On n'a pas encore perdu la guerre de Troie...

[Corbulon]

Age de Bronze volume 1 et 2 (Un millier de navires) (sacrifice)

Eric Shanower s'est lancé dans une entreprise titanesque : relater les évenements qui ont conduits à la chute de Troie. Le premier volume nous narre donc les circonstances qui ont vu l'enlèvement d'Hélène par Paris, puis les tribulations de Ménélas et de son frère Agamemnon pour réunir les autres princes de l'Achaïe afin d'assembler une grande armée, et donc une grande flotte, pour se venger de ce rapt, ainsi que les intrigues de Thétis pour empêcher que son fils Achille connaisse son fabuleux mais tragique destin. Dans le deuxième volume, nous assistons à l'échec de la première tentative de la flotte contreTroie qu'elle n'arrivera d'ailleurs pas à atteindre, l'amour naissant entre Achille et Patrocle, puis le cruel dilemne auquel est confronté Agamemnon, car pour réussir à enfin faire partir son armée pour Troie, il sera obligé de consentir un sacrifice douloureux.

Ce qui frappe d'abord dans ce récit c'est la façon dont sont abordés les Dieux. Shanower les fait intervenir de manière indirecte, c'est à dire que le lecteur ne les voit jamais, mais leur présence est le résultat essentiellement de songes, ou alors d'hallucination collective, mais jamais au grand jamais ils ne prennent une forme concrète, se confinant dans un abstrait bienvenu. La raison de ce choix est assez simple, Shanower veut aussi évoquer l'optique socio-économique du conflit, les Achéens sont intéressés par Troie parce que c'est la plaque tournante du commerce avec l'Orient. Mais ce n'est pas pour autant que les pistes religieuses et d'honneur bafoué doivent être écartés, elles fournissent un prétexte bien commode, et permettent également à Shanower de faire un parrallèle entre cette guerre et d'autres plus actuelles toujours dans la même région du monde. La grosse qualité de Shanower, c'est d'assembler les milles petits histoires de la mythologie grecque pour en faire un tout cohérent qui sert parfaitement son récit, tout fonctionne ici, pas d'erreur de continuité, tout donne un éclairage particulier aux motivations des différents protagonistes. D'ailleurs parlons-en de ce casting pour le moins hétéroclite, la plupart sont rois ou princes, et effectivement Shanower en fait de véritables hommes d'etats, aucun ne veut quitter son royaume de bon coeur pour se joindre à une entreprise pour le moins hasardeuse (à part Achille,mais bon lui il veut la Gloire quoiqu'il arrive). Et tous ont leurs faiblesses, que ce soit Agamemnon et son indécision lorsqu'il s'agit de ses enfants, Priam et sa fascination pour les belles princesses étrangères, Paris et son égo démesuré, Achille et son impétuosité, Ulysse et sa fourberie, Thétis et son amour maternelle surprotecteur, mais bon c'est aussi cela qui les rends si attachants, d'ailleurs tous les personnages ont leur moment de gloire, à terminer par Iphigénie qui montre beaucoup de classe et de noblesse dans le choix qu'elle devra faire. Et puis ici on n'est pas dans Troy, Achille couche vraiment avec Patrocle, même si tout n'es pas si simple, l'Antiquité c'est aussi un autre mode de pensée, donc c'est un peu difficile de parler d'homosexualité, même si oui à un moment donné Achille préfère les garçons.

Pour le reste le dessin de Shanower se révèle d'une précision démentielle (Perez peut aller se rhabiller) encore accentuer par le noir et blanc, les personnages sont facilement reconnaissables en dépit de leur nombres, leurs visages ne sont pas limités à une ou deux expressions, et l'introduction d'Hélène est un moment d'anthologie de narration graphique, pleins de bonnes trouvailles comme les onomatopés symbolisant le vent qui souffle et qui remplacent les lignes de séparation des cases sur une dizaine de pages, la manière de dessiner Heracles très caricatural qui le fait passer pour un espèce de troglodyte barbare. ou alors le rendu du sacrifice d'Iphigénie. En fait le seul bémol que j'ai pour l'instant, c'est la seule scène de bataille rendue de manière confuse, ce qui évidemment pourrait se poser problématique pour la suite. Mais bon cela ne suffit pas à faire oublier que pour l'instant Age of Bronze se profile comme un vrai chef d'oeuvre avec une richesse et une densité plutôt rare actuellement dans le milieu du comic-book. Que ceux qui pleurent sur la mode des récits décompressés arrêtent de lire les histoires qui tournent en carré des hommes en collant, et qu'ils viennent un peu part ici, où se situe le real mainstream, avec une vraie caractérisation et une vraie progression, bref deux éléments de plus en plus en plus rare dans le genre superhéroique.

Mode Giorgio Tosatti on

Ho finito grazie.

Mode Giorgio Tosatti off.

[gillesC]

Superbe critique, même si l'on note une ligne qui ne sert, semble-t'il, qu'à énerver un niçois.

Par contre, rien compris aux Troy dernières. 8)

[grogramane]

Giorgio Tosatti c'est un commentateur de foot italien, non?

[aegnor]

les deux visuels des covers ainsi qu'une planche du tome 2!

[John Keats]

Ben ouais le niçois a lu, mais il a aussi lu age of bronze, du moins le premier, qu'il a trouvé magnifique et au combien excitant graphiquement. J'ai hate de m'acheter le tome deux au retour des prochaines vacances dans le froid.

[gillesC]

Ah, au fait, pour te nourrir à peu de frais en Islande, sais-tu que c'est le seul pays au monde où pousse partout un lychen comestible?

Si si.

[John Keats]

Et le lychen il se fume au moins? Histoire de se réchauffer dans les longues nuits froides.