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Vieux 16/05/2013, 19h11
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Conversations avec Billy Wilder, de Cameron Crowe



Mon meilleur ami m'a fait récemment cadeau de ce fort bel ouvrage (et fort coûteux aussi). Il connaît mon admiration pour Billy Wilder (admiration qu'il partage) et je ne le remercierai jamais assez pour ce présent.



Billy Wilder... Quel personnage d'abord ! Comme le raconte Cameron Crowe, c'est peut-être le cinéaste lui-même qui est le personnage le plus fantastique de son oeuvre : il a écrit, réalisé des films extraordinaires, mythiques, mais il était lui-même le héros "wildérien" par excellence.

Né au début du siècle dernier en Pologne (alors annexée à l'Autriche), il a quitté l'Europe pour Hollywood alors que le nazisme étendait son ombre funeste. Il ne reverra jamais ses parents et nombre de ses proches, tous morts à Auschwitz. Cette tragédie originelle, Wilder ne l'affichera jamais (sauf quand il déclara à Louis B. Mayer, lors de la projection de Boulevard du crépuscule, d'aller se faire foutre après avoir entendu le producteur dire qu'il aurait fallu le renvoyer en Allemagne pour avoir osé signer un film pareil sur la capitale du cinéma). On comprend aussi pourquoi, en 93, il voulut revenir à la mise en scène pour tourner La liste de Schindler, projet qu'il abandonna à Spielberg et au sujet duquel il avouait qu'il n'aurait pas fait mieux, mais différemment.




Cameron Crowe approcha une première fois Billy Wilder en 1995 pour lui proposer un rôle dans Jerry Maguire. Mais, bien qu'accompagné de Tom Cruise (un autre de ses fans, et un acteur que le maître appréciait), il essuya un refus.
Cependant ce premier rendez-vous devait préparer le terrain 3 ans plus tard pour l'autre projet de Crowe : une interview qui se transformerait en une série d'entretiens, qui deviendrait possible grâce à une amie du couple Wilder, Karen Lerner.

Wilder ne s'est pas livré facilement : d'abord, c'était un vieil homme de 90 ans, retiré du business, qui estimait ne rien avoir d'intéressant à confier, et ensuite, quand il se mit à parler, c'était en maître de l'esquive, usant de bons mots et d'anecdotes (et il y a effectivement des pépites).

Ces Conversations ne sont pas un ouvrage comme le Hitchcock-Truffaut : plutôt que de comparer leurs méthodes de cinéastes ou de revenir linéairement sur les films de Wilder, d'en décortiquer les tournages, d'en détailler la technique narrative, c'est un échange plus spontané, décousu, complice, souvent malicieux, parfois poignant. Un témoignage précieux où l'on devine que Crowe a d'abord à coeur de recueillir les propos de son idole.

Quelquefois Wilder interroge en retour Crowe sur son nouveau projet (l'écriture difficile de Presque Célèbre, inspiré du passé de journaliste rock de Crowe dans les années 70 - il commença à placer des articles à "Rolling Stone magazine" à 16 ans et finit par en devenir un des rédac'chef), mais il ne lui fait pas la leçon : il lui prodigue des conseils simples sur la structure d'un script, des principes que lui-même a retenus de ses années passées auprès de son mentor, Ernst Lubitsch, et de ses collaborations avec ses deux partenaires favoris (Charles Brackett et Izzy Diamond).


Wilder se défile souvent quand il s'agit de lui, ne se libérant que progressivement, mais évoque volontiers ses acteurs (Jack Lemmon, Audrey Hepburn, William Holden, Humphrey Bogart, Marilyn Monroe... Et Cary Grant, qui refusa toutes ses propositions !), ses co-scénaristes, ses confrères (ironisant sur la confusion que faisaient les journalistes entre lui et William Wyler, comme avec les peintres Monet et Manet), son rôle précurseur de scénariste-réalisateur, ses rapports avec les studios. Ses analyses sont toujours pertinentes, sans complaisance (surtout pas envers lui-même) : il rechigne à revenir sur ses échecs commerciaux (signe pour lui que le film n'était pas réussi - seule exception, seul regret : le bide du Gouffre aux chimères), et égratigne avec humour d'autres films (ses saillies contre Titanic sont hilarantes) ou salue les efforts de cinéastes contemporains (c'était un fan de Forrest Gump, film dont il aimait la "bonne sentimentalité et l'honnêteté").



Ce n'est pas du tout un vieillard aigri que questionne Crowe mais un pionnier alerte, serein, à la passion intacte, reconnaissant de la liberté qu'il a eue durant sa carrière, de l'amour de sa femme (Audrey, à ses côtés depuis 50 ans).


Le livre est très beau, très grand, très lourd, avec une iconographie splendide. Toute la filmographie (comme réalisateur et scénariste) de Wilder figure à la fin, commentée par Crowe en des termes toujours choisis et concis. La préface de Thierry Frémaux est également superbe. C'est passionnant à lire, extatique pour les fans de Wilder, instructif pour les néophytes.


Et, pour la bonne bouche, les dix conseils d'écriture de Billy Wilder - plein de bon sens, mais exigeant une grande discipline et de l'humilité :

Citation:


  • Le public est inconstant.
  • Attrapez-le par la gorge et ne le laissez pas s’enfuir.
  • Développez un arc dramatique clair pour votre protagoniste.
  • Sachez où l’intrigue vous mène.
  • Plus vos nœuds dramatiques seront subtilement cachés, meilleur vous serez en tant qu’auteur.
  • Si vous rencontrez un problème avec le troisième acte, c’est dans le premier acte que se trouve sa source.
  • Laissez le public raisonner par lui-même, il vous en sera reconnaissant.
  • Lorsque vous intégrez une voix-off, elle ne doit pas décrire ce que le public voit déjà à l’écran mais lui fournir des informations supplémentaires.
  • Les évènements qui se déroulent en clôture du second acte sont le déclic de la fin de l’histoire.
  • Dans le troisième acte, action et tempo doivent augmenter crescendo jusqu’à la résolution de l’histoire. Une fois qu’elle arrive, le film est fini, ne vous attardez surtout pas.
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Vieux 16/05/2013, 19h18
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Ca me donne bien envie. Et pour les fans de Wilder, il faut lire également ses mémoires "Et tout le reste est folie", très drôles et parsemées d'anecdotes croustillantes. Un de mes bouquins de cinoche favoris avec, évidemment, le "Hitch book" et l'autobio de Frank Capra "Hollywood story".
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Vieux 17/05/2013, 22h48
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Wilder, c'est du bonheur : à 90 balais, il avait conservé tout son mordant, tout son humour. Il y a vraiment des passages tordants.

Par exemple, il revient sur Ninotchka de Ernst Lubitsch, qu'il a co-écrit avec Charles Brackett (et Lubitsch, même si celui-ci refusait d'être crédité comme scénariste !). Rédaction du scénario à la fois laborieuse (notamment pour trouver LA scène où Garbo cède aux charmes du capitalisme, résolu avec une idée simple et maline - un chapeau qui était déjà présent dans deux scènes précédentes) et ludique (Lubitsch qui insiste sur le fait que le spectateur est toujours reconnaissant quand on ne lui dit pas que 2 + 2 = 4, que quand il le découvre seul il rit encore plus).
Puis projections tests dans des cinoches de province. A l'époque, on demandait aux spectateurs de remplir une fiche avec une simple question (avez-vous aimé ou non ?) et éventuellement une petite remarque.
Fin de la projection, tous les spectateurs s'en vont. Seuls restent Wilder, Brackett, Lubitsch et un producteur. Ils montent dans une limousine après que Lubitsch ait récupéré toutes les fiches. Dans la limo, on boit du champagne, tout le monde est content, ça s'est bien passé. Lubitsch épluche les fiches, confirmant la bonne impression générale. Soudain, il éclate de rire. On lui demande ce qu'il vient de lire, il répond qu'il ne peut pas le raconter et empoche les fiches. Wilder et Brackett insiste. Lubitsch cède et lit le commentaire sur la fameuse fiche qui l'a tant faire rire :

"Je n'ai jamais autant ri à un film de toute ma vie ! J'en ai même pissé dans la main de ma fiancée !"

Quand il parle de la pingrerie de Cary Grant et comment il l'a fait tourner en bourrique en prétendant avoir acheté du mobilier à des prix dérisoires...

Mais il confie aussi des anecdotes émouvantes comme quand il raconte que Bogart et lui ne s'étaient pas bien entendu sur le tournage de Sabrina (Bogey était antisémite et pas le premier choix de Wilder, qui était juif et avait publiquement déploré de n'avoir pas eu Cary Grant). Quelques années plus tard, Bogey est mourant et invite Wilder chez lui, et là, il s'excuse d'avoir été odieux avec lui.
Wilder dit alors à Crowe : "il jouait les héros sans être un... Sauf à la fin."

A propos de Gary Cooper, sur le tournage de Ariane, "il savait qu'il était trop vieux pour le rôle, et pas mon premier choix" (encore Cary Grant qui avait refusé !)"mais il donnait tout pour mettre en valeur Audrey Hepburn. C'était un gentleman sur et en dehors du plateau."

Plein de choses comme ça, admirablement racontées. Wilder ne se met jamais en avant : une leçon d'humilité.
Toujours avec esprit, avec ironie : "si Titanic a l'Oscar du meilleur scénario, je hurle !", "je dis à Von Stroheim (sur Boulevard du crépuscule) qu'il avait dix ans d'avance (comme réalisateur). Il me répond : 'non. Vingt ans.' "

Et puis c'est touchant de voir que Wilder s'est autant livré à un ancien critique rock... Alors qu'il détestait le rock ! Une fois, il demande à Crowe de lui résumer l'histoire du rock. Crowe s'y essaie et s'en sort visiblement bien, captant l'attention de Wilder. Qui finit par lui lâcher : "Bon, hé bien, je peux faire sans."

En fait, c'est ça, la grande réussite du livre : Crowe réussit à prouver que le meilleur personnage qu'ait écrit Wilder... C'est Billy Wilder lui-même.
Et puis, comme moi, c'est La Garçonnière son film préféré (bon, après, il aime à peu prés tout et il y en a certains que je n'ai pas encore réussi à voir, mais c'est vrai que CC Baxter et Fran Kubelik ont une place à part).
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  #4  
Vieux 17/05/2013, 23h08
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Enfermer Cameron Crowe sous l'etiquette d'ancien "journaliste rock", c'est un peu comme presenter Jim Steranko comme "ex-illusionniste" ou Harrison Ford comme "charpentier a la retraite", hein. Le bouquin a l'air passionnant par contre.
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Vieux 18/05/2013, 08h33
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Y'a pas vraiment d'enfermement, là... Libère ton esprit, Nix!
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  #6  
Vieux 18/05/2013, 09h03
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Y'a pas vraiment d'enfermement, là... Libère ton esprit, Nix!
On est d'accord.


Je voulais dire limiter, en fait.
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  #7  
Vieux 18/05/2013, 18h40
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Je n'enferme ni ne limite : je fais juste référence à une scène du livre en particulier, où Crowe lui-même rappelle qu'il a été un critique rock - et cela lui a quand même inspiré son meilleur film (Presque célèbre). Et puis, ça n'a rien de péjoratif d'être un ancien critique rock.

Néanmoins, il y a quelque chose de cruel qui ressort du livre, avec un peu de recul : Crowe avait une admiration sans bornes pour Wilder, ses propres films évoquent d'ailleurs certains passages de ceux de Wilder. Mais Crowe a vécu ce que vivent pas mal de fans qui font le même métier que leurs idoles : il n'a jamais atteint le niveau de son maître, ni en termes de qualité d'écriture (même si c'est encore là qu'il en est le plus proche, notamment avec Jerry Maguire) ou de réalisation (mais là, c'était peine perdue - Crowe est un cinéaste du niveau de James L. Brooks, un autre imitateur de Wilder).
J'ai l'impression que, déjà, à l'époque de ces entretiens, il pressentait cela, notamment quand il évoque sa difficulté à boucler le script de Presque célèbre. Wilder lui donne quelques conseils, sans se mêler de l'histoire précise du film, mais il les énonce d'une manière finalement assez cruelle pour Crowe, comme un type qui connaît tous les ressorts de l'écriture cinématographique.
C'est étonnant parce qu'on a le sentiment que si Crowe avait filé son scénar à Wilder, celui-ci, même à 90 ans, l'aurait débloqué en un tour de main. C'est terrible, cet instant où on comprend qu'on ne sera jamais au niveau de celui qu'on admire - et c'est quelque chose qu'éprouvait Wilder envers Lubitsch (même si Wilder était devenu, quoi qu'il en dise, certainement plus fort que Lubitsch).
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