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ANATOMIE DU SCENARIO, de John Turby
Bouquin formidable ! C'est en lisant un article que j'ai découvert ce bouquin : d'habitude, je ne suis pas très versé dans ce genre d'ouvrages parce que je me méfie des recettes que prétendent prodiguer des experts. Mais comme depuis plusieurs mois, je patinais dans la rédaction d'un scénario et que je devinais que ce qu'il me manquait, c'était un cadre technique, des outils, alors j'ai surmonté ma méfiance et je me suis procuré ce livre. John Turby est ce qu'on appelle un "script doctor", un scénariste-théoricien qu'on appelle pour corriger ou réécrire un script boîteux, inachevé. Il a donné des "masterclass" partout dans le monde, en Avril et Juin dernier il était à Paris devant des professionnels de la télé, du roman et du cinéma. Ce n'est pas un gourou qui affirme qu'il n'existe qu'une seule manière d'écrire, de construire des histoires, il se considère plutôt comme un chirurgien, pour qui justement les scénarios sont plus des organismes vivants que des mécaniques. Et son livre est une sorte de boîte à outils qui aidera les auteurs aguerris ou débutants mais permettra aussi aux lecteurs/spectateurs à comprendre comment est bâtie une histoire. Pour Turby, il existe cependant des principes, des codes universels. Pour résumer, il y a quatre "bases" débouchant sur sept étapes aboutissant à 22 points qui peuvent à la fois structurer et améliorer une histoire. Les 4 bases : - 1/ les prémices - 2/ le héros - 3/ le genre - 4/ l'intrigue (le "character's desire") Le personnage principal doit traverser 7 étapes : - 1/ un problème (ou besoin) d'ordre psychologique et, si possible, moral, dont le héros n'est pas conscient ; - 2/ un désir qui lui servira de moteur ; - 3/ un adversaire en compétition avec lui ; - 4/ un plan élaboré par le héros pour vaincre l'adversaire et satisfaire son désir ; - 5/ une bataille opposant (physiquement ou verbalement) le héros et l'adversaire ; - 6/ une révélation sur le héros concernant le problème de départ ; - 7/ un nouvel équilibre. (Plus il y a de personnages, plus il y a de travail évidemment !) Ces 7 étapes sont les 7 cols de 22 points qui détaillent davantage sa méthode, mais qu'on n'est pas obligé de suivre à la lettre : c'est plus une "grammaire de la dramaturgie", mais une grammaire très efficace, pratique, car élaborée à partir de l'étude de centaines de films, pièces de théâtre, nouvelles, romans, qu'il a décortiqués quand il n'était qu'un scénariste débutant (il cite aussi bien J.K. Rowling, la créatrice de Harry Potter, que James Joyce, ou La Guerre des étoiles et Boulevard du crépuscule- et ce n'est pas choquant car il s'agit bien montrer la structure des histoires, pas d'établir des listes de chefs-d'oeuvres). Les 22 points sont donc (en capitales, les 7 étapes qui les balisent) : 1/ expression du désir/manque du héros : la révèlation de la faille du héros 2/ description de l' "arène" : le décor 3/ LE BESOIN MORAL-PSYCHOLOGIQUE DU HEROS 4/ l'évènement déclencheur chez le héros 5/ LA NAISSANCE DU DESIR (qui sert de moteur au héros) 6/ le(s) allié(s) du héros 7/ L'ANTAGONISTE (ou LE MYSTERE) 8/ l'antagoniste-faux allié 9/ première révèlation : la décision d'agir du héros 10/ LE PLAN (pour vaincre l'adversaire) 11/ le plan de l'adversaire 12/ la progression négative du héros 13/ attaque de l'antagoniste 14/ défaite apparente du héros 15/ deuxième révèlation : changement de méthode du héros 16/ révèlation faite au public (ironie dramatique) : le héros doit éviter son adversaire où il l'attend 17/ troisième révèlation : décision d'agir à nouveau du héros 18/ crise, voire mort de près 19/ LA BATAILLE 20/ LA REVELATION A SOI-MÊME DU HEROS : le héros a compris son problème 21/ décision morale du héros : le héros accepte de changer 22/ LE NOUVEL EQUILIBRE DU HEROS Quand on suit ces "instructions", on obtient un scénario solide. La qualité, l'originalité de l'histoire sont distinctes, et sont l'affaire de l'auteur, de ses idées. C'est la différence entre ce qu'on voudrait raconter et comment le raconter. Résumons : - Le héros a un manque, une faille qui l'empêche de vivre correctement, - il traverse une série d'épreuves qui le changent profondèment, - il découvre ainsi l'origine de sa faille et s'améliore pour la corriger. Maintenant, un exemple pratique, avec un film - Thor de Kenneth Branagh d'après le comic-book Marvel. - le héros : Thor est un dieu qui est banni sur terre par son père Odin après avoir commis une erreur pour y apprendre l'humilité et le don de soi. - la faille : Thor est arrogant et impulsif et ne s'en rend pas compte. - la révèlation : il a commis une erreur, il est banni. - le plan : il veut rentrer chez lui. - la défaite : il ne peut pas rentrer chez lui. Il décide alors de protéger les hommes parmi lesquels il est retenu. - la révèlation à lui-même : il a compris son erreur et l'a corrigée. Son père lui pardonne et l'autorise à rentrer chez lui. - le nouvel équilibre : il décide de continuer à protéger les hommes grâce à ses pouvoirs divins. Bref, si vous voulez mieux comprendre comment est bâtie une bonne histoire ou si vous voulez améliorez celles que vous écrivez (parce que vous êtes coincé, manquez de repères), lisez cette passionnante Anatomie du scénario et vous remercierez John Turby. Dernière modification par wildcard ; 18/08/2012 à 18h06. Motif: Anatomie du scénario, John Turby |
#2
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Ce n'est pas tant de la grammaire que de la linguistique en fait, ce que je vois là c'est le schéma actanciel, et les idées de Propp, le monsieur en parle dans son livre ? (Tu peux lire des ouvrages structuralistes, tu auras autant d'aide, seulement le problème c'est que le structuralisme est absolument inadapté aux oeuvres complexes, les exemples pour le nourrir - au départ - étant les contes).
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Ça resitue les merguez dans un contexte littéraire et intellectuel qui est le bienvenu. Viens découvrir la saison des animes qui fleurissent. |
#3
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Propp, non, je n'ai pas noté ce nom dans le livre de Turby. Mais bon, je n'ai pas trop la mémoire des noms, et je me suis plutôt arrêté sur les étapes et points pratiques car je cherchais des solutions. Bon, en même temps, c'est typiquement le livre auquel on revient, donc je vais sûrement redécouvrir des choses que j'ai peut-être zappées.
Turby propose une méthode de travail en réaction à des procédés habituels (comme structurer une histoire en trois actes), mais ce n'est pas figé non plus. Il donne à la fois des astuces pour bâtir un récit ou débloquer des situations auxquelles on peut être confronté quand on écrit sans avoir appris comment le cadrer. Comme je l'ai dit, c'est une boîte à outils, pas LA méthode imparable ou indiscutable. Turby insiste là-dessus et sur le côté organique de chaque histoire. D'autres auteurs, qui étaient scénaristes et/ou théoriciens, ont écrit là-dessus avant, comme Robert McKee ou Yves Lavandier. Mais je ne les ai pas tous lus. Là, c'est très bien expliqué, et très complet (le livre fait plus de 300 pages, compte beaucoup d'exemples : on voit que Turby a du métier et a bossé sur pas mal de productions ciné et télé). Par ailleurs, il révèle aussi les "trucs" d'autres grands auteurs actuels : dans une itw, il a décortiqué comment Aaron Sorkin avait construit le script de The Social Network (une histoire uniquement écrite avec des temps forts). Ce qu'il faut bien retenir de cet ouvrage, c'est qu'il est parfait non pas pour écrire une histoire géniale ou inspirer des idées (ça, c'est à chaque aspirant scénariste de faire l'effort), mais pour débloquer le scénariste quand il a des difficultés à résoudre son intrigue, à montrer l'évolution des personnages, etc. C'est aussi instructif quand on n'est que lecteur/spectateur parce qu'on peut alors chercher les films, séries, livres qui sont construits de cette manière, découvrir ce qui marche ou pas et pourquoi dans telle histoire... |
#4
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c'est tRuby, pas TuRby. Y a un moyen très simple pour s'en rappeler: c'est écrit en haut de la couverture du livre que t'as lu.
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"Ces trois films sont des merdes même s'il y en a deux que je n'ai pas vu..." Dernière modification par Deroxat (Expert en Potins) ; 18/09/2012 à 18h10. |
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