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  #31  
Vieux 22/03/2009, 00h40
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Steuf ! change la caisse du Fauve
Episode 4

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Citation:
« - Allez vous mettre en sécurité, sombre idiot ! »

Le Capitaine venait d’envoyer un coup de pied dans la tête de la créature, ce qui avait libéré Jehan de son emprise. Le jeune homme se leva et couru péniblement à quelques pas de l’empoignade.

De Seine et Hardi ne laissèrent à cette chose aucun répit. A peine fût-elle redressé que le Sergent lui asséna un coup d’épée à l’épaule droite. Une gerbe de sang noir gicla sur la neige immaculée. La créature poussa un râle nonchalant et amorça un tour sur elle-même comme pour prendre la fuite. De Seine en profita pour lui asséner le coup de grâce, et la tête du monstre roula en direction de Jehan. Le jeune homme fixa un instant ce visage à ses pieds. Son expression figée était la même qu’au moment de leur rencontre. Comme si cette horreur n’avait pas réalisée tout au long de la rixe que l’issue en serait sa mort. Que pouvait-il bien se passer ? Jehan tremblait de tout son corps quand Hardi posa sa main sur son épaule.

« - Allez viens petit, le jour touche à sa fin, il ne faut pas rester là… »

---

« - Philippe l’Agile, Seigneur de Fort aux Bois et son épouse Aimerud de Fragelongue ! »

A l’entrée du Seigneur dans la salle à manger, toute la tablée se leva en signe de déférence. De Seine détestait les mondanités et s’arrangeait habituellement pour les éviter. D’ailleurs au Château, il n’était jamais convié aux fêtes ou banquets, c’était un accord tacite entre le Duc et lui. Il était homme de l’ombre et si il voulait conserver son efficacité, il devait le moins possible fréquenter le monde politique.

Ce soir, tous les notables du fort étaient présents. Le Capitaine n’aurait pu se soustraire à ce repas, vu qu’il était en son honneur. Le banquet commença joyeusement et les convives se mirent à discuter bruyamment.

De Seine resta silencieux une bonne partie du repas. La journée avait eu son lot d’émotions et il lui était difficile de suivre les bavardages de ses voisins de table. En face de lui se trouvait l’Evêque, qui mangeait comme un goret et lançait des regards autour de lui, comme si il craignait d’être surpris en train de s’adonner à son vice favori. L’émissaire qui accompagnait sa troupe lors du voyage pour Fort aux Bois était là aussi, et tentait par tout moyen d’éviter le regard du Capitaine. Il semblait ne pas avoir encore digéré ses railleries. De Seine s’amusait par moment à le fixer de façon insistante, ce qui interrompait le malheureux qui devenait rubicond.

Le reste de la tablée était composée essentiellement de bourgeois. De gros bourgeois de province pour la plupart gras, bruyants et vulgaires. Les banquets de campagne devaient supporter ce genre de parasites pour pouvoir donner un peu d’ampleur aux fêtes. Le Seigneur Philippe semblait amplement ravi par cette cour de pacotille et recevait avec satisfaction les flatteries de ces gueux apprêtés comme des animaux de foire.

Dame Aimerud gardait une dignité et une élégance qui dénotait avec le reste de la salle. Elle picorait dans son assiette sans jamais donner l’impression de manger, et souriait poliment à toutes les âneries que lui imposaient ses convives. Sa grâce semblait d’ailleurs rejaillir quelque peu sur son cul-terreux de mari et donnait un peu de noblesse à ce couple improbable. Voyant que le regard du Capitaine s’était posé sur elle, elle esquissa un sourire distingué et lui fit un signe de tête.

« - Alors, Capitaine, que vous ont apporté vos investigations à la chaumière des la Jambe ? »

La voix de Philippe l’Agile était volontairement forte et joyeuse. Il était évident que les gardes congédiés avaient du faire leur rapport dès leur retour au Fort. De Seine sourit au Seigneur et lui répondit sur le même ton.

« - Assez peu de choses… Vos hommes ont fait un excellent travail de nettoyage sur place. Mais je ne vais pas me plaindre… J’ai beaucoup appris des traditions de votre beau pays. Beaucoup plus qu’avec votre émissaire en tout cas. »

L’émissaire se retourna brusquement vers l’officier et lui lança son regard le plus noir. Celui-ci lui rendit un sourire complice qui décontenança encore un peu plus le diplomate.

Philippe l’Adroit poursuivit.

« - Nos traditions ? Tiens donc ! Qu’avez-vous donc découvert de si pittoresque ? »

« - J’avoue qu’à mon arrivée je ne pensais trouver que bigoterie et obscurantisme dans vos contrées… Mais parfois les hommes de la capitale comme moi ne se rendent pas compte de toutes les finesses et les paradoxes de nos campagnes… »

Le Seigneur Philippe tenta soigneusement de gommer toute réaction de son visage. L’Evêque quant à lui trépignait de rage. Dame Aimerud ne leva pas les yeux de son assiette mais de Seine crût deviner une esquisse de sourire. Les bourgeois eux, ne les écoutaient pas. Le brouhaha se poursuivait dans la salle. Le Capitaine monta d’un ton.

« - En effet, qui croirait que dans une contrée si conquise à la Sainte Eglise, l’usage de fétiches païens et autres sorcelleries soit autant répandu. »

Le silence se fît dans la salle. Tous les convives portèrent leurs regards vers le couple seigneurial. Philippe l’Agile devint rubicond. Dame Aimerud, elle, n’avait toujours pas levé les yeux mais tout sourire avait disparu. Sa fine main blanche serrait sa coupe comme pour la détruire. Soudain, l’Evêque se leva.

« - Encore une fois vous insultez notre foi ! Vous et votre Duc, ce suppôt de Satan qui tente de détruire cette terre pieuse depuis son intronisation ! »

« - Taisez-vous imbécile ! » Le Seigneur se leva lui aussi et brandit un poing vengeur en direction du Capitaine.

« - J’ai bien assez toléré votre comportement ! Que vous vous gaussiez de notre foi, passe encore. Que vous dénigriez mon autorité en mes terres ne me surprend guère, Votre Duc fait cela depuis suffisamment longtemps. Mais que vous profitiez de notre hospitalité pour insulter mon épouse, je ne puis l’accepter ! Vous et vos hommes quitterez le Fort dès demain, la Jambe sera jugé par nos autorités. Si le Duc n’est pas satisfait de ma décision, qu’il vienne exposer ses griefs de vive voix ! »

Le Capitaine de Seine n’avait pas bronché. Il posa lentement son regard sur le Seigneur.

« - Sire Philippe, je respecterai votre décision. Vous vous doutez cependant que cela risque d’avoir des conséquences fâcheuses pour vous et votre peuple. Mais je ne comprends pas pour quelle raison vous m’accusez d’avoir insulté votre épouse… »

« - Vous ne le savez que trop ! Le paganisme est un fléau en Fragelongue, et notre union doit justement endiguer cette peste. Vous profitez de notre hospitalité pour traiter Dame Aimerud de sorcière et ainsi semer la discorde au sein de mon peuple ! »

Dame Aimerud se leva brusquement et lança de toutes ses forces sa coupe qui traversa la pièce avant de heurter le mur. Elle lança un regard empli de haine à l’attention de son mari. Le Capitaine s’inclina en sa direction.

« - A aucun moment je n’ai voulu jeter l’opprobre sur vous, Ma Dame. Si vous vous êtes sentie heurtée par mes propos je m’en excuse. »

Aimerud le regarda avec mépris en se retira sans un mot pour ses convives.

---

« - Je crois que nous sommes bon pour une grosse tempête. »

Dès le coucher du soleil, le vent avait redoublé d’effort. Les flocons étaient maintenant lourds et leur course était folle. Gildas la Forge exprima son mécontentement à voix basse avant de rentrer dans sa chaumière. Il lui faudrait plusieurs heures pour rejoindre le Fort demain et il se doutait que le reste de la populace resterait enfermée pendant les trois prochains jours. Tout cela était mauvais pour les affaires, et Gildas détestait cela.

A l’intérieur, il faisait chaud. Sa femme était affairée devant la cheminée et une bonne odeur de lard et de chou embaumait la pièce. Cette ambiance fît oublier ses préoccupations à Gildas.

« - Une tempête se prépare… » Dit-elle sans se retourner.

« - J’ai bien vu, n’en parlons plus… »

La Forge s’installa à la table et se servit un godet de vin en attendant le repas.

« - Les enfants ont mangé ? »

« - Oui, ils dorment déjà. »

La femme lui déposa son assiette. Le fumet qui s’en dégagea parvint à détendre le forgeron. Plein d’enthousiasme, il prit son couteau, signa la belle miche ronde, et se coupa une tranche généreuse. Il était affamé et cela faisait au moins trois bonnes heures qu’il attendait ce moment.

Soudain un cri aigu se fit entendre de l’extérieur. C’était ce sale cabot qui avait du se faire mal en chassant le mulot sur le tas de bois. Cette sale bête allait encore réveiller les enfants ! C’était d’ailleurs déjà fait. L’aîné laissait déjà sortir sa tête de la soupente, les yeux ronds comme des billes. Le petit, lui, entonnait déjà sa litanie de sanglots. Gildas se leva, menaça son aîné pour qu’il retourne à sa couche, et pressa son épouse d’aller calmer le benjamin. Ce chien allait apprendre ce qu’il en coûtait de déranger son maître pendant son repas.

« -Viens donc ici, sale corniaud ! »

Le vent était glacé. Gildas était exaspéré. Il allait se débarrasser de ce sale cabot, c’en était trop. Il prit sa hache à côté du tas de bois, et commença à inspecter les abords de la chaumière, bien décidé à accomplir son office. Un léger gémissement se fit entendre sur sa droite, et le forgeron se pressa vers cette direction. A la vue de l’animal, son sang se glaça.

Ce qu’il restait de la bête gisait dans une mare de sang. Le chien n’était pas mort mais était séparé de sa partie postérieure. Ses pleurs n’avaient rien de légers en vérité. Si à distance le vent les avait fait ressembler à un murmure, Le chien hurlait son agonie. Gildas, par charité, s’empressa d’achever la misérable créature avec sa hache.

Quelle bête avait bien pu lacérer son chien sans l’achever, et surtout laisser la dépouille sur place ? Mieux valait rentrer et barricader toutes les ouvertures.

Quand il arriva au niveau de sa porte, une dizaine d’hommes et de femmes déambulaient dans sa cour. Ils erraient sans but, comme des pantins. Lorsqu’un d’entre eux remarqua la présence de la Forge, il poussa un gémissement mou, et tout le groupe se dirigea vers lui. Leurs bras étaient tendus vers lui et moulinaient comme ceux d’un enfant devant un jouet. Le forgeron fonça dans sa maison, s’approcha de la table, et, sous le regard interloqué de sa femme, la poussa contre la porte d’entrée.

« - Rejoins les enfants, hâte toi ! »

La Forge fît basculer la grande commode par-dessus la table. Personne ne pourrait rentrer ainsi, en tout cas il l’espérait. Il rejoint sa famille à l’étage. Sa femme et ses deux garçons le regardèrent terrifié. Il se laissa tomber sur les genoux et les enlaça tous. Gildas n’avait jamais été très pieux mais il commença à prier.
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  #32  
Vieux 22/03/2009, 10h44
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Sainte lecture de dimanche matin, ma foi!

Beaux portraits, belle ambiance et toujours ce sens du suspens!

Délicieuse lecture, en tout cas!

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  #33  
Vieux 24/03/2009, 19h55
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Bravo, j'aime beaucoup. Beau suspense, aussi : tout est bien foutu, ça sent très bon.
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  #34  
Vieux 21/04/2009, 17h02
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Up

Lu prologue ( ou plutôt re-lu) vraiment un bon texte que celui-ci

...........

Je lit la suite .... bientôt
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nouvel épisode: SUNGIRL
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  #35  
Vieux 21/04/2009, 17h04
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Tiens, au fait... et l'épisode 5?
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  #36  
Vieux 21/04/2009, 17h10
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Steuf ! change la caisse du Fauve
Je suis un peu à la bourre sur mon rythme mensuel du départ (à cause de 2016).

Mais ça arrive bientôt ! De toute façon je ne lâche pas l'affaire, je m'éclate vraiment à l'écrire cette histoire.
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  #37  
Vieux 21/04/2009, 17h33
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Un petit truc marrant, une collègue de boulot d'un certain âge, au fil d'une discussion, m'a demandé quelques textes que j'écrivais. Je lui ai passé le prologue, l'épisode 1 et le 2 de Marche Funèbre. Le temps a passé (deux bon mois) et lundi matin elle débarque et me dit "Dis-donc, c'est bien ce que tu écris, mais la prochaine fois tu me dis de quoi ça parle, j'ai eu du mal à m'endormir cette nuit de ta faute !". J'avoue que c'est le genre de réactions qui, malgré la honte due au fait de gâcher le sommeil d'une femme qui a l'âge de ma mère, fait bien plaisir.
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  #38  
Vieux 21/04/2009, 18h16
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archerhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervé
séance de rattrapage pour moi et j'aime beaucoup, j'attends maintenant avec impatience la suite
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  #39  
Vieux 01/05/2009, 23h37
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Steuf ! change la caisse du Fauve
Episode 5

Citation:
« - Ma Dame, je ne tolèrerai plus ces attitudes à ma cour ! »

Dame Aimerud ne répondit pas. Philippe l’Agile était entré en trombe dans la chambre maritale et s’était posté devant elle, les mains sur les hanches. La châtelaine continua de s’occuper de sa toilette comme si le Seigneur n’était pas là.

« - J’aurais du prévoir dès le soir de nos épousailles que vous ne me causeriez que du tort. Votre peuple n’est qu’un ramassis d’enfants égoïstes, vous n’êtes bon qu’à vous adonner à vos diableries ! Vous osez me toiser alors que j’ai défendu votre honneur face à ce fichu capitaine ! »

A ces mots, Aimerud sentit une rage sourde se propager dans tout son être.

« - Me prendriez-vous pour une idiote, Mon Seigneur ? Mon honneur, vous l’avez trainé dans la boue ! A aucun moment de son exposé ce militaire ne m’avait mise en cause, et vous m’avez délibérément accusé afin de couvrir je ne sais quelle manigance ! »

Philippe agrippa le poignet d’Aimerud et ficha son regard noir dans le sien. Il se mit à parler à voix basse.

« - Je vous conseille de tenir votre langue, espèce de petite trainée païenne ! Comprendrez-vous un jour que malgré notre alliance, vous n’êtes et ne serez jamais sur vos terres ici ? Pour mes sujets, votre vie n’est rien. Ils vous tolèrent car j’ai su leur expliquer que l’alliance entre nos deux contrées serait bénéfique à long terme, vous mourriez qu’ils n’en porteraient même pas le deuil. Rappelez-vous cela si vous souhaitez vivre. En ces terres je puis tout me permettre, votre intégrité physique dépend de ma volonté. Un seul claquement de doigt, et plus personne ici ne se souviendra de Dame Aimerud de Fragelongue. »

Le Seigneur desserra son emprise et quitta la pièce.

Dame Aimerud se mit à frissonner.


---


« - Vas-tu donc rentrer bougre d’enfant ? »

Voilà bientôt un quart d’heure que Tom ignorait les appels de sa mère. Il savait que cela lui vaudrait une belle correction, mais la tâche à laquelle il s’affairait était bien trop importante. Il avait passé la plus belle partie de l’après-midi à creuser un réseau de galeries souterraines dans la neige. Il ne lui restait maintenant plus que quelques efforts avant d’atteindre les fourrés et pouvoir dignement appeler ce couloir « un passage secret ».

Le garçon attint rapidement la surface et finit son œuvre d’un coup de tête. Les cheveux enneigés, il scruta alors les alentours. C’était parfait. Avec un peu de chance, il gèlerait cette nuit et le froid consoliderait son labyrinthe. Il s’extirpa sans difficulté de son terrier et constata qu’il risquait ne de pas pouvoir profiter de ce lieu pendant quelques jours. Il neigeait abondamment et la nuit semblait être tombée depuis un bon moment. Ses parents lui feraient passer l’envie de trainer aussi tard, c’était certain. Il préféra chasser cette pensée désagréable encore un instant afin de profiter de la satisfaction du travail bien fait.
Soudain, Tom remarqua un attroupement sur la petite plaine qui le séparait de sa chaumière. Une douzaine de personnes semblaient errer sans but dans la neige et bizarrement, aucun d’entre eux n’avait prévu d’emporter une torche avec lui. Les différentes tailles qui composaient cette troupe de silhouettes lui firent comprendre qu’il n’était pas face à des brigands : Il y avait là des hommes, des femmes, ainsi que des enfants. Mais que faisaient-ils donc en pleine nuit et par ce temps? Ils n’étaient pas assez habillés pour parer à ce froid et pourtant aucun d’eux ne semblait en pâtir. Peut-être était-ce une de ces tribus de manants qui vivent par les routes et se serait laissé surprendre par le temps.

L’enfant se décida finalement à s’approcher d’eux. De toute façon, ils ne semblaient pas vouloir lever le camp, et s’il voulait rentrer chez lui, il devrait leur faire face. Si l’un d’entre eux tentait quoi que ce soit contre lui, il lui suffirait de hurler afin d’alerter son père. Il prit sa posture la plus fière, se mit à siffler sans entrain l’air le plus joyeux qu’il connaissait et avança d’un pas ferme vers ces gueux.

Certains membres de la troupe le remarquèrent. Lentement, sans aucun geste brusque, ils pivotèrent en sa direction comme s’ils avaient toujours voulu suivre celle-ci. Leurs démarches étaient lentes mais chacune possédait une caractéristique bien à elle : Celle du grand était lourde, ses pieds creusaient deux sillons réguliers. Celle de la petite bonne femme était claudicante, l’ensemble de son corps ne semblait servir qu’à trainer une jambe affreusement tordue. Etait-ce des lépreux ? Son père lui avait toujours dit d’éviter ces gens-là. Il suffisait que l’un d’entre eux pose une main sur votre épaule et vous étiez condamné à devenir une de ces abominations.

Tom décida de stopper sa marche. Il resta droit comme un piquet face à ces ombres qui maintenant se dirigeaient toutes vers lui. Il pensa un instant que cette stratégie était la meilleure, avec celle-ci un chat arrivait le plus souvent à calmer les ardeurs des chiens les plus féroces. Personne dans la meute ne sembla pourtant s’en émouvoir. Lorsqu’il put distinguer le visage de celui qui ouvrait cette marche, il ne réussit pas à hurler.

La moitié du visage de l’homme semblait avoir pourri. Tom avait déjà vu des lépreux lors de foires au fort, et celui-ci n’en était pas un. A certains endroits, on pouvait distinguer l’os de son crane et des vers s’échappaient de sa bouche qu’il semblait avoir le plus grand mal à garder fermée. Sans réfléchir, le garçon tourna les talons et s’enfuit en direction du bois.

Chacune de ses enjambées était accompagnée d’un sanglot. Mais pourquoi diable n’avait-il pas appelé au secours ? Il courrait dans ce bois sans aucune idée de l’endroit où il pouvait trouver refuge. En plus les arbres cachaient presque totalement la lumière de la lune et sa course devenait de plus en plus ardue. Sur sa gauche, il crut distinguer de nouvelles silhouettes qui lui emboitèrent le pas. A droite, un long gémissement grave se fît entendre. Il y’en avait donc partout dans ce bois ! Il tenta donc d’accélérer sa cadence. Malheureusement, son pied droit se prit dans une racine dépassant du sol, et avant de s’écrouler dans un cri, Tom crût entendre un craquement dans son membre.

L’enfant tenta de se relever, mais la douleur qui irradiait le long de sa jambe le renvoya à terre aussi sec. D’autres ombres apparurent tout autour de lui et s’approchèrent avec un peu plus d’entrain. Il put distinguer des plaintes qui semblaient trahir une certaine impatience. Une première masse se laissa tomber sur son abdomen, ne lui laissant plus aucun espoir de fuite. Le choc lui coupa le souffle et l’empêcha de hurler lorsque la chose lui brisa trois doigts comme pour les arracher de sa main. Une autre créature s’était assise au niveau de ses jambes et entreprit de sectionner la seule chair qui retenait son pied du reste de son corps. Le garçon crût mourir sous l’onde de douleur, mais ce n’était rien comparé à l’idée de ne pas savoir par qui il était démembré. Ce fût d’ailleurs la dernière pensée qu’il eut avant de s’évanouir.


---


« - Nous ne sommes désormais plus désiré dans l’enceinte du château. »

« - L’avons-nous été depuis notre arrivée ? »

Le Sergent Hardi comprit au regard noir du Capitaine de Seine qu’il aurait pu se passer de ce trait d’humour. Celui-ci était entré dans la taverne sous le regard médusé des habitués et s’était assis à la table du Sergent et Renan. Il se tourna vers l’aubergiste et commanda trois choppes.

« - Le banquet de ce soir fut catastrophique, et j’avoue en porter quelque peu le blâme. J’ai manifestement sous-estimé le Seigneur Philippe. Ce paysan a réussi à m’imputer un incident diplomatique qu’il a lui-même provoqué. »

« - Quand quittons nous le Fort ? » se risqua Hardi.

« - Vous quittez le Fort dès ce soir, Sergent. »

« - Ce soir ? Mais avez-vous vu qu’une tempête de neige se préparait ? Comment voulez-vous que nous réussissions à atteindre le Duché en vie ? »

« - Nous ? Ai-je donc parlé de nous ? Vous êtes le seul à partir. Enfin presque. Je pense que nous allons avoir besoin de certains de vos talents pour emmener Jehan la Jambe avec vous. Si nous le laissons encore une nuit dans ces geôles, je suis sûr qu’il sera sur un bûché demain dès la première heure. »

« - Et nous, qu’allons-nous faire ? Lorsque le Seigneur Philippe aura eu vent de l’évasion de mon père, je ne donne pas cher de nos vies. »

En réponse à Renan, de Seine eût un sourire malicieux.

« - Si tout se passe comme je l’ai prévu, demain nous serons les nouveaux maîtres du fort. »


---


« -Grand’ père, cesse ces enfantillages, je t’ai déjà dit que ta soupe n’était pas encore chaude ! »

Jacques Chevales répondit à sa petite-fille d’un grognement impatient.

Le vieil homme savait pertinemment qu’il ne gagnerait rien à éprouver les nerfs de son unique compagnie. Mais la frustration que lui provoquait la jeunesse insolente de la jeune femme le poussait à agir ainsi. Voilà presque quatre ans qu’il avait perdu l’usage de son corps ainsi que de la parole. Il travaillait à ses champs par une belle journée d’avril lorsque la chose arriva. Sur l’instant il eut vraiment peur de mourir, aujourd’hui il regrettait d’avoir survécu. Tout cela était arrivé sans bruit, comme le Tout-puissant sait si bien provoquer les plus horribles drames. De ce jour-là, il devint un fardeau pour sa fille, puis, après la mort de celle-ci lors d’une mauvaise chute dans la rivière, celui de sa petite-fille.

Pourtant, Clotilde était une perle. Elle s’occupait de lui sans jamais lui montrer le moindre signe d’amertume. Elle restait une jeune femme joviale, et malgré sa beauté, refusait toutes avances des jeunes paysans de la région. Elle acceptait son sort sans regret, elle aimait son grand-père, voilà tout. A ces pensées, Jacques eut envie de pleurer, mais le sourire de la jeune femme lui fit reprendre ses esprits.

La soupe était prête ! Clotilde tenait le bol bien chaud et s’apprétait à parler, lorsqu’un craquement de bois se fît entendre. La jeune femme fronça les sourcils et tendit l’oreille, mais aussitôt la porte et les deux fenêtres explosèrent. Une nuée de monstres répugnants, des pantins à forme humaine envahirent la petite pièce.

La jeune femme poussa un cri. Toute la meute se jeta sur elle et se la disputa comme des chiens les tripes d’un porc. Jacques regarda impuissant sa dernière descendante se disloquer suite aux assauts répétés des créatures.

Les choses prirent le temps de dévorer entièrement Clotilde. Jacques n’eut pas d’autre choix que de les regarder. Leur œuvre terminée, ils quittèrent lentement la chaumière sans même s’intéresser au vieil homme. Quand la pièce fût complètement vide, Jacques laissa sortir un râle qui s’apparentait à un hurlement. Mais aucun de ces monstres ne revint pour terminer la besogne.


---


« A jointes mains vous proie,
Douce Dame Merci,
Liés suis quand vous vois,
A jointes mains vous proie,
Ayez merci de moi,
Dame, je vous en prie,
A jointes mains vous proie,
Douce Dame Merci. »


Le Seigneur Philippe chantonnait dans les couloirs qui le menaient aux geôles. Belle soirée que celle-ci ! Il avait réussi tour à tour à désavouer sa femme, l’autorité du Duc, et ses hommes avaient réussi à retrouver la sorcière et à la capturer. Il organiserait une belle exécution demain. Il brulerait cette putain et le vieux la Jambe à la gloire du Seigneur. Ensuite il mettrait cette racaille de Capitaine aux arrêts. Le Duc aimait cet homme, Ce serait un excellent otage lorsqu’il déclarerait sécession au Duché.

Le garde en faction se mit au garde-à-vous et lui indiqua la cellule du fond. Philippe avança calmement et vit enfin sa prisonnière. C’était une belle jeune femme, ses yeux et ses cheveux étaient noirs, elle était certes un peu maigrelette mais les courbes de son corps éveillaient l’appétit sexuel du Seigneur. Il avait d’ailleurs ressenti cette attirance dès leur première rencontre. Mais il était homme de foi, et toucher à cette chair impie l’aurait mené droit en enfer, il le savait bien.

« - Je te retrouve enfin ! Ou pensais-tu donc aller hérétique ? »

« - Sale chien hypocrite ! Je savais très bien que tu essaierais de te débarrasser de moi une fois obtenu ce que tu voulais ! »

« - Alors pourquoi m’avoir aidé, Putain ? Sûrement pour pouvoir t’adonner à tes pulsions diaboliques … »

La femme éclata de rire.

« - Pourquoi ? Philippe, en faisant appel à moi, tu as ouvert des portes dont tu aurais du même ignorer l’existence. Je ferai de ta terre une terre de mort et de désolation. N’entends-tu pas déjà la marche funèbre qui se joue en ton honneur ? Tu as cru te servir de moi alors que tu étais mon instrument, Philippe… »

Le Seigneur senti monter la colère en lui.

« - Garde ! Ouvrez la grille ! »

Quand plus rien ne le sépara de la sorcière, Philippe prit le gourdin du garde et se mit à frapper le visage de la femme. Celle-ci riait bruyamment malgré les coups violents que lui assénait le Seigneur. Quand le rire stoppa, il continua à frapper encore quelques bonnes minutes. Il se redressa enfin et ordonna au garde :

« - Brulez-moi cette chose. »

Il sortit des geôles, toute trace de joie avait disparu en lui.
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Vieux 02/05/2009, 01h15
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Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
Tu m'empêches d'apprendre ma jurisprudence administrative, c'est mal. Mais ce que t'as fait, là, c'est très bien !
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  #41  
Vieux 03/05/2009, 15h33
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Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !Hilarion est LA légende vivante de ce forum !
Enfin lu! Excellent. On sent l'action avancer et les chemins des protagonistes se croiser en vue d'une grande réunion. Les pions sont en place... la suite!

Et ton style a une vraie fluidité qui rends la lecture très agréable!
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  #42  
Vieux 03/05/2009, 15h59
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Steuf ! change la caisse du Fauve
Merci infiniment. J'ai particulièrement pris mon pied à écrire cet épisode (qui d'ailleurs s'est presque écrit tout seul).

J'en profite pour poser une question aux gens qui me lisent (et les autres) :

Le dénouement approche. D'ici 3 épisodes je pense. Après cela, j'aimerai bien faire un recueil papier de l'ensemble des épisodes. Un truc sympa, bien imprimé, si possible illustré (je vais essayer de voir çà avec les artistes de Buzz) et pas trop cher.

Est-ce qu'une édition papier peut vous intéresser ?
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  #43  
Vieux 04/05/2009, 15h26
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Steuf ! change la caisse du Fauve
Bon, vous battez pas hein...

De toute façon, j'en tirerai forcément quelques uns (pour potes et famille). Si à ce moment-là ça dit à quelqu'un, j'en ferais un peu plus.
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  #44  
Vieux 04/05/2009, 15h54
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archerhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervéarcherhawke est plus vert que Hulk énervé
perso je lis et j'apprécie beaucoup mais faire un recueil avec ce texte ça risque pas de faire un livre très très fin ? ne faudrait il pas ajouter d'autres textes au passage, à toi ou à d'autre auteur d'ailleurs ?
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  #45  
Vieux 04/05/2009, 15h57
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BouZouK soigne les hemorroides du Docteur StrangeBouZouK soigne les hemorroides du Docteur StrangeBouZouK soigne les hemorroides du Docteur StrangeBouZouK soigne les hemorroides du Docteur StrangeBouZouK soigne les hemorroides du Docteur StrangeBouZouK soigne les hemorroides du Docteur Strange
Steuf, si ca se concrétise, je suis preneur !
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