vos dessinateurs les plus marquants

[Eddy Vanleffe]

Dans le même ordre d’idée que le topic précédent, mais comme on parle de bande dessinées je veux parler maintenant des artistes.
Comme un certain nombre d’entre vous, je pense, l’amour du comics n’a pas été qu’une passion passive. Je me suis mis à gribouiller plus ou moins bien poussé par une pulsion irrépressible et le besoin d’exprimer certaines choses. Je me souviens encore du coté grisant de manipuler l’encre de chine, étudier l’anatomie (hyper importante chez ces américains), le cadrage. Puis lire un nouveau titre, y trouver encore un truc inédit à copier ou à se réapproprier. Ajouter des textures et finalement avoir cette relation quasiment organique avec les planches des grands maitres.
Certains artistes sont donc plus que de simples exécutants pouvant parfois être de véritables magiciens, transformant des traits en émotions, en sensations fortes, un regard, une moue et c’est le coup de foudre.

Voici mes dessinateurs marquants basé sur le même principe que les scénaristes.

10-Dave Cockrum
J’ai longtemps ignoré l’impact que Dave Cockrum eut sur les comics. Alors qu’en matière de créativité folle mélangeant mode psychédélique, succès du cinéma d’aventure et science-fiction à la Burroughs fait de lui un frère du japonais Go Nagaï. Aliens bizarres, costumes de toutes formes, toutes matière (ceinture brillante du Phénix) et décors oscillant entre les grands anciens et Star trek, c’est toujours enrichissant à revoir. Ce type rêvait et créait…

9-Chris Bachalo
Si aujourd’hui, je ne retourne pas particulièrement sur ses planches, je lui ai trouvé du génie et Witching Hour, Steam Punk ou Death sont pour moi des sources de ravissement au point d’en éclipser l’histoire, ce qui est rare chez moi. Mise en page de dingue, femmes-enfants entre Bardot et manga ont fait date. Ses décors faussement grossiers insistent souvent sur le poids d’une grille en fer forgée ou d’une plaque d’égout. Parfois confus, il impose pourtant un sentiment d’étouffement dont même les personnages semblent vouloir s’échapper.

8-Mike Mignola
J’ai une grave lacune. Je ne suis pas fan de Hellboy mais il reste que Mignola possède une patte et une façon de manipuler la lumière. Il a beaucoup de Frazetta et pourtant il semble être né pour faire du Lovecraft. Si aujourd’hui il ne me touche plus trop, il possède tout un corpus qui va de Docteur Strange & Fatalis au Cycle des épées en passant par Cosmic odissey et Iron wolf qui ravissent à chaque fois rien qu’en les feuilletant.
7-George Perez
Le moine copiste, besogneux, l’homme aux 500 personnages sur 21 vignettes pas pages. Le truc où il faut une loupe pour tout lire. Chaque visage est différent, il prend souvent modèle sur des mannequins. Je reste toujours en attente de la suite de Crimson Plague que j’avais adoré. Le côté paradoxalement précis et propre de ses contours me laisse pantois d’admiration. Il ne dessine pas, il sculpte. Son rendu de scarlet Witch me restera toujours en mémoire.

6-Paul Smith
J’adore la pureté se son dessin. Il peut sembler simple mais il est totalement maitrisé surtout encré par Bob Wiacek. Le mec qui va traduire une veste en cinq traits et donner l’impression de la facilité. Un dessinateur ultra doué qui joue l’épure sans faire bâclé. Leave it to Chance est un vrai bol d’air frais.

5-Berni Wrighston
La maitre de l’ombre. Je le connaissais autrefois que par Batman le Culte et Hulk et la chose. Déjà,j’y voyais son art pour représenter les créatures les plus difformes ou les délires visuels le plus improbables. Peu traduit en France c’est en tombant sur son SWAMP THING que Delcourt eu la riche idée de publier en noir et blanc que je réalisais la puissance d’évocation de son dessin dont les ombres et la lumière me mettent toujours sur le cul. J’adore ses monstres, classiques ou non, poilus ou gluants là encore il parvient à accrocher la peur la plus primale dans les regards de ses personnages toujours en souffrance. Récemment Delirium nous fait le cadeau de retraduire ses épisodes de Creepy et Eerie. Jennifer est à la fois sublime et hideux.

4-John Byrne
Fasciné par les visages ravagés, il multipliera les personnages défigurés avec une prédilection pour les brulés. Il n’hésite pas non plus sur les cernes, les doubles mentons, le gras, les aspérités préfigurant d’une certaine manière Frank Quitely. Pour autant menant souvent plusieurs mensuels de front, il ne néglige aucun décor, aucun personnage, force l’admiration devant tant de boulot abattu pris par le temps il sait rester créatif ou ludique (la combat dans la neige dans Alpha Flight). Il se met en scène, essaie l’humour, le cartoon renverse ses planches, imbrique deux histoires. Autre lubie également il s’improvise aussi régulièrement coiffeur. Un artiste complet qui semble ne laisser derrière lui aucun héritage. Bizarre.
3- John Romita Jr
Un héritier des grands, un de ceux qui m’ont troué le cul. Il peut tout rendre, le végétal, le granitique les reflets de l’eau étrangement opaque comme sa boue peut être collante, il s’est spécialisé dans la description de la pluie, que ce soit ruisselante sur un visage ou glissant sur un pare-brise. Il passe en deux cases d’une ruelle cradingue folle de détails à une figure satanique n’ayant rien de réelle. Des postures archétypales, il peut néanmoins dessiner n’importe quel héros sans se renier ou même s’effacer. Il réinterprète toujours
2-John Buscema
L’homme à tout faire mais replongeons dans ses Conan : la sauvagerie des regards, le coté félin des hommes pourtant massifs (y a-t-il meilleur traducteur de la prose d’Howard franchement ?), quand il met en scène une danseuse, on entend ses grelots. Décors naturels, monolithes étranges ou ordinaires il n’a pas son pareil pour ressusciter l’exotique. L’élégance de son Thor, la noblesse de Silver Surfer. Buscema ne se contente pas d’illustrer, il incarne ! il donne vie.
1-Frank Miller
Que ce soit par ses ombres démesurées, l’omniprésence des briques droites ou tordues, ses perspectives de fous ou les formidables chorégraphies de combat. Il m’a re-scotché au noir et blanc en osant le grand écart entre Hugo Pratt et Goseki Kojima, tout ça au service d’une hubris permanente.