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C'est pas grave, hein, on n'est pas obligé de s'intéresser à tout. Mais des jugements à l'emporte-pièces sur l'ensemble d'un genre comme tu le fais ici, c'est tout à fait risible.
Et alors? So what? Ce n'est pas pour cela que (par exemple) Good girl gone bad de Rihanna est un mauvais album, et encore moins une merde. Mais as-tu déjà jeté une vraie oreille sur cet album? Ou bien écoute House of balloons de The Weeknd ou Channel orange de Frank Ocean et tu me diras si ces gens-là ne savent pas chanter. M'enfin bon, je sais bien que je prêche dans le désert et que je m'adresse à un mur qui n'en a rien à foutre...
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"Ca ne résout pas vraiment l'énigme, ça y rajoute simplement un élément délirant qui ne colle pas avec le reste. On commence dans la confusion pour finir dans le mystère." Denis Johnson - Arbre de fumée |
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Beyoncé est de loin l'artiste la plus passionnante en pop et rnb d'aujourd'hui et elle sait chanter. Rihanna pour moi n'a pas encore commis d'album réussi de bout en bout et un gros classique. Pour ton truc sur le porno je ne comprend pas non plus...
Après la technique c'est bien mais ce qui m'intéresse c'est également qui va entourer la personne pour la confection de l'album ou d'un morceau, quel va être son idée derrière la tête sur tel morceau, ses paroles, va t-elle jouer avec la prod etc. Suffit d'écouter le dernier album d'Aaliyah de son vivant... Ce que j'ai du mal à comprendre c'est comment peux tu etre si définitif alors que tu aimes bien Justin Timberlake (qui est dans la case rnb/pop/effets de voix). Pour le rap je préfère même pas m'aventurer car c'est super vaste et je partirais visiblement de beaucoup trop loin vu ce genre d'idée (même si je suis ok avec Zen, pas la peine de tout écouter...) Frank Ocean sinon n'est pas toujours dans la veine rnb mais aussi rap et c'est là que je renoue avec le topic avec ce morceau et l'album d'Earl Sweatshirt que j'écoute beaucoup en ce moment:
en référence très certainement à Chris Brown qui a traité Frank de "faggot" superbe écriture c'est à mon avis dans ce sens que l'on doit dire d'une personne qu'elle écrit bien, on à l'insulte "faggot" avec l'expression "to be anal" (terme qui vient de Freud) qui lui répond magnifiquement. Dernière modification par Aguéev ; 11/11/2013 à 22h11. |
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En ce moment, j’écoute en boucle le dernier Lady Gaga, Artpop.
La première écoute ne m’avait pas convaincu, mais au fil du temps, ça fait carrément le job, contrat rempli donc ! Je ne sais pas si ça contient des tubes, mais j'ai déjà des morceaux favoris. Ca passera et je ne pourrais sans doute plus les écouter dans quelques mois, mais pour l'instant, je ne boude pas mon plaisir Lady Gaga – Fashion!
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- Oh, là mon pote je t'arrête, tu déconnes. Être complétiste et aimer les variantes, ça fait deux. - Qui a dit le contraire ! Je te dis que c'est du même ordre ! |
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Ce que je n'aime pas, c'est cette catégorie de rappeurs qui samplent à tort et à travers, sans autre souci que d'exploiter des échantillons d'une musique pour faire sonner des chansons qui sans ça se casseraient lamentablement la figure. Tiens, pour prendre un exemple qui trouve un écho avec une actualité récente (la mort de Lou Reed), je me souviens de A Tribe called quest, qui avait samplé "Walk on the wild side"et sa ligne de basse sur "Can I kick it ?". C'était assez bien vu, bien employé, et j'avais trouvé que Lou Reed avait été très procédurier sur ce coup (il a d'ailleurs gagné cette bataille judiciaire). Il y avait une part d'hommage évidente et un mélange intéressant entre deux musiques qui, au fond, évoquait la même chose, un truc urbain. Beaucoup plus tard, Q-Tip de ATCQ avait aussi participé à un morceau de REM et la rencontre était très réussie. En France, un DJ comme Jimmy Jay, qui produisait les premiers disques de MC Solaar, était un authentique amoureux du jazz (il avait par exemple samplé du Lou Donaldson - "One cylinder"de l'album "Alligator Boogaloo"). Ce sont des démarches comme ça qui me plaisaient. Par contre, des mecs comme Puff Daddy qui a samplé du Sting, du Led Zep, juste pour surfer sur le côté hype ou culte, avec au bout des chansons de merde, non merci.
Aujourd'hui, quand tu écoutes Béyoncé, elle attaque la plupart du temps en force. C'est une technique qu'elle a visiblement empruntée à Aretha Franklin. C'est très bien, elles sont dans le même registre, des voix puissantes. La différence, c'est le sentiment qu'on veut faire passer en faisant comme ça. Aretha était une chanteuse inspiré par le Gospel, des grandes voix comme Mahalia Jackson, et son chant avait quelque chose de vibrant. Elle transformait parfois le sentiment d'une chanson en quelque chose de différent de l'intention originale (c'est pour ça qu'Otis Redding n'aimait pas sa reprise de "Respect" dont elle faisait un hymne féministe alors qu'il l'avait écrit comme une chanson moins ciblée, plus universelle). Je n'ai jamais trouvé chez Béyoncé l'équivalent d'une émotion pareille, j'ai cette impression permanente qu'elle fait une démonstration vocale juste pour le show (comme a fini d'ailleurs par le faire Aretha) : c'est peut-être impressionnant mais vite fatiguant. Quant à Rihanna, on est là dans le pur cliché de la chanteuse qui attaque ses chansons comme une actrice de cul : elle gémit pratiquement tout le temps, sans doute pour se donner un air sensuel, mais qui en fait produit plutôt quelque chose de vulgaire (et visuellement, c'est raccord car cette fille, qui est jolie, a toujours l'air de sortir tapiner). En fait, on est dans la ligne de Gloria Gaynor, qui simulait des râles de plaisir sur "I love to you baby", sauf que c'est systématique chez Rihanna. On ne sait jamais si elle veut exprimer de l'émotion, de la colère, de l'érotisme. J'ai l'impression qu'elle surjoue en permanence la fille en chaleur, qui miaule, qui fait traîner sa voix - un vrai film porno. Bon, c'est là aussi sûrement sexy et efficace pour beaucoup de monde vu son succès, mais question variété dans l'expression musicale, il y a beaucoup mieux.
Quand tu entends chanter des très bonnes chanteuses de jazz ou de soul (pas de r'n'b : le r'n'b, c'est juste une version délavée du rhythm'n'blues, c'est devenu le canada dry de la soul et du funk, avec des morceaux de rap et d'électro pour passer aussi dans les clubs), elles étaient au top quand elles avaient de la bouteille et des arrangeurs qui les dirigeaient à la note près. Il y a une histoire avec Quincy Jones que j'aime bien pour définir ce qu'est une bonne chanteuse, ça concerne Nana Mouskouri à propos de l'album qu'ils ont fait ensemble en 62 ("Nana Mouskouri in New York" : un vrai collector mais qui change complètement la façon de voir cette chanteuse). A l'époque, c'était une jeune fille, elle avait 25 ans, c'était la première fois qu'elle chantait tout un disque en anglais, elle craignait son accent, n'avait pas confiance en sa technique. Pendant une semaine, il l'a promené dans des clubs de jazz et des salles de concert pour entendre Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Duke Ellington, etc. Elle lui a demandé quand ils allaient commencer à enregistrer et il lui a répondu : "take it easy, and learn". Puis une fois en studio, des sessions interminables, qui se finissaient parfois au milieu de la nuit. Il lui a dit alors que l'important, ce n'était pas l'accent, la technique, c'était de comprendre ce qu'elle chantait, de le ressentir. Il lui a dit de faire comme Sinatra : d'abord se réciter la chanson, l'annoter, puis ensuite ça viendrait tout seul parce qu'elle aurait repéré les temps forts, les temps calmes, etc. Résultat : Quincy Jones a eu ce compliment qui devrait inspirer toutes les chanteuses - " a voice that turns melody into magic". La magie dont il parle, c'est quand une chanteuse arrive à si bien maîtriser les techniques (de sa voix, de l'enregistrement), à si bien comprendre ce qu'elle chante, que ça vient naturellement, ça coule de source, c'est évident, c'est juste (et c'est une conception des choses qui préside à d'autres disciplines artistiques). Beaucoup de travail pour donner l'impression que c'est facile et pile-poil dans la bonne intention. Pas de chi-chi, pas de simagrées, pas d'effets racoleurs : juste la chanson, le sentiment. La bonne chanson, la bonne chanteuse, la bonne intention.
J'ai écouté les deux volumes de son "20/20 experience" et c'est très malin : il évoque Michael Jackson, il se sert un peu chez Jay-Z, il garde un peu de Timbaland, il essaie même des petites doses de rock, mais il le fait avec humilité. Il sait qu'il a plus de charme que de technique, et du coup il a compris que ça ne servait à rien d'imiter les blacks (contrairement à un Robin Thicke). Mais il s'en sert bien, intelligemment, il se taille des chansons à sa mesure, et il les fait bien. Ce n'est pas mielleux et bêtement agressif/provoc'. C'est juste. Il a trouvé son créneau. |
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Mais le hip hop, c'est un terrain très très vaste, beaucoup plus vaste que le hip hop jazzy cool à la ATCQ ou des premiers Solaar (ou des superbes Digable planets par exemple). Et Puff Daddy, on est bien d'accord pour dire que c'est créativement proche du zéro absolu. Mais bon, on ne va pas réduire tout le hip hop à ça, hein.... Ca serait quand même intellectuellement assez malhonnête.
D'autant plus que ta réponse est très intéressante.
Mais même si techniquement, le parallèle avec Franklin ou d'autres chanteuses issues du gospel est très pertinent, c'est plutôt sur un autre plan que je comparerais Beyoncé à des artistes des 60's. Sur le côté machine commerciale pop. Destiny's child et puis Beyonce en solo, c'est les Suprêmes et puis Diana Ross. C'est l'usine à tubes. Des trucs qui font l'air du temps et qui tiennent le coup avec les années parce que il y a des morceaux dans le tas qui sont très bien foutus. Il ne faut pas chercher chez Beyoncé quelque chose de vibrant comme chez Franklin. Ce serait se tromper de crèmerie. Beyoncé, comme les Suprêmes, ce sont des instantanés pop, hyper catchy et (parfois faussement) superficiels. Et dans cette catégorie, Beyoncé est sans doute aujourd'hui sans égale.
Mais l'histoire de la soul, c'est aussi ça, hein. Les Millie Jackson, Betty Davis, Yvonne Fair (et son superbe album "The bitch is black") et autres chanteuses hyper sexuées et plutôt franchement vulgos. La soul, c'est aussi plein d'histoires de cul.
En règle générale, moi aussi, je suis plutôt adepte du "less is more". Ou comme l'écrivait Julio Cortázar dans Marelle : "Si le volume ou le ton de l'œuvre peuvent laisser penser que l'auteur a voulu réaliser une somme, se hâter de signaler qu'il s'agit d'une tentative tout à fait opposée, celle d'une implacable soustraction". (d'ailleurs, si tu ne l'as déjà lu, je te conseille la lecture de ce livre, les personnages y discutent en passant des soirées entières à écouter le jazz de l'époque - le roman date de 1963). Mais pour revenir à nos moutons, il y a aussi d'autres façons de concevoir les choses, qui peuvent se défendre. Avec les années qui passent, je me méfie de plus en plus de ce genre de discours, valables dans le contexte dans lequel ils ont été énoncés, mais pas nécessairement à appliquer comme un dogme dans toutes les situations.
Ca se trouve légalement gratos sur le net (vu que c'est lui-même qui les a mises à disposition du public gratuitement) et je trouve ça vraiment intéressant. House of balloons, Thursday et Echoes of silence. Tout n'y est pas exceptionnel mais pas mal de morceaux sont vraiment réussis. Et je trouve que ce gars a vraiment quelque chose. (il utilise même astucieusement un sample de Siouxsie and the banshees pour en faire un truc que je trouve très très largement meilleur que l'original)
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et puis il ne faut pas oublier Ryan Leslie : ses prod défoncent, Wire avait d'ailleurs élu ce morceau "meilleur morceau de l'année" : Ciara défonce comme artiste : mais vous avez tous peur de reconnaitre la vérité nue, R Kelly est le plus grand chanteur des 15 dernières années avec cet hymne à la fête parfait : et son ghetto soap opéra comédie musicale, 23 morceaux avec la meme instru et R Kelly qui fait tout les persos. Le tout mis en vidéo : http://www.youtube.com/watch?v=zFosU...5B80E56D446962 Dernière modification par Aguéev ; 13/11/2013 à 02h03. |
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Wildcard tu devrais écouter cet album, tu pourrais aimer :
http://www.youtube.com/watch?v=yqEmLgOElCU ou celui là : http://www.youtube.com/watch?v=fzpofOB34Xo et une précision certains rappeurs doivent en connaitre autant que toi en jazz (et je ne parle meme pas de Flying Lotus et de Thundercat). et ca c'est un groupe indé des nineties qui a utilisé un sample hyper grillé que tu vas reconnaitre pour te montrer l'utilisation d'un sample de qualité : Dernière modification par Aguéev ; 13/11/2013 à 02h02. |
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Ben ouais. Et quand c'est bien fait, ça n'a rien de honteux.
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C'est pourquoi aborder ce genre sous l'angle de la personnalité de l'interprète peut aboutir, comme le fait wildcard, à un constat assez peu flatteur à propos d'un genre musical dont l'intérêt est avant tout ailleurs. Bon sinon, R. Kelly, désolé, mais vraiment , je ne peux pas. Mais Cassie ou Ciara, ça se laisse écouter.
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Mais franchement on s'en fout de tout ça. De la personalité, de qui chante, l'important c'est que ça sonne bien!
R Kelly c'est la belle écriture à son meilleur. On lui a collé l'étiquette "lover" alors que pendant toutes les années 2000's le mec faisait des morceaux lover mais avec des métaphores filées incroyables et des images uber débiles (par exemple : " sex in the kitchen "). Pour les producteurs bin on le sait que la pop c'est 75% le producteur depuis les 70's (c'est d'ailleurs comme ca que JT a pu avoir une crédibilité après NSync) |
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Mais c'est certain que quand j'écoute du r&b, contrairement à d'autres styles musicaux, ce n'est pas particulièrement ce que je recherche. Je peux écouter des morceaux en me contrefoutant de savoir qui chante. En fait, ça n'a pas d'importance. Comme tu le dis bien, faut juste que ça sonne bien. Le seul intérêt, c'est de connaître le nom du producteur pour aller chiner d'autres trucs qu'il a produits.
Mais franchement, on se fout un peu de savoir si tel ou tel morceau a été chanté par les Marvelettes ou les Velvelettes, hein... Sinon, King Geedorah, c'est un peu comme du kaiju qui débarquerait sur le Pacific Princess, ça a son charme mais pas certain que ça va intéresser wildcard.
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"Ouais, mais Smokey Robinson, c'était mieux." Mode wildcard OFF
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J'ai reçu mon exemplaire de Grant Green : The Complete Quartets with Sonny Clark, et... Whaou ! C'est extraordinaire ! Bon, en fait, il s'agit d'un double album qui contient toutes les sessions enregistrés par les deux musiciens (dans cette configuration), et qui avaient été originellement publiés en trois albums entre 1961 et 1962 ("Gooden's Corner", "Oleo" et "Nigeria"). Rien qu'en 61, Green a quand même enregistré SIX albums (sans compter quelques participations sur des albums de ses copains), le mec était en pleine bourre, il avait la confiance des boss de Blue Note, et malgré, déjà, une addiction à l'héroïne, il était déjà au sommet de son art. Les 7 premiers titres (issus de l'album Nigeria") sont époustouflants : Green s'empare de classiques comme "Airegin" (qu'a aussi joué Wes Montgomery), "Nancy with the laughing face" (un des tubes de Sinatra), "I concentrate on you" et surtout une version de 10'20 de "It ain't necessarily so" splendide. La section rythmique est alors composée par Clark au piano, dont la technique fluide (dans la veine de Bud Powell) répond idéalement à celle de Green ; Sam Jones à la basse (qui se sert parfois d'un archer sur les ponts) et Art Blakey à la batterie. Incroyable d'apprendre que Blakey (que je considère comme le plus grand batteur de jazz) n'ait enregistré que ces 7 titres avec Green (il est vrai que les Jazz Messengers du drummer n'accueillait pas de guitariste), mais on sent une jubilation entre tous les membres du groupe. Ensuite, on a droit à 6 titres (issus de l'album "Oleo"), avec encore de grands moments (les reprises de "On the green dolphin street", "What is this thing called love" et surtout une version céleste de "Moon river" d'Henry Mancini - c'est la chanson du film Diamants sur canapé, de Blake Edwards avec Audrey Hepburn). Louis Hayes remplace Blakey à la batterie (et garde cette place pour le reste du programme de ce double album). Son style est plus discret, moins percutant, moins exubérant, moins hard-bop que Blakey : on perd un peu en énergie, mais ça reste très solide. Les solos de Green sont superbes : il donne aux airs blues une profondeur bouleversante sans faire de chichis, et quand il swingue, son phrasé est d'une limpidité exemplaire. Ce qui est remarquable avec Green, ce n'est pas seulement la beauté de son jeu, sa sobriété, c'est qu'il écoute ses partenaires, il leur laisse la parole, il les met en valeur. On a vraiment le sentiment d'écouter un groupe, pas un soliste avec des accompagnateurs. Enfin, on a droit aux 6 titres du disque "Gooden's Corner". Le pic de cette session, c'est bien sûr la reprise "My favorite things", LE tube immortalisé (et souvent revisité) par John Coltrane. Le saxophoniste Ike Quebec (avec lequel entretemps Green enregistra "Blue & sentimental") aurait d'ailleurs pu figurer sur ce morceau. La combinaison des musiciens atteint la perfection : on a l'impression qu'ils jouent comme un band avec des années de complicité, leur swing est percutant comme jamais, et quand ils jouent en finesse, c'est de la dentelle. Quand on pense que Sonny Clark (également toxicomane) est mort à 36 ans, quelques mois après cet enregistrement, on imagine ce qu'il aurait pu encore faire, surtout avec cette formation-là. Ces sessions laissent beaucoup de regrets quand on écoute avec quelle harmonie ces quatre garçons se complètent (même si, donc, les morceaux avec Blakey sont un ton au-dessus du reste). Mais c'est une riche idée d'avoir rassemblé ces 19 morceaux dans un seul coffret. Quand on se rend compte que tout ça a été gravé en seulement trois journées, ça laisse rêveur. |
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