qui comptait était sa propre survie. C’était amoral, c’était mal même mais il s’en fichait. La ville basse n’était qu’un repaire de malfrats prêts à tuer père et mère pour passer une nuit de plus en enfer et il en faisait partie. Il n’était pas quelqu’un de bien et n’allait pas agir comme tel pour s’en sortir.
Au fond, il était clair que Julius Jules tomberait très rapidement sur lui et il n’avait rien pour le rembourser ou se défendre. La drogue avait déjà un effet sur lui et il ne pourrait pas tenir longtemps dans une course poursuite ; sa seule solution était de se débarrasser de Jules et des barbares en se livrant – ou en leur livrant quelqu’un.

Un sourire mauvais apparut sur son visage alors qu’il se levait et se précipitait vers la ruelle où était parti Job. Ce qu’il comptait faire n’était pas bien mais il s’en fichait. Julius Jules voulait voir le poète mourir ? Il allait l’avoir. Job n’était qu’un faire valoir, un sous fifre moins doué que Hark et qui n’avait que très peu d’ami. Il serait extrêmement facile de le faire disparaître mais le souci serait peut-être de le faire passer pour lui. Après tout, il était bien plus petit que lui et n’avait pas sa longue chevelure et sa barbe de quelques jours : ça risquait de faire assez tâche dans son plan. Mais le poète n’était jamais à court d’idée et savait exactement comment s’y prendre pour s’en sortir.

En quelques pas à peine, il repéra le petit Job qui se dirigeait comme il le pensait vers la rue Rouge. Il ne se doutait pas de ce qui allait lui arriver et Hark sortit immédiatement un petit couteau de sa poche. Malgré la fatigue et la drogue, il fut tout près de sa cible en quelques secondes et alors que celui-ci se réveillait enfin et se retournait pour voir ce qu’il se passait, le poète passa à l’action. Il tenta de crier et de se défendre, mais son agresseur lui avait déjà planté l’arme blanche dans l’œil droit après avoir fait tomber ses lunettes, et sa main posée sur sa bouche l’empêcha d’alerter quelqu’un.
En un instant à peine, Hark venait d’assassiner froidement quelqu’un qu’il connaissait et qui ne lui avait rien fait, et ça ne le dérangeait pas. La ville basse ressemblait à une cité de bande dessinée bien sombre où seules quelques rares couleurs venaient émailler le noir et blanc ordonné par l’auteur et la comparaison n’était pas fausse : les choses étaient globalement les mêmes. Seulement, là où la bande dessinée n’était qu’une fiction, Hope et sa sous cité étaient bien réelles et dans un monde bien plus dur et noir que celui de l’œuvre ancienne. Le poète n’était qu’un des bâtards de cet univers qui n’acceptait plus l’espoir comme possibilité, mais seulement comme souvenir antique d’une époque révolue. Il était l’incarnation du changement de l’Homme, qui décidait enfin de se regarder en face et de rire de sa folie.

Lentement, Hark laissa tomber Job sur le sol, mort après qu’il se soit acharné sur son œil avec son couteau. Il ne souriait pas : son visage était neutre à cause de sa concentration ; il ne devait pas se louper, sa vie en dépendant. Il approcha calmement la face de Job dont du sang coulait encore vers la porte électrique d’une habitation juste à côté. La ville basse était pauvre mais chaque bâtiment en était équipé et rares étaient les voleurs qui pouvaient vraiment les forcer sans subir les méchants effets secondaires de telles effractions. Le poète avait dans l’idée d’utiliser ça pour s’en sortir et il savait exactement quoi faire pour que Julius Jules croit que la loque qu’il tenait était bien lui.

Il posa le visage de Job contre la porte électrique et tint bon durant de longues minutes, tandis que le choc se répercutait dans son propre corps. Ça faisait mal, vraiment, mais le pire était bien sûr pour la face du pauvre homme : complètement brûlée par l’électricité, elle devenait lentement non reconnaissable et c’était bien sûr l’effet voulu. Avec ça, Hark pourrait passer à la suite de son plan et s’en sortir – si tout se passait bien. Ça n’était jamais le cas dans la ville basse mais peut-être aurait-il de la chance pour une fois.
Au moment où le visage de Job fut bien massacré, le poète laissa tomber son corps et s’écroula, vaincu et lui-même blessé. Le choc avait été vraiment très fort et il allait avoir de quelques instants pour que son corps retrouve un peu de normalité. Il savait qu’un peu de drogue lui ferait du bien, mais il avait peur d’empirer les choses en se trompant de dose et il n’avait de toute façon pas assez sur lui pour vraiment aller mieux rapidement. Il allait devoir récupérer tout seul, à l’ancienne mode ; il n’aimait pas ça.

Les secondes passèrent donc, lentement et douloureusement. Elles se transformèrent ensuite en minutes et alors que Hark était seul, couché sur le sol, il savait que Julius Jules n’allait pas tarder. Même si ça lui faisait mal, il devait se relever et finir le changement pour espérer s’en sortir. Il venait de tuer et de massacrer quelqu’un juste pour survivre et ça ne lui faisait rien, mais il ne devait pas gâcher ça en hésitant juste parce qu’il souffrait.
Au fond, le poète n’avait pas vraiment de morale même s’il savait déjà qu’il regretterait ça quand il serait plus clean : ça avait été moche, quand même. Il n’aimait pas tuer même s’il savait le faire naturellement et ce qu’il venait d’accomplir était moche mais nécessaire pour sa propre survie. La ville basse ne demandait qu’une chose à ses enfants : l’abandon total de toute éthique et il ne faisait que suivre ces préceptes. Ce n’était pas bien mais c’était la seule façon de vivre aussi – et il n’était pas encore prêt à mourir.

Lentement, il se releva et prit son couteau pour se couper très grossièrement les cheveux. Il alla le plus vite possible et fit tomber tous ses longs cheveux pour avoir une coupe assez laide à ce qu’il lui semblait, mais qui était assez courte et assez étrange pour éviter qu’on ne fasse le rapprochement avec lui. Il s’enleva aussi un peu de barbe sur les joues même s’il se blessa dans le mouvement et qu’il s’arrêta assez rapidement : avec la blessure et un peu de poils enlevés, ça devrait passer. Il finit enfin la transformation en mettant les lunettes noires et rondes de Job…et en donnant sa veste au cadavre.

Ça ne lui plaisait pas de devoir se débarrasser de son vêtement fétiche mais c’était ce qui allait conclure la transformation. Job n’était qu’un cadavre au visage inconnu comme ça, mais avec la veste, il serait le poète mort. Tout le monde savait combien il tenait à elle et ce qu’il ferait pour la protéger ; il était clair que si on la retrouvait sur quelqu’un, ça ne pouvait être que lui. Elle lui rappelait de rares bons souvenirs mais Hark aimait la vie malgré ce qu’il en disait et ce qu’il en faisait, et il ne pouvait accepter de finir tout ça maintenant. Et puis, il était allé trop loin maintenant : il ne pouvait reculer.
La mort dans l’âme, celui qui se faisait appeler le poète enfila son vêtement autour de Job et se colla contre le mur, usé et fatigué. Avec son t-shirt blanchâtre, ses lunettes et sa nouvelle coupe, il serait difficile de le reconnaître – voir même impossible si on ne s’occupait que du cadavre. Il devrait parfaire sa transformation plus tard, car il ne pourrait plus jamais être celui qu’il avait été. Il allait devoir se créer une nouvelle identité mais gèrerait tout ça le lendemain…s’il y en avait un.

Hark sentit son cœur s’accélérer, et pas uniquement à cause de la drogue, quand il vit Julius Jules et ses deux gorilles s’approcher. Il se décolla du mur et mit les mains dans ses poches, l’air calme alors que ça n’était pas du tout le cas. Il ne dit rien avant que le petit parrain ne s’arrête à deux mètres de lui, sachant très bien qu’on était en train de le détailler pour savoir qui il était. Il brûlait d’envie de fuir et d’essayer de se cacher quelque part mais il savait qu’il était en train de jouer le plus beau coup de sa carrière et que ça ne valait pas la peine de tout perdre à cause d’une petite peur de rien du tout.

De longues secondes passèrent ainsi, tandis que le petit homme aux yeux rougis eux aussi par la drogue et à la moustache sombre le fixait. Les deux barbares n’attendaient qu’un signe pour se jeter sur lui, mais Julius Jules décida de les décevoir en parlant d’une voix posée. Il n’avait jeté qu’un coup d’œil au corps allongé par terre et semblait ne plus s’y intéresser du tout ; Hark ne savait pas si c’était une bonne ou une mauvaise chose.

« Tu as tué le poète. Pourquoi ?
- Pour vous, m’sieur Jules. »

Sa voix était plus sombre que d’habitude. Il nageait en eaux inconnues mais sentait qu’il pouvait s’en sortir s’il tenait le coup. Les drogues l’aideraient à oublier tout ça si Julius Jules le laissait partir et il devait rester stoïque pour s’accrocher à cet espoir.

« J’ai entendu avant qu’vous l’cherchiez, j’ai voulu l’arrêter mais il a pas voulu coopérer. Ca a mal tourné et j’l’ai poussé contre la porte. Vous voyez le résultat.
- Vu sa tête, tu as fait plus que le pousser. »

Hark sourit comme si Jules venait de faire une blague. Intérieurement, il s’urinait dessus de peur mais heureusement ça ne se voyait pas physiquement – pas encore du moins.

« Un peu, oui. Mais il m’a blessé et j’ai pas aimé »

Il profita du filet de sang sur sa joue comme excuse et Jules resta à nouveau silencieux, le fixant toujours. Il savait qu’il était prêt de la sortie et de la fin de tous ses problèmes, mais tout pouvait s’écrouler d’un moment à l’autre. Il aurait bien eu besoin d’un appui artificiel pour tenir ; les drogues n’étaient jamais là quand il en avait besoin.

« Hum. Et pourquoi vouloir m’aider ?
- Vous êtes connu ici, m’sieur Jules. J’crois que m’faire bien voir par vous peut aider.
- Aider à quoi ?
- A faire mon trou.
- Tu es nouveau ?
- J’viens d’arriver, m’sieur. Ça fait quelques jours que j’zone, j’bois par ci, par là. C’est comme ça qu’j’ai entendu parler d’vous et d’lui.
- Hum. »

Jules se tut à nouveau. Pendant de longues secondes, Hark sentit que les poings des deux barbares pourraient lui tomber dessus et le réduire à néant et la tension était à son comble. Il était à deux doigts de craquer quand finalement, le petit parrain reprit la parole d’une voix très neutre, comme s’il n’avait aucun sentiment et n’éprouvait aucune joie à ce qui venait de se passer.

« Bien. J’aurais voulu le tuer moi-même mais ce n’est pas bien grave. Bienvenue en ville, petit. Au fait, quel est ton nom ? Que je le retienne si j’ai besoin de toi un jour. Le poète avait une utilité malgré ses défauts, ça te dirait de reprendre sa place ?
- Ca me dirait bien, oui. Et j’m’appelle le Prosateur, m’sieur Jules.
- Le Prosateur ?
- Ouaip. J’aime les mots et je sais les manier, donc ça me paraît bien.
- Ça ressemble au poète – trop pour que ça me plaise.
- Mais c’est bien moins incompréhensible et nuancé, m’sieur. C’est bien plus clair qu’un poète.
- Hum. »

Hark allait peut-être loin avec son nouveau surnom mais il aimait le risque malgré tout. Ça lui était venu par hasard et il n’avait pas pu contrôler son envie de défier Jules. C’était peut-être une grosse erreur et les sourires des gorilles semblaient le prouver, mais heureusement le petit parrain sourit légèrement – la première fois qu’il faisait ça devant lui. Il ne savait pas bien comment le prendre : était-ce bien ? Etait-ce mal ? Les paroles du petit homme vinrent le rassurer même s’il n’était toujours pas à l’aise.

« Tu es drôle, monsieur le Prosateur. Drôle et un peu fou, voir suicidaire. Mais ça ira pour ce soir. A bientôt.
- Bonne soirée, m’sieur Jules. »

Il lui fit un léger signe de tête auquel Hark répondit avant de disparaître dans la nuit chaude et humide de la ville basse, avec ses deux monstres. Hark se laissa aller contre le mur et sua à grosses gouttes ; il n’arrivait pas à se rendre compte de ce qu’il s’était passé. Il avait réussi ! Il s’en était tiré et il avait même effacé tous ses problèmes d’un seul coup ! En tentant un bluff impossible, il était parvenu à s’en sortir parfaitement et avait même droit à une nouvelle chance. Ça n’arrivait pas tous les jours et il sortit deux pilules grises pour les prendre en même temps. Ça n’était pas indiqué mais il devait bien fêter ça, non ?
Il n’y croyait toujours pas. Il avait changé de nom, changé de nom et tout s’était bien passé. Le poète était mort mais le Prosateur venait de naître, c’était inespéré. Il devrait réfléchir à tout ce qu’il pourrait faire mais il savait qu’il allait aimer ça. La ville basse lui donnait la possibilité de tout recommencer et il allait en profiter ; ses ennemis allaient souffrir et ses amis l’oublier pour qu’il s’en fasse d’autres. Hark était une ordure et il avait l’opportunité de faire tout ce qu’il voulait sans qu’on vienne trop rapidement l’arrêter. C’était génial, se dit-il alors qu’il partait dans l’univers de la drogue et qu’il explosait d’un rire de fou, à quelques mètres à peine d’un corps qu’il avait abandonné là et dont il ne se souciait plus. Job n’était rien pour lui et il ne se rappellerait peut-être pas de lui le lendemain s'il avait de la chance.

C’était ça aussi, la ville basse : un monde où les méchants gagnent contre les moins méchants et où les gentils n’existent pas. Et Hark adorait ça.
Réponse avec citation
  #124  
Vieux 27/08/2008, 14h44
Avatar de Deadpoule
Deadpoule Deadpoule est déconnecté
Super Héros maitre du monde
 
Date d'inscription: mai 2008
Messages: 499
Deadpoule change la caisse du Fauve
Yeah ! En glissant vers le bas de la page pour écrire cette ligne, j'ai cru lire le nom de Hark dans ce second texte Sin City donc
__________________
- Bon, fallait s'y attendre, je comprends rien à cette BD ; je ne sais même pas comment la lire ; et en plus c'est écrit très petit et la police est moche :-(
Maman

>> J'écris des trucs ici
Réponse avec citation
  #125  
Vieux 27/08/2008, 14h49
Avatar de Ben Wawe
Ben Wawe Ben Wawe est connecté maintenant
Dieu qui déchire sa race
 
Date d'inscription: juin 2004
Messages: 19 050
Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
C'est un personnage de Sin City ? Je pensais avoir créé ce nom tout seul.
Réponse avec citation
  #126  
Vieux 27/08/2008, 15h21
Avatar de Deadpoule
Deadpoule Deadpoule est déconnecté
Super Héros maitre du monde
 
Date d'inscription: mai 2008
Messages: 499
Deadpoule change la caisse du Fauve
Au temps pour moi, j'ai confondu avec le cardinal Roark--
__________________
- Bon, fallait s'y attendre, je comprends rien à cette BD ; je ne sais même pas comment la lire ; et en plus c'est écrit très petit et la police est moche :-(
Maman

>> J'écris des trucs ici
Réponse avec citation
  #127  
Vieux 27/08/2008, 15h57
Avatar de Ben Wawe
Ben Wawe Ben Wawe est connecté maintenant
Dieu qui déchire sa race
 
Date d'inscription: juin 2004
Messages: 19 050
Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
Tss...
Sinon, Hark il y a dans Planetary par contre.
Réponse avec citation
  #128  
Vieux 27/08/2008, 18h00
Avatar de Deadpoule
Deadpoule Deadpoule est déconnecté
Super Héros maitre du monde
 
Date d'inscription: mai 2008
Messages: 499
Deadpoule change la caisse du Fauve
Vi, bien vu !
__________________
- Bon, fallait s'y attendre, je comprends rien à cette BD ; je ne sais même pas comment la lire ; et en plus c'est écrit très petit et la police est moche :-(
Maman

>> J'écris des trucs ici
Réponse avec citation
  #129  
Vieux 11/09/2008, 02h04
Avatar de Deadpoule
Deadpoule Deadpoule est déconnecté
Super Héros maitre du monde
 
Date d'inscription: mai 2008
Messages: 499
Deadpoule change la caisse du Fauve
Le choix :

J'aime bien ce texte. Même si décidément les interrogations du héros sur la légitimité de son acte, sur ses doutes etc. c'est du réchauffé. Ca a tout à fait sa place dans le récit mais j'ai tellement vu/lu ce genre de dilemmes psychologiques que je trouve ça redondant. Mais comme je l'ai dit, ça a tout à fait sa place dans ton récit.
Il y a cet extrait qui résume bien les tourments du héros :
"Je ne peux pas continuer à vivre alors que ma femme est morte et qu’on me voit comme un sous être, même si ça veut dire qu’elle m’en voudrait si elle savait ce que j’ai fait…mais elle n’est plus là pour me le dire à cause de lui et c’est donc normal qu’il paye pour ça."
Ainsi il est prit dans un cercle vicieux : de la manière dont je le comprends, il se venge car sa seule raison de vivre n'est plus là pour l'empêcher d'agir ainsi. Il choisit la voie du mal car sa femme ne peut plus le remettre dans le droit chemin.
Je trouve ça très beau !
Sinon comme d'hab, j'adore ces textes d'anticipations qui jettent de-ci de-là des brides de ce qu'est devenu le monde. C'est cool !
Par contre, le coup du héros qui perd sa femme, n'a plus de jambes et dont la belle soeur est la JUMELLE de sa femme-- t'as encore pas pu t'en empêcher mon salaud
Et aussi pour finir : quel rapport y-a-t-il entre ce texte et tes études ?

Je suis en train de lire Hope. Je t'en dis plus vendredi. En attendant, j'aime que l'histoire se passe dans le futur, en Afrique
__________________
- Bon, fallait s'y attendre, je comprends rien à cette BD ; je ne sais même pas comment la lire ; et en plus c'est écrit très petit et la police est moche :-(
Maman

>> J'écris des trucs ici
Réponse avec citation
  #130  
Vieux 11/09/2008, 09h50
Avatar de grogramane
grogramane grogramane est déconnecté
kein engel sein
 
Date d'inscription: octobre 2004
Localisation: Planète Mars....eille
Messages: 13 562
grogramane mange des frites avec Moule Boygrogramane mange des frites avec Moule Boygrogramane mange des frites avec Moule Boygrogramane mange des frites avec Moule Boygrogramane mange des frites avec Moule Boygrogramane mange des frites avec Moule Boygrogramane mange des frites avec Moule Boygrogramane mange des frites avec Moule Boygrogramane mange des frites avec Moule Boygrogramane mange des frites avec Moule Boygrogramane mange des frites avec Moule Boy
Citation:
Posté par Deadpoule
Voir le message
Et aussi pour finir : quel rapport y-a-t-il entre ce texte et tes études ?
peut etre s'interoge t'il sur la place de la "vraie" justice dans l'exercice du droit penal?
__________________
"l'homme qui a perdu la faculté de s'émerveiller et d'etre frappé de respect est comme s'il avait cessé de vivre" A.Einstein

Excusez mon humour de chiottes mais c'est parce que j'y mets tous les déchets de mes sentiments.
Réponse avec citation
  #131  
Vieux 11/09/2008, 18h42
Avatar de Ben Wawe
Ben Wawe Ben Wawe est connecté maintenant
Dieu qui déchire sa race
 
Date d'inscription: juin 2004
Messages: 19 050
Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
L'idée était vraiment de montrer certaines choses qui m'interpellaient et qui me faisaient m'interroger sous la forme d'un texte assez classique dans son style, mais en y ajoutant des choses que j'espère plus originales (comme la fin pas vraiment happy end, cette grande influence de la femme dans la vie d'un homme comme ça - je suis persuadé que la gente féminine empêche bien des hommes de devenir monstrueux d'ailleurs). Ca reste un texte "coup de coeur" du moment, évidemment.
Après, Grogra a totalement raison : je fais du Droit, j'ai fait du pénal et j'en fais encore cette année. Ca m'a amené à des interrogations sur ce sujet qui se sont répercutées ici.

Après, j'adore aussi glisser quelques petits éléments de SF futuriste dans les textes. Je les trouve de suite plus croustillants !
Réponse avec citation
  #132  
Vieux 12/09/2008, 01h04
Avatar de Deadpoule
Deadpoule Deadpoule est déconnecté
Super Héros maitre du monde
 
Date d'inscription: mai 2008
Messages: 499
Deadpoule change la caisse du Fauve
Citation:
Posté par Ben Wawe
Voir le message
Après, j'adore aussi glisser quelques petits éléments de SF futuriste dans les textes. Je les trouve de suite plus croustillants !
Idem
__________________
- Bon, fallait s'y attendre, je comprends rien à cette BD ; je ne sais même pas comment la lire ; et en plus c'est écrit très petit et la police est moche :-(
Maman

>> J'écris des trucs ici
Réponse avec citation
  #133  
Vieux 17/09/2008, 19h30
Avatar de wallyvega
wallyvega wallyvega est déconnecté
Didier Super de la BD
 
Date d'inscription: avril 2006
Localisation: Galaxie
Messages: 3 775
wallyvega change la caisse du Fauve
Toujours très bien. Et sur la longueur, qui plus est. Bravo, tu m'impressionnes!
Pour ma part, je me sens bien incapable d'introduire le moindre élément SF dans mes textes; le fantastique me tente de plus en plus. Bien que ce ne soit pas incompatible.
__________________
"Please allow me to introduce myself. I'm an alien superfiend. I've come tonight to judge you all. Let me say you what I mean! Pleased to meet you. Judge Death is my name!"

Ted Notts: Galaxy Trotter!

Moi aussi, je raconte des histoires.
L'atelier
Réponse avec citation
  #134  
Vieux 17/09/2008, 21h41
Avatar de Ben Wawe
Ben Wawe Ben Wawe est connecté maintenant
Dieu qui déchire sa race
 
Date d'inscription: juin 2004
Messages: 19 050
Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
J'adhère très, très peu au fantastique, personnellement. C'est drôle.
Merci en tout cas !
Réponse avec citation
  #135  
Vieux 21/09/2008, 23h12
Avatar de Ben Wawe
Ben Wawe Ben Wawe est connecté maintenant
Dieu qui déchire sa race
 
Date d'inscription: juin 2004
Messages: 19 050
Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
Un petit texte dur, mais qui est assez bien mené j'espère.

Héros & Vilain.

« Allez…tu crois vraiment t’en sortir aujourd’hui, loser ? »

Ed reçut un violent crochet du droit suivit d’un trop brutal coup dans le ventre. Il roula lourdement sur le sol, ses Bracelets de Force lui râpant la peau des avants bras. Du sang commença à en couler, et il releva des yeux inquiets sous son masque vers le Frelon, un des nouveaux supers crétins qui avaient fait leur apparition en ville depuis quelques années. Ça faisait déjà plusieurs fois qu’ils s’affrontaient mais jamais Ed n’avait été en si mauvaise posture : il avait tenté de voler la Banque principale de Midtown mais ce type était passé par là et avait frappé un de ses Bracelets si fort qu’il ne pouvait plus l’utiliser. Il n’avait plus qu’une de ses armes et se sentait mal ; ça allait être dur.

« Comme à chaque fois, mon grand. »

Il se releva lentement et recula, son costume l’empêchant encore une fois de bouger comme il le voulait. Il portait un gros vêtement rembourré noir, utilisé généralement par les cascadeurs qui devaient faire les torches humaines. Il l’avait volé lors d’un de ses derniers boulots à Los Angeles, et depuis l’utilisait pour se protéger des contrecoups de ses Bracelets de Force. Ça lui faisait tout le corps, et il avait des grosses bottes et des gants isolants ; seul son visage n’était pas isolé mais il portait un masque assez rembourré pour éviter les contrecoups les plus violents. Il avait fait deux petits trous pour ses yeux et ne portait aucun signe distinctif : il recherchait l’efficacité, pas la réputation comme les tarés qui aimaient combattre des super héros, et il n’avait même pas de nom de code tant il trouvait ça stupide. Malheureusement, il risquait bien de finir comme ceux qui adoraient ça.

Même s’il avait encore un Bracelet et pouvait donc espérer se défendre, le Frelon était un dingue : il était plus fort et agile que la moyenne et savait comment se battre. Ils avaient souvent échangés des coups et Ed ne s’en était sorti que par miracle. Il avait espéré un coup facile pour se retirer quelques mois et avait presque réussi quand ce type au costume noir et gris était apparu et lui avait envoyé un uppercut dans les dents. Depuis, il en sentait quelques unes branlantes et il savait que ça ne plairait pas à Jenny, mais que pouvait-il faire ? Il n’était bon que pour ça et même si la petite détestait ne pas savoir ce qu’il faisait, il ne pouvait pas tout lui dire…ça l’aurait détruite.
Néanmoins, il ne devait pas penser à ça : même si le coup était loupé, le Frelon ne se laisserait pas avoir trop facilement et Ed devait éviter de se faire prendre. Déjà que tout allait mal en ce moment, mieux valait éviter de choquer Jenny à jamais en allant en prison.

« Arrête tes bêtises, petit. Tu sais bien que tu ne peux rien contre moi. Epargne ton corps et les médecins qui vont te soigner : rends-toi et je saurais me montrer magnanime. »

Le Frelon avait toujours été quelqu’un de prétentieux et d’arrogant, mais là il allait loin. Apparemment, il avait eu des soucis personnels vu ce que la « communauté » criminelle savait et il avait souvent besoin de décharger sa colère sur quelqu’un. Ed était désolé pour lui s’il allait mal – comme pour tout le monde, d’ailleurs – mais ça n’était pas pour ça qu’il se laisserait tabasser sans rien dire. Il avait des responsabilités lui aussi, avec une famille à soutenir et à gérer. Même si son « travail » n’était pas honnête et bien vu, ça restait la seule chose qu’il savait faire et il devait s’échapper…comme toujours. Dans sa branche, fuir était presque aussi important que se battre : c’était même le cours numéro un pour les nouveaux.

« Désolé, mais ça ne va pas être possible, j’ai un rendez-vous ! »

Ed n’avait jamais été le roi de la réplique mais il était là particulièrement mauvais pour une bonne raison : il avait peur. Le Frelon avait frappé très fort et il n’avait aucune envie de subir à nouveau ses attaques si brutales. Il voulait l’argent mais il voulait surtout que Jenny ne soit pas trop inquiète en le voyant ainsi. Evidemment, il aurait fallu choisir un autre « boulot » pour éviter ça mais il n’avait pas le temps pour ce genre de problèmes psychologiques : un dingue surhumain voulait passer ses nerfs sur lui, il devait partir au plus vite.
Seulement, comment pouvait-il faire ? Ils étaient tous deux dans une banque dont le système de sécurité les fixait et où les gardes étaient à terre mais prêts à tirer à chaque signe du Frelon. Lui-même n’avait plus qu’un seul Bracelet de Force, ses inventions qui lui permettaient d’envoyer des vibrations plus ou moins fortes vers ses adversaires. En fait, Ed était un petit génie qui avait été humilié et utilisé toute sa vie par des entreprises diverses et il en avait eu un jour assez de travailler sur des choses qui serviraient à d’autres pour leur réputation. Il avait été un « nègre » de la recherche et il avait craqué, tout simplement : il avait créé ces bracelets qui projetaient des ondes vibratoires et était devenu un voleur pour reprendre à la société ce qu’elle lui avait pris. Malheureusement, ça ne fonctionnait pas toujours bien – comme maintenant.

« Tu ne vas nulle part, loser. »

Jamais il n’avait vu le Frelon aussi tranchant et méchant : il lui faisait vraiment peur. Il devait partir au plus vite, mais comment ? Il sentait que le type en face de lui voulait lui casser des os mais avec seulement un de ses Bracelets actif, ça n’allait pas être possible : ça ne serait jamais suffisant pour une diversion. Il se refusait à utiliser celui qui avait été touché parce qu’il ne savait pas de quels dommages il souffrait : ça pouvait aussi bien l’aider à sortir d’ici que faire des victimes et il n’avait aucune envie d’aller jusque là. Il n’était qu’un voleur, jamais il ne s’abaisserait à tuer.

Le Frelon leva le bras pour le frapper et il se rendit alors compte combien le héros s’était avancé : il fallait qu’il agisse maintenant, sinon ce serait trop tard. Soupirant lourdement, il appuya sur la commande de son dernier Bracelet de Force et tira sur le torse de son adversaire, mais sans grand succès. Il ne calibrait jamais ses armes à leur force maximale parce qu’il ne voulait pas blesser quelqu’un, et même ce malade ne méritait pas ça ; au fond, Ed était un profond non violent et faisait toujours attention à ce que personne ne soit touché gravement par ses attaques. Il ne visait que les grands groupes et les grandes banques qui utilisaient des gens comme lui pour leurs basses manœuvres et en tiraient après tout le profit. Il leur prenait de l’argent parce qu’il en avait besoin mais aussi parce qu’il avait besoin de se venger de tout ce qu’il avait vécu dans son existence.
Malheureusement, il regrettait quelque peu d’être aussi peu violent maintenant : le Frelon s’approchait toujours et il n’avait plus beaucoup de solution pour s’en sortir. Il était dos au mur, littéralement, avec la sortie bien trop loin et sans grande chance de fuite. Il était perdu.

Les flashs de Jenny vinrent alors dans son esprit : son rire, son sourire, sa joie de vivre, ses paroles d’amour vis-à-vis de lui…ça faisait mal de penser qu’il allait la décevoir alors qu’il avait fait tout ça pour lui payer un voyage comme elle l’avait toujours espéré. Il devait faire quelque chose pour empêcher ça : d’un geste rageur, il releva son Bracelet de Force et appuya férocement sur le bouton tout en visant le plafond. Même si c’était désespéré, peut-être que ça distrairait assez le Frelon pour qu’il puisse s’enfuir. Le plan n’était pas mauvais et aurait pu s’avérer bon, mais il fut autre chose : il fut brillant mais sans qu’Ed ne l’ait vraiment prévu.

Les ondes vibratoires entrèrent rapidement en contact avec la structure de la banque mais ce qu’il ne savait pas, c’était que cette dernière était branlante et devait bientôt être rénovée : sans qu’il l’ait vraiment imaginé, le plafond s’écroula totalement, entraînant avec lui deux piliers qui le soutenaient auparavant ! Ed fit les gros yeux en voyant ça, mais surtout quand la majorité des débris tombèrent sur le Frelon !

Sans vraiment comprendre ce qu’il se passait, il recula et se dirigea vers la sortie, prenant au passage l’argent et faisant assez les gros yeux aux gardiens pour qu’ils sortent de leur léthargie et se relèvent. Il avait déjà fait sortir tous les clients dès le début de son casse, mais il ne voulait surtout pas que quelqu’un soit blessé…quelqu’un d’autre, tout du moins. Il ne connaissait pas le degré de puissance du Frelon, mais il risquait bien de sentir passer ça.
En quelques secondes, ils furent dehors alors que la banque entière s’effondrait, ou au moins sa plus grosse partie. Les coffres avaient dû être détruits mais il savait – par ses recherches préalables – que la majorité de l’argent qu’il n’avait pas pris était protégé : les systèmes de protection et de défenses étaient bien capables de résister à tout ça. Il compta rapidement les gardes et se rendit compte avec soulagement qu’aucun ne manquait : il n’y avait normalement aucune victime…sauf peut-être le Frelon.

L’ambiance était étrange à l’extérieur : les gens ne savaient pas vraiment ce qu’il s’était passé et Ed lui-même n’en avait qu’une vague idée. Il se rappelait avoir tiré et il comprenait comment la structure avait été réduite en poussière, mais il ne savait pas quoi faire. Devait-il partir ? S’enfuir ? C’était la chose évidente mais il n’y arrivait pas : il n’avait jamais voulu tuer et même si le Frelon avait eu son regard de fou, ça n’était pas une raison pour lui faire ça. Il se retrouvait donc comme les autres à regarder les décombres encore fumants, espérant comme un imbécile que tout se passerait bien et que le héros se relèverait – et ce fut heureusement le cas, mais pas pour longtemps.

Le Frelon leva donc la main des ruines et se remit lentement sur pied, mais retomba lourdement la seconde d’après. Des gardiens coururent vers lui et rassurèrent immédiatement la population : il était bien vivant et Ed soupira. Même si le héros avait beaucoup souffert et s’était sûrement pris trop de choses sur la tête pour s’en sortir sans dommage, il allait vivre et c’était tout ce qui comptait.
En fait, il n’aurait jamais pu vivre avec une mort sur la conscience : c’était tout ce qu’il détestait dans sa « profession », ces types qui tuaient pour arriver à leurs fins. Lui n’était qu’un voleur avec un peu de style et beaucoup d’originalité, rien d’un monstre. Il leva son Bracelet de Force pour empêcher les policiers de l’arrêter et se fit rapidement un passage dans la foule qui s’ouvrait devant lui, finalement plus intéressée par l’état de son héros que par l’arrestation du criminel responsable de tout ça. Même s’il serait détesté pendant longtemps après ça pour ce qu’il venait de faire, il avait gagné quelque chose d’inestimable : il avait vaincu le Frelon, chose extrêmement rare dans la « communauté ». Même s’il prenait une petite retraite, Ed savait que grâce à ce coup de chance extraordinaire, il venait de se faire une belle place dans la hiérarchie criminelle car il avait fait le coup et battu le héros. Ça faisait plaisir.



« C’est…c’est vrai ? On part vraiment en vacances ? Au soleil ?
- Oui, ma chérie. On part vraiment en vacances, et au soleil.
- M…merci ! Merci papa ! »

Jenny sauta au coup d’Ed et celui-ci soupira : ça faisait du bien. Il avait fait tout ça pour que sa petite fille de dix ans puisse partir au soleil et se reposer après son opération, et il savait qu’avec ça les choses iraient mieux. Même si elle aurait peut-être des séquelles de la transplantation, elle pourrait au moins grandir et évoluer dans un environnement plus sain que la Grosse Pomme et près de l’eau, cette vaste étendue qu’elle connaissait si peu. Oui, les choses allaient s’arranger maintenant.

« M…mais comment t’as fait ? C’est cher ! Et…et je sais que c’est dur de travailler, et…
- Chuuut, chut ma chérie : tout va bien, j’ai gagné de l’argent en vendant quelques brevets et tu sais bien que ma petite princesse passe avant tout.
- Mais…mais c’est pour toi, c’est ton argent… »

Ed avait le cœur brisé de voir comment son enfant était prête à refuser de réaliser son rêve pour son père. Depuis qu’il avait quitté son travail à l’entreprise qui lui prenait toutes ses inventions jadis, ils avaient dû vivre une existence difficile, tenaillés par la faim parfois quand il ne s’en sortait pas. Plus d’une fois, il avait raccroché pour reprendre un boulot normal mais on savait qu’il avait refusé de continuer à être un « nègre » et personne ne voulait d’un élément perturbateur. Il était rejeté, perdu dans un monde si dur pour ceux qui n’ont pas d’argent et il avait dû reprendre les Bracelets pour tenter de gagner un peu d’argent pour nourrir sa fille. Heureusement, tout semblait être fini mais ils étaient passés par tant d’épreuve…c’était dur que tout irait bien après tout ça.

Déjà, sa femme était morte quand Jenny était née et ça avait été difficile, mais quand pour ses cinq ans ils avaient eu comme « cadeau » la terrible maladie du cœur de la petite, il avait cru son monde exploser. Il passa des semaines à déprimer mais finit par se reprendre quand elle allait vraiment mal ; ce fut là qu’il arrêta le plus longtemps ses activités criminelles pour se rappeler aux bons souvenirs de certains « contacts » dans la « communauté » : même si personne n’aimait faire payer ceux qui avaient des dettes envers soi dans ce monde, il l’avait fait quand même. Ceux qui s’en étaient tirés par chance lors de ses interventions face aux supers héros acceptèrent de le payer et il put donner les soins appropriés à sa petite princesse. Et par chance extraordinaire, un cœur se libéra à temps et elle put aller mieux, même si les choses allaient vraiment s’arranger maintenant qu’ils pourraient partir.

« Je sais, mais tu es ma chérie et tu en as besoin. On va tranquillement aller au soleil, on va se reposer et tu iras mieux.
- Mais…et ton travail ?
- Ils m’ont donné un congé longue durée. »

Jenny ne savait pas qu’il avait arrêté de travailler : il n’avait jamais voulu lui avouer ce qu’elle faisait et ne le lui ferait jamais. Il ne pourrait plus la regarder en face si elle savait.

« C’est…c’est génial, papa. C’est vraiment super ! On va aller au soleil ! Avec la mer !
- Oui, et tu pourras t’y baigner et aller mieux. »

Il caressa tendrement son visage. Ils se trouvaient dans Central Park, par une belle journée de printemps. Jenny était magnifique et elle lui rappelait tant sa mère qu’il aurait pu en souffrir mais il aimait trop sa fille pour assombrir cette journée. La disparition de son unique amour avait été terrible mais il avait tout sacrifié pour son enfant et voulait s’y tenir ; même s’il avait mal, il voulait qu’elle vive une journée sublime – il pleurerait cette nuit, quand elle serait couchée, comme d’habitude.

« On va faire un tour ?
- Oui ! »

Elle était excitée comme une puce. Même s’il savait qu’elle ne devait pas faire trop d’efforts pour éviter que son cœur ne soit trop fatigué, Ed décida de la laisser tranquille aujourd’hui. Ce n’était pas une journée comme d’habitude, après tout : ça faisait deux jours qu’il avait vaincu le Frelon, il avait déjà tout réservé et s’était arrangé pour qu’on ne remonte pas jusqu’à lui. Il avait entendu que le héros devait sortir en fin de soirée mais eux seraient déjà loin ; il n’avait aucun souci à se faire, tout irait très bien.
En fait, il avait même contacté quelques connaissances dans la « communauté » et avait entendu qu’il était un peu comme une légende, maintenant. Même s’il n’avait pas la réputation d’un Hyperion ou d’un Silence, il avait sauté plusieurs niveaux pour être très bien vu maintenant – et ça faisait plaisir. Même s’il n’avait plus envie de faire ça pendant plusieurs mois, ça faisait du bien de se sentir apprécié dans sa « branche », même si c’était « mal ». Il avait toujours su que ce qu’il faisait n’était pas « bien », mais il était tellement dégoûté par ce monde et cette société qu’il s’en fichait. Les gens se protégeaient derrière des valeurs perdues, derrière des espoirs toujours déçus et lui ne le supportait plus. Même s’il ferait tout pour que Jenny ne sache jamais ce qu’il faisait, il n’avait pas de vrai problème moral par rapport à ça ; après tout, il ne faisait que voler les riches, non ? Même avec tout ce qu’il prenait, ils avaient encore assez pour survivre.

« Tu veux une glace ?
- Oh oui ! Oui !
- Quel parfum ? Vanille ? Chocolat ? Frai… »

Mais Ed n’eut jamais le temps de finir sa phrase : un énorme choc le propulsa à terre, et les premières douleurs aux côtes et à la poitrine lui firent comprendre ce qu’il se passait. Il se faisait attaquer et rouer de coups. Quelqu’un venait d’arriver lourdement derrière lui, et le lançait avec une violence incroyable. Il rencontra quelques secondes plus tard un objet dur qui devait être un tronc, et Ed sentit son nez craquer. Du sang coula lentement dans sa gorge et sur ses lèvres, et il rouvrit légèrement les yeux : pas assez pour voir tout le parc mais juste ce qu’il fallait pour entrapercevoir un poing le frapper violemment au front. Il s’écroula à nouveau, son corps hurlant de douleur.

« Sale petite ordure ! »

Cette voix…il la connaissait. Il l’avait déjà beaucoup entendu dans sa « carrière » et elle était liée à de très mauvais souvenirs. C’était celle du Frelon, et c’étaient bien ses poings qui s’acharnaient sur son visage et sa poitrine. Il ne devait sortir que le soir, mais il avait dû se dépêcher pour fuir de l’hôpital et le retrouver. Il voulait sûrement se venger, et Ed faisait maintenant figure d’un punching-ball pour ce super héros apparemment troublé dans sa vie personnelle et qui avait besoin de se déchaîner.
En fait, personne ne savait pourquoi le Frelon allait mal en ce moment mais la « communauté » sentait qu’il n’allait pas bien tant ses interventions étaient plus brutales que d’habitude. Malheureusement, Ed en faisait la triste expérience.

« Tu croyais pouvoir m’humilier, hein ? Tu croyais pouvoir gagner aussi facilement ? On ne fait pas ça au Frelon ! On ne s’en va pas en m’ayant battu ! C’était facile de te retrouver, sale ordure ! Tout le monde peut savoir qui sont les sales types dans ton genre mais j’ai voulu te laisser tes chances, les autres fois ! Mais tu m’as humilié et tu croyais t’en tirer ?! Mais tu vas crever, ouais ! »

Sa colère était terrible et Ed en aurait frissonné s’il n’avait eu les yeux fermés et s’il n’avait pas été aussi terrifié. Il encaissait les coups sans rien dire ou faire, ne sachant comment gérer un dingue dans un tel état. Il avait bien ses Bracelets de Force dans son sac qui se trouvait près de lui, mais il ne les avait pas réparés et doutait de toute façon d’avoir le temps de les utiliser. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était…

« Oh mon dieu ! Elle ne respire plus ! »

Le sang d’Ed se figea à cet instant, et celui du Frelon aussi vu qu’il ne fit plus rien. Difficilement, il rouvrit les yeux et vit plusieurs personnes affairés autour d’un petit corps dont il connaissait déjà l’identité mais qu’il ne pouvait accepter. Le cœur battant la chamade, se fichant complètement du Frelon, il se releva difficilement et s’approcha de la foule qui s’était amassée autour de la scène. Saignant, claudiquant, il n’avait pas bonne figure mais s’en fichait : tout ce qu’il voulait, c’était être rassuré ; tout ce qu’il voulait, c’était ne pas voir le visage de sa fille sur le sol, immobile et sans vie. Mais malheureusement, ce fut le cas.

« Oh non…non…nonononononononon… »

Il tomba à terre, les bras ballants et les yeux mi-clos par les coups du Frelon, à quelques centimètres de sa fille. La foule s’était ouverte et un pompier stationné au parc était à ses côtés, les yeux baissés et les doigts sur sa nuque. La neutralité de son visage était claire : ça n’allait pas bien. Il se dépêcha d’appuyer sur sa poitrine et de lui insuffler de l’air par les lèvres, mais ses multiples tentatives ne semblaient rien changer.
A ce moment-là, le temps commença à devenir étrange pour Ed : il ne pouvait comprendre ce qu’il se passait, il ne pouvait accepter tout ça. Son corps était blessé, ses muscles lui faisaient mal mais ce n’était rien par rapport à son cœur qui ne battait plus. La douleur était affreuse et il ne pouvait détacher son regard du petit corps de sa fille…qui ne bougeait plus. Le sang coulait de ses plaies mais ne serait jamais suffisant pour montrer toute sa souffrance. On venait de lui porter un coup mortel et il ne pourrait pas s’en relever.

Pour lui, les instants filèrent à toute vitesse et il eut l’impression que tout se passa très vite, mais le pompier tenta en fait pendant dix minutes de la ranimer…mais il arrêta finalement : il n’y avait plus rien à faire. Il posa une main compatissante sur l’épaule d’Ed et lui parla, mais ce dernier n’entendit pas. Il ne pouvait plus rien entendre, plus rien voir sauf le corps immobile de sa fille. Il n’arrivait même pas à se bouger pour la prendre dans ses bras, il ne pouvait juste pas comprendre ce qu’il se passait.

Un rêve : ça ne pouvait être qu’un rêve. Rien de tout ça ne se passait vraiment, rien de tout ça n’était dans la réalité. Il se réveillerait bientôt et préparerait Jenny pour l’emmener au parc et lui dire la grande nouvelle. Tout irait bien, ils partiraient le soir même et seraient heureux. Oui, ça se passerait comme ça et il oublierait ce mauvais rêve car ce n’était rien d’autre qu’un cauchemar. Rien de tout ça n’était vrai – rien de tout ça ne pouvait être vrai.

Lentement, les larmes coulaient sur ses joues alors que les gens reculaient, comme pour le laisser vivre sa peine seul. Il ne pouvait pas croire ce qui était arrivé, il ne pouvait pas imaginer que sa fille…que sa petite princesse…que Jenny puisse être ainsi, qu’elle puisse être juste...morte. C’était trop dur, c’était trop inj…

« Ouais, c’est le voleur qui m’a lâchement frappé il y a deux jours. Je suis triste de ce qui est arrivé, mais Justice est faite : il ira en prison. Je ne sais pas qui était la fille, mais elle était sûrement son otage et… »

D’un coup, le son revint à ses oreilles, à commencer par ces paroles du Frelon. Il l’avait oublié mais maintenant tout revenait : les bruits annexes, les paroles des gens, les respirations…tout ce qui faisait vivre quelqu’un. Tout ce que ne ferait plus jamais sa petite Jenny – tout ça à cause de lui, le soi-disant héros.

Elle venait d’être transplantée mais son cœur était encore fragile. Elle venait de mourir parce qu’il lui avait fait si peur que son nouveau cœur avait juste lâché. Elle venait de lui être arraché par un odieux monstre aux supers pouvoirs qui croyait gérer le monde parce qu’il en avait les capacités. Il lui avait pris Jenny…il lui avait pris sa joie de vivre. Le seul souvenir de sa femme. Sa fille : il lui avait pris sa fille.
Lentement, Ed se releva. Il ne pouvait pas la toucher – pas maintenant. Il devait faire quelque chose avant, quelque chose autant pour elle que pour lui.

« Ce n’était pas mon otage. Elle avait une faiblesse cardiaque, elle venait d’être transplantée et elle est morte parce que tu lui as fait peur en m’agressant gratuitement. »

Il se retourna tout doucement vers le Frelon qui parlait à deux policiers et toute la foule le fixa. Il devait avoir un drôle d’air avec ses blessures et ses larmes mais il s’en fichait : Jenny avait disparu, c’était tout ce qui comptait. Il sortit ses Bracelets de Force de son sac et commença à les enfiler.

« Hey, lâche ça toi ! Ca t’a pas suffit de tuer une petite fille ? »

Le Frelon s’approchait de lui, l’air énervé et les gens autour le regardaient comme si c’était lui qui avait tué son enfant. Ils étaient bêtes et méchants, comme le Frelon. Ils croyaient leur héros car ils avaient peur de lui et en voulaient au type normal parce qu’il faisait une cible facile, mais le type normal en avait assez. Il régla ses Bracelets de Force au maximum pour la première fois de sa vie, sans aucun remords.

« C’était ma fille, Frelon. C’était ma Jenny. »

Il monta ses bras et visa le Frelon. Celui-ci s’approchait l’air menaçant, ne comprenant apparemment rien à ce qu’il s’était passé. Il l’accusait lui alors que c’était de sa faute. Il se prenait pour le héros alors que c’était lui le monstre : il se déchaînait sur les criminels et venait de lui prendre sa fille. C’était ça, le justicier ? C’était ça, le symbole à aimer ? C’était ça, l’exemple ? Si oui, Ed comprenait enfin ce monde et acceptait ses règles. La partie pouvait vraiment commencer et ils allaient avoir vraiment quelque chose à craindre.

« Tu me l’as prise…tu me l’as prise ! »

Explosant en sanglots, Ed appuya sur la détente, même sur celle de son Bracelet de Force cassé. Il se fichait maintenant des victimes, il se fichait maintenant de faire du mal aux autres : tous ceux présents ici n’accusaient pas le Frelon mais le voyaient lui comme un monstre. Ils se laissaient faire parce que leur « héros » leur disait qui taper et qui adorer. Il ne voulait plus supporter ça.
D’énormes ondes vibratoires sortirent de ses Bracelets et vinrent rencontrer la poitrine du Frelon, qui explosa en morceaux – comme tous ceux derrière lui et sur le côté droit. L’invention d’Ed avait été poussée à son paroxysme et l’arme frappée par le Frelon avait produit une décharge bien plus grande que d’habitude. Une douzaine de personnes périrent en même temps que le « héros », et Ed fut propulsé au loin derrière, entrant violemment en contact avec une voiture dont l’aile rentra à moitié dans son flanc.

Il fut par la suite emmené dans un hôpital mais rapidement libéré par ses collègues de la « communauté » qui le soignèrent eux-mêmes. Il fut rétabli en quelques mois et appris qu’il avait été élevé au rang de « Grand parmi les Grands » dans leur petit monde : ceux qui avaient vraiment tués un « héros » étaient rares et il avait maintenant une place de choix. Il accueillit la nouvelle placidement, travaillant rapidement sur ses Bracelets pour les rendre encore plus performants et destructeurs. On lui demanda alors qui avait été la petite fille qu’il avait enlevée et pourquoi il avait dis que ça avait été sa fille : il ne répondit jamais et on comprit que c’était par timidité. On lui demanda ensuite quel était son nouveau surnom et il dit qu’il n’en avait pas besoin : on le connaîtrait par ses actes, pas par son nom.
Il était une légende, un mythe parmi sa « communauté » et obtint tout ce qu’un homme pouvait rêver : sa victoire était complète. Mais plus jamais il ne sourit : il n’en avait plus le cœur…il n’en avait plus l’âme.

Dernière modification par Ben Wawe ; 22/09/2008 à 19h14.
Réponse avec citation
Réponse

Outils de la discussion
Modes d'affichage

Règles de messages
Vous ne pouvez pas créer de nouvelles discussions
Vous ne pouvez pas envoyer des réponses
Vous ne pouvez pas envoyer des pièces jointes
Vous ne pouvez pas modifier vos messages

Les balises BB sont activées : oui
Les smileys sont activés : oui
La balise [IMG] est activée : oui
Le code HTML peut être employé : non

Navigation rapide


Fuseau horaire GMT +2. Il est actuellement 22h24.


Powered by vBulletin® Version 3.8.3
Copyright ©2000 - 2024, Jelsoft Enterprises Ltd.
Version française #20 par l'association vBulletin francophone
Skin Design et Logos By Fredeur
Buzz Comics : le forum comics n°1 en France !